INTERVIEW
 
08/01/2008

Christian Rey (Vence Conseil) : "Les outils de e-négociation permettent au moins 20 % d'économies"

Auteur des "Nouveaux outils en ligne pour la fonction achat", Christian Rey, ex-directeur des achats de Hewlett-Packard, explique les bienfaits d'Internet pour les achats en entreprise.
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Sommaire
 
 
  • Christian Rey, fondateur de Vence Conseil
 

JDN. Quels sont les outils en ligne s'adressant à la fonction achat, dont vous détaillez l'utilisation dans votre livre ?

Christian Rey. Les personnes travaillant dans les départements achat des entreprises ont à leur disposition un certain nombre d'outils online pour faire ce qu'on appelle du e-achat. Cette discipline est scindée en deux : le e-sourcing, en amont de la conclusion d'un contrat de fourniture, et le e-procurement en aval, qui correspond à la partie gestion des commandes. Mon livre se concentre sur les outils de e-négociation, tâche cruciale au cœur du e-soucing. Les principaux outils sont la publication d'appels d'offre en ligne, les enchères et la négociation combinatoire.

 

Quand sont nés les outils de e-négociation ?

L'adoption de ces outils a été plus rapide aux Etats-Unis où elle a commencé au milieu des années 90, qu'en France. Le pionnier et modèle dans le domaine est General Electric qui est passé dès la fin de la décennie et en l'espace de trois ans, à un taux de pénétration de ces techniques de 23 %. L'adoption a ensuite été relativement rapide de la part des grandes entreprises, mais beaucoup plus lente pour les entreprises moyennes, freinées essentiellement par des problématiques de volume. En ce qui concerne les PME, elle se fait difficilement malheureusement.

 

Quelle est la situation en France ?

"En France, il y a encore des réticences culturelles, pourtant, c'est une tendance de fond"

Dans l'hexagone, il y a encore des réticences culturelles. Pourtant, c'est une tendance de fond, qu'il ne faut pas considérer comme un épiphénomène. En ce qui concerne l'appel d'offre en particulier, ce n'est qu'une simple traduction en ligne d'un appel d'offre classique, contrairement à l'enchère, qui n'existent pas dans le panel d'outil offline. 100 % des acheteurs devraient donc utiliser l'appel d'offre en ligne, puisqu'il ne s'agit que d'une simple automatisation d'un processus existant. Aujourd'hui 80 à 90 % des sociétés américaines l'utilisent, contre seulement 30 % en France, selon une étude de l'Observatoire des achats…

 

Quels changements ces outils apportent-ils à la fonction achat ?

La technologie apporte une meilleure performance de trois façons  : elle permet des économies d'achat, une meilleure excellence opérationnelle et rend possible de nouveaux business models. En ce qui concerne le premier point, les outils de e-négociation ont un ROI important dès leur adoption, car ils ne nécessitent que très peu d'investissement : une formation et un PC connecté suffisent. Le système d'enchère en ligne sera, par ailleurs, toujours plus productif qu'une négociation interpersonnelle classique, car le temps est limité et la compétition et les enjeux plus importantes.

 

"Les outils de e-négociation permettent un gain de 40 à 50 % de temps dans le cycle de sourcing"

Deuxième constat : la meilleur excellence opérationnelle. Les outils de e-négociation permettent un gain de 40 à 50 % de temps dans le cycle de sourcing, ce qui réduit d'autant le temps de mise sur le marché du produit. Pour pouvoir utiliser ces outils d'enchère et d'appel d'offre, il faut qu'ils s'opèrent sur des volumes significatifs, ce qui oblige les entreprises à mutualiser leurs achats et, par conséquent, à en avoir une vision globale. L'acheteur va donc devoir communiquer avec les autres divisions de son entreprise, notamment la R&D, et monter une équipe afin de consolider les achats de son organisation. Il acquiert ainsi un leadership plus important et un rôle stratégique.

 

Quelles sont les situations se prêtant le mieux aux enchères en ligne ?

