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savoir plus |
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Ils
ont réussi leur start-up
!, par Julien
Codorniou et Cyrille de Lasteyrie, Editions Village
Mondial, 2005, 250 p., 17 euros |
Dans leur ouvrage paru en octobre 2005, "Ils ont réussi leur
start-up !", Julien Cordoniou et Cyrille de Lasteyrie relatent
une des principales success stories du Web français :
celle de Kelkoo, depuis la création de la société par trois
chercheurs en informatique grenoblois jusqu'à son rachat par
Yahoo. Le JDN en publie les bonnes feuilles. Troisième et dernier
extrait : en février 2004 débute l'audit effectué par Yahoo
en vue de la fusion-acquisition, tandis que le management hésite
encore entre la Bourse et le rachat industriel.
«La
success story de Kelkoo» |
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La fin des due diligences et le début
des négociations
Paris, les due diligences durent plus longtemps que prévu. Annoncées
comme partantes au bout de dix jours, les équipes de fusions-acquisitions
de Yahoo! restent en réalité plus d'un mois. Le système de reporting
développé par Christophe Odin est si perfectionné qu'il permet
tous les matins d'obtenir le relevé des statistiques et des
résultats de la veille. En cette période exceptionnelle, le
nombre de leads vendus aux marchands ne cesse de croître, ce
qui fait dire par Jean-Fabrice Mathieu aux troupes de Yahoo! :
"Prenez votre temps, chaque jour qui passe est bon pour nous."
Mais Yahoo! en veut toujours plus.
Les Américains se noient dans l'information. Une
fois les premières équipes satisfaites, seuls les auditeurs
restent sur place pour poursuivre leurs dernières investigations,
moins statutaires. Enfin, un troisième round de due diligence
est entamé pour obtenir les déclarations de garanties :
inventaire de tous les risques pouvant peser sur les finances
de la société. C'est une étape très importante de la due diligence :
une provision sous-estimée ou un risque oublié peuvent véritablement
casser le processus de vente. "Je savais qu'il n'y avait pas
de squelettes dans le placard, confie Pedro Mendoza, mais nous
avions été si vite depuis 1999
Nous ne pouvions pas tout contrôler
et nous n'étions pas à l'abri d'un dommage collatéral oublié
en route. Finalement, les types de Yahoo! n'ont rien trouvé.
Le contrôle fiscal que nous avons eu au lendemain de la vente
l'a confirmé : ils n'ont rien trouvé non plus !" Parallèlement,
les avocats des deux parties commencent les discussions sur
le contrat d'acquisition. Dans la grande salle de réunion de
Skadden, les avocats de Yahoo!, les jours et les nuits s'enchaînent
pendant deux longues semaines de négociations non-stop. Chaque
ligne du contrat d'acquisition est vue et revue et chaque terme
fait l'objet d'âpres négociations.
D'un côté, Dominique Vidal, Michel Dahan, Samira Friggeri, Lucas
d'Orgeval et Jon Harry. De l'autre, Yahoo! et ses avocats.
"Le premier jour des négociations, les cinq personnes représentant
Yahoo! se sont assises en face de nous. Jusque-là, le schéma
était classique : chaque partie se faisait face, les discussions
pouvaient commencer. Mais ce qui nous a surpris, c'est qu'ils
avaient chacun leur ordinateur portable ouvert en face d'eux
et n'arrêtaient pas de pianoter dessus. Et puis, toute les minutes
ou deux, un petit 'bip' sortait de l'un des ordinateurs !",
se souvient Lucas d'Orgeval. Ce scénario se reproduit le deuxième
jour, puis le troisième, et ainsi de suite
"C'était inexplicable,
explique Samira Friggeri, ils pianotaient sur leurs ordinateurs
pendant que nous négociions le contrat d'acquisition !"
Les
représentants de Yahoo étaient branchés sur Messenger |
En réalité, les représentants de Yahoo! étaient branchés sur
Messenger et dialoguaient en direct avec les équipes de Californie
pour s'échanger des commentaires ou des instructions sur la
façon de conduire les négociations
En parallèle, nos cinq négociateurs
high-tech pouvaient, en silence, se distribuer les rôles dans
le jeu des négociations. "Très fort ! avoue Lucas, cela donnait
un avantage incontestable dans la stratégie de négociation".
Le rythme est intense, mais très souvent les équipes de Yahoo!
à Paris sont obligées d'interrompre les discussions pour faire
un point téléphonique avec le siège de Sunnyvale en Californie.
Elles disparaissent parfois de longues heures en plein milieu
de la nuit, laissant en plan Dominique, Samira, Lucas et les
autres
qui, en déambulant dans la salle de réunion, finissent
par découvrir, cachée dans un placard, une large télévision
16/9e branchée sur le câble ! "Une fois passées en revue les
15 chaînes auxquelles le cabinet Skadden est abonné, c'est à
dire CNN, LCI, Euronews, bref rien de très excitant
et lassés
par l'attente, nous avons reconfiguré l'abonnement du cabinet
d'avocats à Canal Satellite pour y inclure deux ou trois chaînes
habituellement destinées à des salons privés d'un autre genre.
On évacuait la pression comme on pouvait", ironise Lucas D'Orgeval.
Après les différentes due diligences financières, technologiques
et juridiques, Yahoo! revient vers Kelkoo avec une proposition
autour de 435 millions d'euros, soit presque le double des indications
initiales et 15 fois l'Ebitda prévu en 2004.
435 millions d'euros, trois milliards de francs, soit dix fois
le chiffre d'affaires et plus de trente fois le résultat net
de Kelkoo en 2003. Des ratios de valorisation courants aux États-Unis,
mais quasiment jamais constatés en Europe, encore moins depuis
l'explosion de la bulle. Pour mettre la main sur Kelkoo, Yahoo!
est prêt à payer un prix "américain", et en espèces. Depuis
le retournement opéré par Terry Semel*, Yahoo! est devenue une
véritable machine à cash, aux ambitions illimitées. Le montant
proposé peut sembler faramineux, mais il ne représente que trois
mois de cash pour Yahoo! : très raisonnable pour s'offrir le
leader européen du shopping en ligne.
«La
success story de Kelkoo» |
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* Terry Semel, ancien patron des
studios Warner, est arrivé chez Yahoo! fin 2000 pour sauver
la société d'une faillite quasi certaine, explosion de la bulle
oblige. En moins de deux ans, il a transformé Yahoo! en un véritable
groupe de médias mondial, ultrarentable de surcroît. |