Cyril Olivier (Kiabi) "Kiabi a enregistré 110 millions d'euros de ventes en ligne en 2014"

Le directeur e-commerce de l'enseigne dévoile au JDN ses chiffres d'activité, à commencer par le click&collect, gros succès de Kiabi en 2014.

JDN. Votre année 2014 a été marquée par le déploiement du click&collect. Quel premier bilan en tirez-vous ?

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Cyril Olivier, directeur digital de Kiabi © S. de P. Kiabi

Cyril Olivier. Cela s'est révélé notre grand succès de l'année, avec d'une part le retrait en magasin des commandes en ligne, que nous appelons livraison Web, et d'autre part la réservation en ligne d'articles en magasin, que nous désignons sous le terme d'e-réservation. Après une phase pilote entamée dans 22 magasins en novembre 2013, nous avons déployé ces deux services de mai 2014 à la fin de l'année dans tous les magasins de tous les pays : France, Espagne et Italie. Et les résultats sont excellents.

Lorsque nos clients en ligne disposent d'un magasin dans un périmètre de 20 à 30 kilomètres, ils choisissent à 40% la livraison Web ou l'e-réservation. Dans des proportions égales en France et avec un avantage pour l'e-réservation en Espagne et en Italie. Nos tests utilisateurs montrent d'ailleurs que nous devons mettre en avant davantage encore l'e-réservation sur le site, pour la rendre apparente plus en amont dans le parcours client. Elle devrait donc progresser encore à l'avenir.

Pourquoi poussez-vous l'e-réservation, est-ce pour favoriser le cross-selling en magasin ?

Nous le faisons avant tout pour vaincre les réticences vis-à-vis du paiement en ligne et pour répondre aux attentes des modeuses qui préfèrent toucher le produit avant de l'acheter. Et cela fonctionne. Parmi les clients qui optent pour l'e-réservation, 40% étaient déjà des clients Web de Kiabi qui, grâce à ce service, augmentent non leur panier moyen mais leur fréquence d'achat et donc le montant annuel dépensé chez nous. 60% sont des nouveaux clients Web : deux tiers achetaient déjà en magasin et se digitalisent, un tiers n'achetait pas chez nous et représente donc une vraie accélération pour Kiabi.

D'autres facteurs ont-ils contribué à cette accélération ?

L'e-réservation a aussi permis d'essayer en magasin les exclusivités Web. Cela a beaucoup joué également.

"Tous les produits e-réservés proviennent du stock Web"

De quel stock proviennent les produits commandés ou réservés en ligne et récupérés en magasin ?

Uniquement du stock Web. Ainsi le service est disponible pour les 12 à 14 000 références que nous proposons sur le site à un instant T, à comparer aux 6 à 9 000 références présentes en magasin. Revers de la médaille, le client doit actuellement attendre 5 jours avant de pouvoir récupérer ses articles. C'est d'ailleurs un autre point d'amélioration sur lequel nous allons travailler. Mais les flux sont beaucoup plus simples à gérer ainsi : lorsque les paquets arrivent en magasin, il y a juste écrit dessus "payé" ou "pas payé" !

Pour réduire ce délai, envisagez-vous de panacher les stocks ?

Oui, mais c'est un chantier très complexe.

A quel canal sont attribuées ces ventes et que faites-vous des produits e-réservés que les clients n'achètent finalement pas?

Que l'article ait été réglé en ligne ou pas, s'il est récupéré en magasin, sa vente est attribuée au magasin. Quant aux produits e-réservés, 10 à 15% seulement sont laissés en point de vente. Nous ne les remontons pas au stock Web, même si les références ne font pas partie de l'assortiment normal du magasin. Les boutiques les vendent quand même et parviennent très facilement à les écouler.

En revanche, à la demande de nos clients, nous avons dû rallonger le délai que nous leur laissions pour venir chercher leur produit en magasin. Nous sommes passés de 7 à 10 jours. Cela n'est évidemment pas favorable au BFR, mais c'était nécessaire pour prendre en compte le "syndrome des deux weekends".

"Notre croissance e-commerce s'élève en France à 18%"

Le lancement de ces deux services de click&collect a dû tirer votre croissance vers le haut...