Il n'y a pas vraiment de situation plus adaptée qu'une autre, ni de secteur privilégié pour réaliser ses achats par enchères, mais un certain nombre de conditions nécessaires. Si toutes sont réunies, alors on peut envisager d'opérer son sourcing grâce aux enchères. Il faut d'abord être à la recherche d'un produit - ou d'un service - scrupuleusement défini par un cahier des charges, ce qui demande du temps. Il faut ensuite que les enchères concernent des volumes suffisamment significatifs, pour que le rapport de force entre l'entreprise qui achète et celle qui vend soit équilibré. Enfin, il faut qu'il existe des concurrents sur ce marché et qu'un éventuel changement de fournisseur soit, au préalable, accepté par la direction, sinon rien ne sert de le mettre en concurrence avec d'autres.

 

A quel moment de la vie d'un produit ce théorème est-il le plus souvent respecté ?

L'étape de e-sourcing, où l'on recherche et sélectionne un fournisseur, engrange 80 à 100 % du potentiel de ces outils. Les situations de sur-négociation est également propice, lorsque la durée de vie d'un produit est de plusieurs années et que l'on souhaite re-négocier ses élements constitutifs. Enfin, lorsqu'il faut faire face à une période de pénurie d'un élément, qui pourrait bloquer la ligne de production et entraîner d'importantes pertes pour l'entreprise, il convient d'avoir recours aux enchères en ligne sur des marchés secondaires, aussi appelés marchés spots. De même, lorsque le produit arrive en fin de vie et que certaines pièces ou éléments sont alors en excès. C'est sensiblement la même méthode que sur un eBay, que beaucoup d'entreprises utilisent d'ailleurs.

 

Quels sont les préjugés les plus répandus au sujet des outils de e-négociation ?

Le premier est que seuls les produits standards se prêtent à leur utilisation. C'est totalement faux : à partir du moment où il est bien défini par un cahier des charges, n'importe quel produit - ou service - peut faire l'objet d'enchères, même l'infogérance d'un parc informatique par exemple, qui varie en tous points selon l'entreprise.

 

"n'importe quel produit ou service peut faire l'objet d'enchères"

Le deuxième mythe à leur sujet est qu'ils détruisent la relation entre l'acheteur et les fournisseurs. Dans le e-sourcing, seuls 5 % du temps sont dédiés à la négociation. Les 95 % restant, qui comprennent de nombreuses occasions de contacter les fournisseurs, ne disparaissent pas. Enfin, les acheteurs regardent d'un mauvais œil les enchères en ligne car elles permettent indubitablement d'obtenir de meilleurs prix que ce qu'ils réussissaient à négocier auparavant. Au minium 20 %. Ils ont alors peur qu'on les jugent comme de piètres négociateurs. Ils doivent au contraire comprendre qu'un nouvel outil, de même qu'une calculette permet de compter plus vite, apportent forcément un saut technologique qui ne remettra pas leurs compétences en jeu.

 

Quelle évolution pour la e-négociation et ses outils ?

Nous ne voyons aujourd'hui que le bout de l'iceberg, mais il reste encore beaucoup à découvrir. L'avenir est, selon moi, dans une nouvelle génération d'outils qui, comme la négociation combinatoire, permettra de prendre en compte un nombre important de critères pour choisir son fournisseur (et plus seulement le critère du prix, ndrl). Dans les dix ans à venir, je pense qu'ils vont se développer de manière considérable.

 

 

 
PARCOURS
 
 

Christian Rey, 60 ans, est le fondateur de Vence Conseil, association de formation aux outils en ligne pour la fonction achat. Il est également l'auteur des "Nouveaux outils en ligne pour la fonction achat", publié en 2008 aux éditions Maxima.

Après trois ans de recherche pour le département américain de défense, il a la charge d'un laboratoire de recherche informatique à l'université de Montréal, où il exerce trois ans.

De retour en France en 1974, il rejoint la société EFCIS (dorénavant partie intégrante de STMicroelectronics), puis Hewlett-Packard, où il passe 12 ans à la fonction achat, qu'il quitte en 2002, en tant que directeur des achats au niveau mondial.

Christian Rey est ingénieur, diplômé des Arts et Métiers, et titulaire d'un Master of Science.

 

 

 


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