James Hardy (Alibaba) "La plateforme e-commerce d'Alibaba compte 500 000 entreprises utilisatrices en France"

Le géant de l'e-commerce chinois pilote depuis Londres le développement européen de sa plateforme BtoB. Son directeur EMEA détaille son activité et sa vision du secteur.

JDN. Le cabinet iResearch estime la part de marché d'Alibaba dans l'e-commerce chinois à 42% dans le BtoB avec son site éponyme, à 54,6% dans le BtoC avec Tmall et à 94,53% dans le CtoC avec Taobao. Laquelle de ces activités avez-vous lancée en Europe ?

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James Hardy, directeur EMEA d'Alibaba.com © S. de P. Alibaba

James Hardy. Alibaba a ouvert son QG européen à Londres en 2009, où huit salariés opèrent la plateforme européenne d'Alibaba.com, éditée en langue anglaise. Il s'agit donc d'un site BtoB qui met en relation des fournisseurs et des entreprises acheteuses.

Qui sont vos concurrents en Europe et quels sont vos atouts par rapport à eux ?

La force d'Alibaba tient avant tout à l'étendue du choix proposé, puisque nous comptons 36,7 millions d'entreprises utilisatrices, dont 2,8 millions de fournisseurs. Parmi ces derniers, la Chine est évidemment très bien représentée, mais c'est également le cas de la Turquie, des Etats-Unis et des grands pays européens. Les marchés d'acheteurs les plus importants sont les Etats-Unis, l'Australie et les grands pays d'Europe de l'Ouest.

Nos concurrents sont des acteurs locaux, comme Priceminister en France. Ceci dit, nous accueillons la concurrence à bras ouverts, car elle valide en quelque sorte notre façon de faire du business. En l'occurrence, en ligne et de façon transfrontalière. D'autant que les plateformes ne sont absolument pas mutuellement exclusives. Par exemple, beaucoup d'entreprises britanniques sourcent leurs produits sur Alibaba et vendent sur Amazon. Alibaba devient donc une portion d'une supply chain allongée.

Combien d'entreprises utilisatrices Alibaba compte-t-il en France ? Que vous apprend votre plateforme sur les achats transfrontaliers des PME françaises ?

Au 31 décembre 2012, nous dénombrions quasiment 500 000 entreprises utilisatrices, soit 56% de plus qu'un an auparavant. Comme en Europe, les transactions entre vendeurs et acheteurs ne se produisent pas sur notre plateforme, nous ne pouvons pas les quantifier. En revanche, nous tirons des conclusions intéressantes de l'analyse de notre trafic. Ainsi, fin décembre 2012, il apparaissait que parmi les entreprises acheteuses à la recherche de fournisseurs français, 22% venaient de France, 19% des Etats-Unis, 13% du Royaume-Uni, 11% du Pakistan, 9% d'Inde et 5% de Hong-Kong.

A l'inverse, les entreprises acheteuses françaises recherchent à 77% des fournisseurs chinois. La Chine surpasse d'ailleurs très largement le reste du monde dans les recherches des acheteurs français, devant l'Inde à 3%, Hong-Kong à 2% et les Etats-Unis, la Turquie ou le Royaume-Uni à 1%. Il est également intéressant de noter qu'elles recherchent à 7% de l'habillement et à 6% de la décoration-jardinage, de l'hygiène-beauté et de la machinerie. De leur côté, les fournisseurs français proposent à 17% de l'alimentaire et des boissons et à 13% de l'hygiène-beauté.

Si les transactions sont effectuées en dehors de votre plateforme, vous ne prenez pas de commission. Quel est votre modèle économique ?

En effet, à moins qu'ils n'utilisent notre service de tiers de confiance, ils ne finalisent pas leurs transactions sur Alibaba. Nous gagnons de l'argent autrement, en vendant des adhésions Gold aux fournisseurs. En échange de 3000 dollars par an, ils bénéficient d'un certain nombre d'avantages. Par exemple, leur offre remonte plus haut dans les résultats de recherche sur le site. De plus, nous procédons à des vérifications extensives de nos membres Gold afin de leur attribuer un label de confiance, qui augmente leur crédibilité auprès des acheteurs. Autant d'éléments qui contribuent à accroître leurs ventes.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confronté pour développer Alibaba en Europe ?

