Dans le prolongement des mesures conservatoires prises jeudi dernier sur le marché de la télévision
par ADSL (cf article
JDN du 16/04/04), le document de référence du
Conseil de la concurrence s'avère être une véritable petite pépite.
La première partie du dossier, intitulée "Constatations",
présente un historique du développement de la
télévision par ADSL en France, au cours de la
période 2000-2003.
Une saga croustillante, où les intérêts
des grands groupes télécoms (France Télécom
en premier lieu, puis Free)
et audiovisuels (le nom de TF1 revient de manière
systématique) se croisent. Cerise sur le gâteau : grâce aux audiences de l'ensemble des parties prenantes, qui se
sont échelonnées entre la fin 2003 et le début 2004,
le Conseil de la concurrence est parvenu à dresser
un inventaire complet des accords commerciaux signés, en
rendant public des clauses contractuelles à
l'origine confidentielles. La chronologie des faits :
Fin 2000 : L'ère
des précurseurs
Free se rapproche "à son initiative"
du groupe TF1 "pour parler d'Internet". A cette
occasion, le président de TPS de l'époque, Patrick Le Lay, manifeste "un
intérêt pour l'avenir d'une collaboration".
Dix-huit mois plus tard, en avril 2002, le président
du groupe TF1 signe enfin avec Free une lettre d'intention. Cette lettre porte sur la mise en place d'une expérimentation
à Paris et sur l'étude de faisabilité d'un
service de télévision par ADSL et d'un service
de vidéo à la demande.
Janvier-septembre 2003
: Le doute s'installe entre Free et TF1
Début 2003, une dizaine de foyers installés dans le XVème arrondissement de Paris et à Boulogne-Billancourt sont raccordés à Dream TV, une offre expérimentale de TV par ADSL initiée par TF1 et LDCom.
Sans nouvelle de son "partenaire" audiovisuel,
Free adresse plusieurs courriers pour savoir s'il peut "acheter
des flux de chaînes" du groupe TF1. L'objectif
est d'inclure ces flux dans son offre de télévision
ADSL (via Freebox) dont le lancement est prévue en
décembre 2003. Le 22 mai 2003, le groupe TF1 répond
qu'il est tout d'abord nécessaire de poursuivre la phase des tests
techniques et de connaître la structure marketing et
commerciale des offres de télévision ADSL. Free s'interroge sur la portée de l'expérimentation
Dream TV initiée par TF1 en collaboration avec LDCom.
En septembre
2003, France Télécom et
le groupe TPS, filiale de TF1, annoncent le prochain
lancement en commun d'un service de télévision
par ADSL. Cette annonce intervient après un protocole
d'accord signé le mois précédent qui
évoque une "collaboration privilégiée".
Le contrat porte sur une durée de dix ans et il est
dépourvu de clause d'exclusivité.
Août-novembre
2003 : Free se rapproche de Métropole
Télévision
Free décide de s'adresser à M6 pour connaître
les modalités tarifaires pour une diffusion des chaînes
thématiques sur son offre de
télévision ADSL. Deux mois plus tard, Free lui
propose la signature d'un protocole d'accord. Là encore,
le FAI est obligé de mettre en demeure M6 pour obtenir
une réponse. Le 19 novembre 2003, le président
du directoire de M6, Nicolas de Tavernost, répond que la mise en oeuvre d'une commercialisation
nécessite des études au préalable.
Août
2003-décembre 2003 (1ère partie) :
Les FAI entrent dans la boucle
France Télécom avertit les principaux
acteurs de la mise en service d'un nouveau modem du type TV par ADSL.
L'opérateur se dit alors "tout à fait
disposé à discuter des modalités de développement
conjoint de l'offre de télévision numérique
afin de dynamiser le marché dans l'intérêt
de tous les acteurs".
Le 5 novembre, lors d'une réunion avec France Télécom
(sans TPS), Tiscali refuse de signer un accord de confidentialité pour étudier le lancement d'une offre de TV ADSL via ce modem. Quinze jours plus tard, le FAI reçoit la même
invitation signée cette fois par TPS et France Télécom.
Mais Tiscali refuse à nouveau de s'engager.
AOL France indique avoir reçu, à la même époque, un courrier
relatif à la mise à disposition d'un nouveau
modem France Télécom. Mais le FAI
affirme n'avoir reçu "aucune proposition pour
participer à une offre de télévision
ADSL" de la part de l'opérateur. AOL
indique avoir demandé "une offre de revente de
Ma ligne TV ADSL". Mais France Télécom
aurait refusé de discuter "en
l'absence d'engagement de confidentialité".
Club-Internet signe, lui, l'accord
de confidentialité de France Télécom.
Mais, faute d'information, le FAI met en demeure
l'opérateur national. Le 12 décembre 2003, France
Télécom indique à Club-Internet que la
diffusion des chaînes en ADSL doit reposer sur une architecture
réseau en mode ATM et qu'elle implique un accord avec "les distributeurs de services audiovisuels au sens de
la loi de 1986", relative à la liberté de communication. France Télécom exige que
Club-Internet répondent à ces deux critères
avant de poursuivre les discussions.
Août
2003-décembre 2003 (2ème partie) :
au tour de l'audiovisuel
France Télévisions demande à
France Télécom de bénéficier de
l'accès vidéo en vue de la diffusion de ses
chaînes en clair sur la télévision par
ADSL. Le 23 décembre, France Télécom
répond qu'il n'est pas "distributeur de services
de communication audiovisuelle au sens de la loi de 1986 (...)
et qu'il fournit aux seuls distributeurs de services au sens
de la loi de 1986, tel TPS, une prestation technique de transport."
En conséquence, selon France Télécom,
la requête de France Télévisions s'adresse
davantage à TPS.
Le groupe AB, distributeur et éditeur de chaînes
thématiques, se voit également refuser la fourniture
par France Télécom d'un accès à
la télévision par ADSL. Un rapprochement a été
tenté en septembre 2003 et un accord de confidentialité
a été signé entre les deux parties.
Novembre
2003 : Canal Plus et Free entrent dans la ronde
Fort de son offre numérique à deux têtes
(Canal Plus Numérique et Canal Satellite), le pôle
audiovisuel du groupe Vivendi Universal signe un protocole
d'accord avec Neuf Télécom pour lancer
un service de télévision par
ADSL, qui va entrer en concurrence avec celui de TPS.
Le 27 novembre, Free lance le premier service de télévision
par ADSL (cf article
JDN du 28/11/03). Le 18 décembre, c'est au tour du
duo France Télécom-TPS de lancer un service
homologue sur la ville de Lyon, TPS L (cf article
JDN du 19/12/03).
Janvier-avril 2004 : le déploiement progressif
Après Lyon, l'offre
TPS L est déployée sur Paris
et la région parisienne. A la date du 15 avril,
1 000 clients se sont abonnés à l'offre TPS
L à Lyon. CanalSat DSL a de son côté débuté son service
à Marseille en mars avec Neuf Télécom,
en attendant un déploiement prévu en mai sur
la région parisienne avec la collaboration de France
Télécom.
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