Après les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Allemagne,
c'est au tour de la France de remettre en cause le système des
commissions versées par les compagnies aériennes aux agences
de voyages sur la vente de billets d'avion. Le premier acte
de ce processus s'est joué le 1er avril dernier après plus d'un
an de négociations avec Air France. Désormais, plus question
pour la première compagnie aérienne de l'Hexagone
de reverser aux agences 7 % du montant de chaque billet Air
France vendu par elles.
Toutefois, afin de couvrir en partie les frais de traitement
et d'édition d'une commande, la compagnie aérienne a proposé
une grille de frais de services que pourront facturer les agences
à leurs clients en sus du prix de base du billet. Cette
grille, qui prévoit différents tarifs en fonction de la nature
du canal de distribution (agence, vente à distance et
Internet), et selon qu'il s'agit de courts, moyens ou longs
courriers, n'est toutefois qu'indicative. Mais elle fixe d'ores
et déjà un nouveau cadre concurrentiel, et surtout une nouvelle
manière de travailler.
A première vue, selon la grille d'Air France,
Internet ressort comme étant le canal de distribution le moins
cher pour le consommateur final, avec des frais de services
compris entre 5 et 10 euros pour les courts et moyens courriers,
contre 20 euros en agence physique, et entre 15 et 20 euros
pour les longs courriers contre 30 à 70 euros en agence.
Un avantage concurrentiel certain qui peut toutefois s'avérer
à double tranchant, dans la mesure où les agences
en ligne ne parviendraient pas, avec de tels tarifs, à
préserver leur marge.
La plupart des sites d'e-tourisme semble pourtant avoir choisi
de prendre ce risque, du moins momentanément, afin d'attirer
le plus d'internautes possible vers le Net. En effet, la majorité
d'entre elles, parmi lesquelles Opodo, Vivacances, Anyway ou
encore Go-Voyages, se sont alignées sur les frais de
service les plus bas, à savoir 5 euros pour les courts
et moyens courriers et 15 euros pour les longs courriers. Lastminute,
pour sa part, a choisi la voie médiane en facturant 7
euros, quel que soit le billet d'avion acheté. "Nous
avons choisi de pratiquer des tarifs un peu plus élevés
que ceux d'Air France afin de ne pas trop grever nos marges
et notre rentabilité, explique Pierre Paperon, directeur
général de Lastminute France. Mais par ailleurs,
nous avons décidé, pour plus de clarté,
de ne pas faire de distinction entre courts, moyens et longs
courriers."
A
chaque voyagiste sa stratégie : frais plancher,
fixes ou variables |
Même prudence chez eBookers France, qui a décidé
de profiter de cette réforme pour mieux contrôler
ses prix. Au lieu de pratiquer des frais de services indifférenciés,
l'agence de voyage en ligne a choisi de les faire fluctuer en
fonction du coût d'une commande. "Nous disposons
d'un outil interne qui nous permet de faire varier les frais
de dossier en fonction de la compagnie et des accords que nous
avons avec elle, des destinations, de la nature de la contribution
d'un vol à nos revenus, ainsi que du canal de vente choisi
par l'internaute", indique Laurent Curutchet, directeur
général d'eBookers France.
Toutefois, quelle que soit la stratégie tarifaire adoptée
par les agences depuis le 1er avril, toutes anticipent une baisse,
plus ou moins importante, de leurs revenus liés à
la vente de billets d'avion. Go-Voyages, qui réalise
80 % de son chiffre d'affaires sur la billetterie, dont une
grande partie sur les vols charters, estime tout de même
à 10 % la baisse de ses marges la première année
s'il n'y a pas de compensation en volume. En revanche, ce changement
de mode de rémunération devrait être moins
préjudiciable à Lastminute, pour qui les billets
d'avion ne représentent que 25 % du chiffre d'affaires
et 10 à 15 % de ses marges.
De ce fait, outre l'automatisation croissante du processus de
commande de billets, toutes les agences de voyages en ligne
travaillent à faire évoluer leur modèle
pour renforcer le poids des produits connexes dans leur chiffre
d'affaires. "Le transport devient une commodité
dont le coût, en raison de l'apparition des low cost,
est de plus en plus tiré vers le bas, explique Fabien
Bourdier, directeur général d'Anyway. En tant
qu'agent de voyages, nous nous devons aujourd'hui de vendre
l'ensemble des produits de ce secteur et de faire en sorte que
le client sorte de chez nous avec un caddie plus important qu'avant,
quitte à gagner peu d'argent sur certaines prestations
comme le transport."
Merchandising
et cross-
selling :
un rôle croissant |
Cette logique devrait d'ailleurs se traduire, dans quelques
semaines, par le lancement d'une nouvelle version d'Anyway.com.
Si les catégories de produits présentes sur
le site ne devraient fondamentalement pas évoluer,
son merchandising devrait en revanche être totalement
revisité, avec pour objectif de favoriser l'achat multiple.
Un domaine où Anyway devrait profiter pleinement de
l'expérience accumulée par sa société
mère, Expedia.
Anyway n'est d'ailleurs pas le seul site à miser sur
le cross-selling. Opodo, eBookers et bien sûr Lastminute
font de même. "Le cross-selling devient vraiment
fondamental, déclare Laurent Curutchet, directeur général
d'eBookers. Nous allons d'ailleurs passer d'ici quelques jours
à la vitesse supérieure dans ce domaine."
L'agence de voyages en ligne s'apprête en effet à
lancer une opération de type "package dynamique",
associant un vol plus une voiture. Opodo, pour sa part, mise
avant tout sur son interface hôtels qu'il a récemment
refondue, sur la croissance des ventes de forfaits, sur son
moteur de comparaison de prix, mais aussi et surtout sur les
packages dynamiques. Tout comme Go-Voyages pour lequel les
voyages sur mesure représentent d'ores et déjà
10 % du chiffre d'affaires.
Pour diversifier ses revenus, seule Vivacances a choisi de commercialiser
une solution de vente de billets d'avion en marque blanche à
destination des professionnels. Baptisée "e-vacances", cette
offre B2B clés en mains, commercialisée depuis mars 2005
par l'agence de voyages filiale d'Amadeus et de Galeries Lafayette,
compte déjà une vingtaine d'utilisateurs et a pour objectif
d'accroître de 20 % le volume d'affaires de Vivacances d'ici
la fin 2006 (lire l'article
du JDN du 6/04/05).
Mais quelle que soit la stratégie adoptée, il
est probable que les agences de voyages en ligne soient obligées
de l'ajuster dans les prochains mois. Le mouvement est en effet
loin d'être stabilisé puisque d'ici l'été,
d'autres compagnies aériennes européennes devraient
suivre l'exemple d'Air France et supprimer tout ou partie des
commissions aériennes. |