La première réside dans la multiplicité des langues et des cultures en Europe. Nous avons des plans à long terme pour traduire la plateforme dans les principales langues européennes mais cela nécessite des ressources importantes et ne constitue pas un projet prioritaire pour l'instant. Nous fonctionnons donc en anglais, la langue du business, ainsi qu'en chinois et bientôt en arabe.

Le deuxième défi à relever est celui de la confiance. C'est vrai pour tout e-commerçant, mais ça l'est encore davantage en cas d'achat transfrontalier, comme c'est souvent le cas sur Alibaba. Mais je suis optimiste : il est inévitable que la confiance s'élève pour toutes les activités en ligne et dans toutes les cultures. Dans le BtoB, elle suivra l'évolution de la confiance dans l'achat en ligne BtoC. En attendant, nous avons plusieurs outils dédiés, dont un service de tiers de confiance et un service d'évaluation des fournisseurs.

Etes-vous également optimiste à propos de la confiance dans les achats en ligne transfrontaliers ?

Elle est vouée à s'accroître aussi, car les entreprises sont de plus en plus conscientes que leur avantage compétitif sera la clé de leur réussite. Or si elles restreignent leur sourcing à leur propre pays, il est peu probable qu'elles y trouvent les meilleurs produits et les meilleurs prix. C'est ce qui va les forcer à traverser les frontières.

C'est également la raison pour laquelle on assiste à une fragmentation de l'approvisionnement. Savez-vous qu'une ville de Chine fabrique 20% des boutons de mercerie de la planète ? Les régions du monde vont progressivement se spécialiser.

Quelles sont les conséquences de cette évolution ?

On a beaucoup théorisé sur la fragmentation de la demande, c'est-à-dire sur la longue traîne. Mais très peu sur la fragmentation de l'approvisionnement. Pourtant, il est de plus en plus facile pour quiconque de fabriquer n'importe quel produit et pour cela d'acheter n'importe lequel de ses composants. C'est même vrai pour l'expédition : il n'est plus nécessaire d'occuper un container entier, vous pouvez n'en louer qu'un mètre cube. C'est ce phénomène qui permet aujourd'hui aux PME d'être aussi compétitives que les grandes entreprises. Le monde se dirige vers un modèle de business de niche.

Ceci s'applique-t-il aussi aux petits e-commerçants face aux gros sites généralistes ?

Les e-commerçants généralistes ne resteront compétitifs qu'en permettant aux petits fournisseurs de vendre de façon efficace et rentable. Ce sont ces petits business qui, de plus en plus, font la valeur des grands sites marchands. Qui pour leur part deviennent progressivement des intermédiaires, des entremetteurs, et, en proportion de leur volume d'affaires, vendent de moins en moins en propre.

Quelles actions menez-vous pour faire connaître Alibaba en Europe ?

La notoriété de notre marque est bien sûre plus basse en Europe qu'en Chine, où elle frôle les 100%. Toutefois, je dirais qu'elle commence à atteindre autour de 30% en France et à dépasser 40% ou 50% au Royaume-Uni. Pour l'accroître, nous faisons bien sûr du marketing en ligne, mais nous cherchons surtout à développer des partenariats avec des entreprises ou organisations, petites ou grandes, intéressées par l'écosystème des TPE et PME et qui parlent directement à notre cible de clientèle. Par exemple, des grands transporteurs. C'est ce second levier de développement sur lequel nous misons le plus.

James Hardy est directeur du business développement international et du marketing d'Alibaba.com pour l'Europe, l'Afrique et le Moyen Orient. Alibaba.com est une plateforme e-commerce mondiale permettant aux PME de réaliser des achats et ventes en ligne transfrontaliers et d'étendre leur activité à l'international. Avant de rejoindre Alibaba en 2012, il était basé à Sydney en tant que directeur Asie-Pacifique de Next Fifteen Communications. Auparavant, il avait passé neuf ans à San Francisco en tant que directeur juridique de l'agence Text 100 et du groupe Bite Communications. James Hardy est britannique, avocat et titulaire d'un MBA de Melbourne Business School.