En effet, puisque Kiabi a enregistré en 2014 sa plus forte croissance depuis cinq ans : +8,7% à 1,558 milliard d'euros. Dans nos trois pays, le chiffre d'affaires initié sur Internet [donc e-réservation incluse, ndlr] a crû de 27% et le chiffre d'affaires purement e-commerce a crû de 23%. Il est difficile de mesurer la part d'additionnel réellement apportée par chaque nouveau levier mais sans eux, la croissance n'aurait pas été la même. C'est d'ailleurs la première fois que nous enregistrons une croissance très forte dans nos trois pays. Au total, les ventes en ligne françaises, espagnoles et italiennes de Kiabi ont atteint 110 millions d'euros en 2014, livraisons en magasin comprises.

Si votre chiffre d'affaires purement e-commerce a autant progressé, c'est donc grâce à d'autres actions que le click&collect. Lesquelles ?

Nous avons d'abord beaucoup revu notre offre et elle a très bien décollé, soutenue aussi bien par des promotions que par le rythme accru de sortie des nouveautés : 500 à 1 000 produits lancés toutes les semaines. Nous avons par ailleurs beaucoup travaillé la personnalisation avec Rich Relevance, pour l'étendre au-delà des espaces commerciaux habituels du site. Nous l'avons apportée sur les e-mails transactionnels, de confirmation de commande par exemple, et nous avons arrêté les emailings de masse pour mieux cibler nos envois, ce qui a très nettement amélioré leur rendement. Les ventes sur mobile ont également beaucoup progressé. En Espagne par exemple, ce canal représente déjà 51% de notre trafic et 30% de nos ventes en ligne. La croissance de notre activité e-commerce, de 18% de France en 2014, est due à tout cela. Pas à une révolution sur un levier marketing ou un autre...

"Un client cross-canal rapporte trois fois plus qu'un client Web"

Savez-vous combien vous rapportent vos clients selon les canaux ?

Ramené en base 100, si, en une année, un client Internet nous rapporte 100, un client magasin nous rapporte 150 et un client cross-canal 300. Encore une fois, calculer précisément l'apport de chaque service est difficile, mais nous constatons combien l'e-réservation fait sur-fréquenter les magasins. Les clients Web découvrent nos boutiques. Ils n'achètent rien d'autre la première fois qu'ils viennent y retirer un article choisi en ligne, mais ensuite ils reviennent. C'est très vertueux pour les forces de vente.

Le succès de l'e-réservation vous conduit-il à revoir certains aspects de votre organisation ?

Cela révolutionne notre manière de faire. Par exemple, nous réfléchissons à un processus d'authentification client plus léger, qui se contente de demander une adresse e-mail et ne requière les autres informations qu'une fois l'e-réservation effectuée. Nous n'en avons pas besoin avant et cela fluidifie le parcours client. C'est typiquement le genre de questions que nous avons longtemps repoussées et dont nous nous disons aujourd'hui que nous pouvons y aller.

Quel est votre principal projet actuel ?

La Russie ! C'est un énorme projet. Nous y disposons déjà de six magasins, grâce auxquels nous commençons à constituer un fichier clients. Nous avons un site vitrine depuis novembre, qui deviendra marchand en mai. Nous avons choisi pour partenaire logistique l'Allemand DPD, qu'utilise aussi Inditex en Russie. Avant que le rouble ne décroche, la Russie constituait un marché de taille équivalente à l'Europe. Maintenant on ne sait plus trop, mais nous pensons tout de même qu'à horizon 5 ou 6 ans, notre site russe sera le deuxième ou troisième site marchand le plus important de Kiabi.

Cyril Olivier, 45 ans, est le directeur digital de Kiabi. Diplômé en commerce international de Skema Business School, il débute sa carrière comme chef de secteur Grand Est chez Yoplait puis chef de produit junior chez Système U avant de rejoindre 3 Suisses en 1998. Chef de produit acheteur électroménager puis micro – jeux vidéo – téléphonie, puis chef de marché sport, il devient en 2006 manager du magasin online de l'enseigne. Nommé directeur e-commerce de 3 Suisses en 2009, il intègre Kiabi en 2011 en tant que directeur digital et pilote depuis l'ensemble des sites marchands de l'enseigne.