L'innovation peut-elle booster la distribution de mode ?

L'innovation peut-elle booster la distribution de mode ? Marchands et experts ont profité du salon lillois Conext pour trouver comment sortir le secteur de l'habillement du marasme où il est plongé.

Sur Internet, la mode se porte bien. Les achats en ligne d'habillement réalisés entre juillet 2015 et juin 2016 ont dépassé les 5 milliards d'euros pour peser 16,7% du total des dépenses des Français en la matière, selon l'IFM. En revanche, le marché global de la mode est en berne. Au premier semestre, il chute de 1,6%, alors qu'il progresse de 6,8% sur Internet et que la consommation globale n'est pas si mauvaise. Evidemment, se sont accumulées des conditions peu favorables : attentats, météo calamiteuse, baisse de l'activité touristique, fermeture de magasins par certains réseaux… Le salon Conext, qui se tenait à Lille du 12 au 14 octobre en partenariat avec le JDN, a donc consacré sa plénière d'ouverture au sujet, afin d'explorer comment l'innovation pouvait booster la distribution de mode.

"Il faut développer les interactions entre le smartphone et le magasin" F.Momboisse (Fevad)

Comme le notait d'abord Evelyne Chaballier, professeure à l'IFM, les segments homme, enfant et lingerie ne sont pas en cause. C'est la mode féminine qui a trinqué. "Aujourd'hui, l'exubérance consommatoire est retombée : au lieu d'acheter trois articles de mode d'un coup, les femmes n'en achètent plus qu'un. Au cours de dernières saisons, les enseignes mass market sont restées dans le même registre créatif, notamment en raison des coûts plus élevés des importations asiatiques et des investissements nécessaires pour assurer l'omnicanalité. Après cette phase transitoire, la nécessité de proposer des herbes folles créatives et de totalement repenser le rôle du magasin et du personnel de vente s'impose."

La mode ne fait-elle plus rêver ? "Il faut la réinventer", répond Nathalie Balla, PDG de La Redoute. L'e-marchand prend de nombreuses initiatives pour mettre l'innovation au service de l'expérience d'achat. "Les clients ont beaucoup besoin d'être rassurés sur le choix de la bonne taille. Nous travaillons donc avec des start-up sur ce sujet, ce qui nous permet d'augmenter le taux de clic et de diminuer les retours, donc d'améliorer l'expérience." La dirigeante mentionne également l'importance des services, au premier rang desquels la livraison rapide, pour rendre les produits encore plus accessibles. Au-delà de la livraison ramenée à 24 heures, La Redoute teste également les consignes automatiques et des services de deuxième présentation du colis.

Améliorer l'expérience

Marché hyper concurrentiel y compris sur Internet, la mode devient de plus en plus difficile à pénétrer par les nouvelles marques. Ullys, jeune marque d'accessoires masculins bleus, emploie donc tous les leviers à sa disposition : magasins et site marchand bien sûr, mais aussi Instagram, blog, marketplace, cobranding… Et événementiel : "Pour aider les jeunes marques du Nord à se faire connaître, nous avons créé l'Odyssée des Créateurs, qui leur permet de se regrouper pour investir un très beau lieu de vente éphémère qu'elles n'auraient pas pu obtenir seules", explique Maxime Lemersre, fondateur d'Ullys.

Fitting, livraison, événementiel… Le temps des grandes innovations qui bouleversent un métier est sans doute révolu, analyse François Momboisse, président de la Fevad. "Aujourd'hui, il faut sans doute miser sur le crosscanal, en particulier en développant les interactions entre le smartphone et le magasin, puisque 46% des mobinautes ont déjà utilisé leur appareil en point de vente. Et suivre l'exemple de cette enseigne de mode qui, après avoir rechigné devant les clientes qui essayaient les vêtements uniquement pour en envoyer des photos à leurs amies, les y encourage désormais." Pour les quatre intervenants, l'innovation pour l'innovation relève souvent du gadget. Aujourd'hui, l'enjeu consiste avant tout à faciliter l'expérience.