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Ce
qui a changé depuis l'e-krach
Financement, stratégie,
perspectives...
La correction boursière du printemps a déstabilisé
les "jeunes pousses" du Web. Enquête en
cinq volets sur les nouvelles règles du jeu de
l'Internet business. |
C'est un marchand en ligne de
produits culturels, avec plusieurs années d'expérience
dans "l'ancienne économie". Présent
depuis un an sur l'Internet, reconnu par les revues spécialisées,
son site génère plusieurs dizaines de milliers
de francs de chiffre d'affaires par mois. Sa société
emploie déjà une demi-douzaine de personnes
et son site affiche 20.000 pages vues par mois. Malgré
ces mensurations, qui rendraient jalouses bon nombre de boutiques
du Web, il n'intéresse pas les investisseurs. Sous
couvert de l'anonymat, son créateur raconte le parcours
d'un financement impossible et porte un regard acide sur les
capitaux-risqueurs.
Depuis
quelques mois, la société a envoyé une
quinzaine de dossiers à différents capitaux
risqueurs. Seuls six investisseurs ont répondu. "Aujourd'hui,
les capitaux risqueurs font une équation simple, explique
le PDG. Pour eux, le B to C équivaut désormais
à un risque trop important et les produits culturels
sont sur un secteur très concurrentiel. Du coup, ils
n'écoutent pas la suite du raisonnement. On est loin
d'avoir des discussions stratégiques sur le potentiel
du marché."
Pour ce
créateur d'entreprise, plutôt
remonté, le
coupable numéro un est le comportement moutonnier des
investisseurs : "lls se suivent entre eux et investissent
uniquement selon les modes. Ils sont tous sur les mêmes
dossiers, sur les mêmes critères. Après
l'achat groupé, il faut faire maintenant du software.
Pour leur plaire, il existe des mots magiques comme ASP ou
WAP, même si ce ne sont pas des avancées technologiques
foudroyantes". Le
patron de cette start-up, qui a vécu en prise directe
l'e-krach, dresse alors un constat amer : "En fait,
c'est le capital-risque qui a besoin de mûrir."
"Je
me tourne maintenant
vers des partenaires industriels..."
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Auto-financée
à 100% sur fonds propres, la société
a besoin aujourd'hui de 5 millions de francs pour gonfler
son stock de marchandises, embaucher du personnel et faire
de la publicité. En
juin dernier, le PDG a pris son bâton de pélerin
à la recherche d'investisseurs intéressés.
Trop tard. Au coeur du trou noir financier de l'Internet,
ce dirigeant va vite regretter de ne pas avoir entrepris cette
démarche dès janvier. "J'ai eu droit à
des réactions totalement contradictoires chez les capitaux
risqueurs, se souvient le PDG. Ils me disaient 'Vous avez
raison de lever 5 millions de francs et de procéder
par étapes. Mais entre un dossier à 5 millions
de francs et un dossier à 40 millions, nous préférons
le deuxième, parce que nous sommes rémunérés
à la commission."
La faiblesse
de la start-up est sans nul doute d'avoir trop raisonné
"ancienne économie" et d'avoir voulu valider
son modèle avant d'aller vers les investisseurs. "Maintenant
que je suis convaincu, preuves à l'appui, que nous
avons notre place, même face aux plus gros, je n'arrive
pas à convaincre !"
Mais,
mâtiné d'anciens principes, cet entrepreneur
cherche
surtout à construire pour durer et ne veut pas vendre
sa société à la moindre occasion. Pour
trouver ses 5 millions, il a donc décidé de
changer de stratégie. "Je me tourne maintenant
vers des partenaires industriels qui ne vendent pas les mêmes
produits que moi. Avec eux, il serait possible d'avoir des
synergies marketing pour attaquer le marché à
un meilleur coût. En échange, nous leur offrons
une participation dans la société.
Au moins, avec les industriels, on parle de l'avenir et du
produit, et pas seulement de chiffres..."
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