Le Cloud au centre des (faux) débats ?

Migrer vers le cloud ne se résume pas à un simple déplacement sans remaniement. Dans le secteur de l'informatique, la pratique est usuelle : on change de plateformes au gré des ruptures technologiques.

Sous le label Cloud de confiance, ambition de cloud souverain : que cela soit en France ou en Europe, le cloud est plus que jamais au cœur de nombreux débats. Sous l'égide de la CNIL ou du Contrôleur Européen de la Protection des Données (CEPD), enquêtes et injonctions se multiplient pour essayer de réguler et d'encadrer l'usage des plateformes et des applications dans le cloud. Car si les systèmes d’informations basculent un à un dans le nuage, ce sont bien sur les données du citoyen, mais aussi de nos fleurons nationaux, qu’il faut garder un œil. Pour autant, l’enjeu se résume-t-il à un débat politico-stratégique ? Rien n’est moins sûr.

Si ces débats sont si prégnants, c’est que le cloud s’est imposé comme l’un des moteurs de la réussite de notre économie, de l’innovation et de la modernisation de l’Etat. Qu’importe les technologies mises en œuvre – cloud privé, public, hybride ou edge – cette réussite réside avant tout dans l’accélération formidable de la cadence des innovations. C’est-à-dire in fine, dans la vélocité du développement et de la mise à disposition de nouvelles applications.

Dans cette course de vitesse, lever les freins sans foncer tête baissée

Si cette bascule dans le cloud ne concerne encore qu’un tiers des entreprises européennes (1), c’est que de nombreux freins subsistent encore. Prix, compatibilité, réversibilité, sécurité… quelles que soient les raisons invoquées face à cette injonction de transformation, les entreprises devraient avant tout commencer par s’interroger sur leurs données. Et notamment, sur le meilleur moyen d’en tirer parti. Et ce avant que d’autres ne le fassent à leur place…

Face à des volumes de données en forte hausse, les technologies qui permettaient de leur donner un sens doivent désormais pouvoir fonctionner à grande échelle. Si le cloud est devenu le terrain de jeu naturel du big data, du machine learning comme de l’intelligence artificielle, autrefois cantonnés à des serveurs de tests ou aux data warehouses des départements informatiques, c’est qu’il offre l’ampleur nécessaire pour transformer ces données en informations qualifiées, en renseignements utiles et en nouvelle source de revenue.

En conséquence, le choix du type de fournisseur de services cloud est inextricablement lié aux applications et aux types de données de l’entreprise. C’est aussi la conviction partagée par Sylvain Rouri, directeur commercial chez OVH : "l’une des principales difficultés pour toute entreprise souhaitant migrer vers le cloud consiste à se faire une idée claire des différents types de données sous leur responsabilité, et à déterminer ce qu’elles comptent en faire".

Comment transformer ces données en résultats concrets ?

Pour tirer parti de ces données, l’heure n’est plus aux expérimentations limitées et contraignantes.  Ce sont désormais les applications qui permettent aux entreprises de tirer avantage des données et ainsi prendre l’ascendant sur la concurrence. Ces applications doivent être non seulement entièrement sécurisées et totalement accessibles, mais aussi disponibles au bon moment, au bon endroit et sur toute plateforme imaginable. Ceci implique de les déployer dans des clouds offrant l’environnement adapté à leurs besoins, tout en gardant la possibilité de les déplacer si nécessaire. Le but est donc de comprendre ces besoins et de choisir le cloud qui y répond le mieux.

Cet objectif peut-il être atteint en interne, en faisant appel aux équipes de développement ? En théorie oui, évidemment. Mais en pratique, on constate que les problèmes d’échelle, de rapidité d’exécution, de compétences et de fonctionnalités disponibles mettent même les plus grandes entreprises en difficulté.

Que doit-on réellement attendre d’un tel projet de migration dans le cloud ?

Migrer vers le cloud ne se résume pas à un simple déplacement sans remaniement. Dans le secteur de l’informatique, la pratique est usuelle : on change de plateformes au gré des ruptures technologiques. Du mainframe aux mini-ordinateurs, de l’ère des microprocesseurs à celle de la virtualisation, on déplace tout au fur et à mesure. Ainsi, rien de surprenant à voir cette attitude encore généralisée par exemple lors des projets de migration de datacenters internes vers le cloud. Ces entreprises se retrouvent alors surprises par certains coûts, dû par exemple à l’explosion du trafic réseau, et réalisent alors que tout miser sur le cloud n’est pas nécessairement la meilleure stratégie. 

N’oublions pas non plus qu’il n’existe pas de solution miracle pour la plupart des entreprises. Le terme cloud englobe en réalité une grande variété de modèles, qu’il s’agisse d’exécuter des applications sur site dans un datacenter, du SaaS, des clouds publics, ou même des clouds de périphérie hautement distribués. Cette prolifération reste indéniablement une source de complexité. Et l’adéquation entre processus et compétences disponibles, un défi.

En conclusion, rappelons que si la modernisation des applications est une course de vitesse, le choix d’une infrastructure doit rester extrêmement réfléchi et prendre en compte ces enjeux de migration, de réversibilité et de valorisation des données. Si céder aux sirènes du moment peut être risqué, se lancer à corps perdu dans des projets pharaoniques n’est pas forcément non plus la bonne option. Pragmatisme et confiance en son organisation doivent ouvrir la voie à un vrai débat au sein de l’entreprise pour que chacun reprenne, en toute conscience, les rênes de son innovation.

1- Improving Customer Experience And Revenue Starts With The App Portfolio, étude Forrester, mars 2020