Le
langage militaire parle de dommages collatéraux.
L'économie lui préfère la notion
de trou d'air sur fond d'incertitude. Peu importe, le
secteur du voyage y est. Depuis le 11 septembre, jour
où le transport aérien a vécu ses
minutes les plus terribles en direct et sur les télévisions
du monde entier, le secteur du voyage ne cesse de plonger.
Dernière victime en date sur Internet : le site
américain Biztravel.com,
spécialisé dans les voyages d'affaires,
qui a décidé de cesser ses activités
jeudi dernier.
Parmi
les autres acteurs américains du voyage en ligne,
les répercussions tout aussi sont nombreuses.
Il y a de quoi : le GDS Amadeus
(24,9% de parts de marché, source Garrett Communications)
a constaté dans les jours qui ont suivi les attentats
une baisse de 74% sur les réservations de billets
d'avion. Aux Etats-Unis, l'American
Society of Travel Agents chiffre à 51
millions de dollars par jour les pertes enregistrées
depuis le 11 septembre. Dans ces conditions, les pure-players
du voyage ont tous vu leurs ventes plonger de 35% ou
45%. C'est le cas de Travelocity,
d'Expedia
(en cours de rachat par USA Networks) ou encore de Priceline.
Ce dernier a déjà réajusté
ses prévisionnels pour le troisième trimestre
2001. Au lieu de tabler sur un chiffre d'affaires supérieur
à 340 millions de dollars, Priceline s'attend
désormais à un résultat compris
entre 280 et 300 millions de dollars.
10%
des billets d'avion sont vendus en ligne
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Le
schéma est pourtant classique, déjà
rencontré lors de la guerre du Golfe en 1991.
Chaque événement majeur militaro-politique
déstabilise le secteur du voyage. Dans un premier
temps, sous le régime de la crainte, la réticence
des particuliers, mais aussi des entreprises, à
se déplacer marque un brutal coup de frein pour
les voyagistes. Dans un second temps, si la crise se
voile d'économie, ce sont alors les budgets consacrés
aux déplacements qui fondent.
Or,
depuis 1991, une chose a modifié ce secteur :
l'Internet. Car dans le domaine du commerce électronique,
le voyage se taille la part du lion. En France, selon
Benchmark
Group (éditeur du JDNet), le voyage pèse
47% du chiffre d'affaires généré
en BtoC. Aux Etats-Unis, le phénomène
est comparable avec 38,5% de part de marché (source
Forrester Research). Au total, selon PhoCusWright, 10%
des billets d'avion vendus dans le monde seraient ainsi
écoulés par Internet.
Les
compagnies arrêtent leurs
e-promotions
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Mais
si le marché existe, sa rentabilité est
souvent lointaine et sa concurrence exacerbée.
Pour bon nombre de pure-players, à l'image de
marque encore floue et aux soutènements financiers fragiles,
la question de la survie se pose si le trou d'air actuel
se prolonge. Parmi les poids-lourds, le constat est
également délicat. Afin d'attaquer le
marché de la vente en ligne, tout en adaptant
leur système d'information, les grandes compagnies
aériennes comme United Airlines, British Airways
ou Air France ont programmé des investissements
supérieurs au milliard de francs.
Or,
dans les mois qui viennent, chaque million pourrait
être précieux et difficile à justifier
face à des plans sociaux. Signe de cette interrogation
naissante : plusieurs compagnies américaines
(TWA, US Airways, Continental Airlines, American Airlines...)
ont d'ores et déjà suspendu leurs tarifs
promotionnels réservés au Net.
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