Michel Koch (Marks and Spencer) "Marks and Spencer va déployer à l'international son savoir-faire multicanal"

L'enseigne britannique a entrepris d'exporter ses nombreuses initiatives web-to-store, explique son directeur du commerce multicanal international.

JDN. Dans quels pays Marks and Spencer vend-il en ligne ?

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Michel Koch, directeur du commerce multicanal international de Marks and Spencer © S. de P. Marks and Spencer

Michel Koch. Royaume-Uni mis à part, nous disposons de plateformes e-commerce dédiées dans six pays d'Europe : la France depuis octobre 2011, l'Allemagne, l'Espagne, l'Irlande, l'Autriche, la Belgique, le Luxembourg et bientôt les Pays-Bas. Mais nos premiers marchés internationaux sont dans l'ordre l'Australie, les Etats-Unis, le Canada et la Nouvelle-Zélande. En dehors du Royaume-Uni et de quelques exceptions dans les produits secs, nous ne vendons pas d'alimentaire à l'international, ni en ligne ni en magasin. Les délais d'expédition ne permettent pour l'instant pas de garantir la fraîcheur des produits. En France, nous opérons aussi deux magasins, l'un sur les Champs Elysées et un autre, plus grand, dans le centre commercial SoOuest, à Levallois. D'ici mars 2014, nous espérons en compter trois de plus. Les magasins commercialisent pour leur part aussi bien de la mode que de l'alimentaire.

Au Royaume-Uni, Marks and Spencer a multiplié les dispositifs numériques en magasin. Et en France ?

Dans notre boutique des Champs-Elysées, nous avons lancé le service "clicks & bricks", qui par le biais de deux bornes rend disponible tout le catalogue du site marchand. En effet, l'offre est assez restreinte en boutique, se limitant à la mode femme et à la lingerie, ceci alors que les Parisiens auraient voulu un équivalent de notre ancien magasin du boulevard Haussmann, qui commercialisait aussi l'homme, l'enfant, la décoration... C'est donc une façon de répondre à cette attente, et bien sûr aussi de permettre aux clients de commander des tailles qui seraient indisponibles en boutique.

Les volumes de ventes effectuées sur les bornes sont assez faibles, mais elles génèrent de la curiosité. Et leur composante ludique s'accorde bien avec le "retail-tainment" vers lequel s'oriente le secteur de la distribution. En outre, les vendeurs utilisent des iPad pour vérifier la disponibilité de produits sur le site ou proposer d'autres articles aux clients. Ceci permet en quelque sorte de ne pas perdre le lead client... même en magasin !

Quelles autres initiatives multicanales préparez-vous en France ?

Nous venons de mettre en œuvre une option "click & shop", qui permet de commander sur Internet ou sur mobile et de se faire livrer dans le magasin de SoOuest. Par ailleurs nous y avons ouvert un M&S Café, que suivra un deuxième dans notre futur magasin de Beaugrenelle, en septembre. Il s'agit d'un coffee shop offrant le wifi. Mine de rien, très peu d'enseignes le proposent à part McDonald's : chez Starbucks par exemple, c'est toujours payant.

En outre, partant du constat que de nombreux consommateurs viennent sur les sites des retailers afin de préparer leur achat en boutique, nous travaillons sur tout ce qui aide à l'achat : merchandising, guide des tailles, démonstration de l'offre... Il n'est pas besoin de gros efforts ou de technologies extraordinaires pour bien servir les gens en multicanal, tout doit être simple.

Quelle part le multicanal représente-t-il dans les ventes de Marks and Spencer ?

Sur notre chiffre d'affaires mondial de 9,9 milliards de livres sterling sur l'exercice 2011-2012, 560 millions venaient du multicanal, c'est-à-dire du digital en magasin, des achats Web et mobiles livrés en magasin et des ventes full Internet. Pour l'exercice 2013-2014, soit deux ans après, nous visons 800 millions de livres de ventes multicanales.

Notez que cette proportion de 5,6% en 2011-2012 est encore plus importante au Royaume-Uni. Nous y opérons en effet beaucoup plus de magasins qu'ailleurs, or le retail est l'avenir de l'e-commerce. D'autant que nous encourageons les usages multicanaux de nos clients, par exemple en faisant du couponing multicanal et en traçant les comportements multicanaux grâce à la carte de paiement Marks and Spencer.

Quels sont vos grands chantiers actuels, en France ?

Nous avons lancé notre site mobile français mi-mars. Et la semaine suivante, nous avons ouvert un corner "So British" sur le site marchand français, une sorte de boutique pour touristes qui regroupe la mode londonienne femme, homme et enfant avec de la déco et un peu d'alimentaire. Nous avions déjà expérimenté des produits estampillés de l'Union Jack à l'occasion du jubilée de la Reine d'Angleterre mi-2012 et constaté que les Français en était fans. Les prochaines actualités britanniques - l'anniversaire du couronnement d'Elisabeth II, le bébé de Kate...- devraient réenclencher cet appétit. De plus, ce corner sera aussi installé en magasin.

Enfin, nous allons œuvrer à éditorialiser l'offre du site en rédigeant des dossiers thématiques, par exemple pour que certaines fiches produits pointent vers l'histoire de l'article ou détaillent sa traçabilité.

Comment avez-vous déterminé l'offre de votre site français ?

Elle est composée de "general merchandising", c'est-à-dire de la mode homme, femme et enfant, des chaussures, des accessoires, de la décoration et de la maison. C'est une portion de l'offre commercialisée en ligne au Royaume-Uni, calée sur les attentes du marché français tout en limitant les différences avec l'offre des magasins. De plus, des contraintes juridiques nous empêchent parfois de vendre certaines références dans d'autres pays. Ainsi en France, nous attendons toujours l'autorisation de vendre des cosmétiques.

A chaque pays correspond un cœur de cible et une offre. C'est comme cela que nous avons créé So British en France... et que nous savons être très attendus sur le food et la mode homme. Et en Australie où résident beaucoup d'expatriés britanniques, ces consommateurs veulent retrouver la même chose qu'au Royaume-Uni. Tout est livré depuis notre stock central en banlieue de Londres, qui déménagera bientôt dans un nouvel entrepôt encore plus automatisé. Le site français enregistre 120 000 visites par semaine et la France est dans le Top 5 de nos meilleurs sites internationaux.

Comment voyez-vous évoluer le paysage de l'e-commerce ?

Après la folie des pure players, les retailers reprennent actuellement leurs droits en matière d'e-commerce. Nous avons compris que nous devions nous remuer ! Or le multicanal fait partie de nos premières priorités, car il participe beaucoup à l'exigence de services que nous nous imposons. Au Royaume-Uni, Marks and Spencer est donc devenu le fer de lance du multicanal chez les retailers traditionnels. Nous voulons également déployer cette approche à l'international.

Quant à l'évolution du secteur, les retailers ne vont pas prendre des parts de marché dans l'e-commerce mais simplement récupérer leur part de marché légitime! Ils ne pèsent par exemple que 17% de la mode sur Internet mais 80% de ce segment dans la distribution physique. Nous allons regagner cette proportion, qui devrait être la même sur les deux canaux.

Michel Koch est directeur du commerce multicanal international de Marks and Spencer. Après avoir été directeur des nouveaux média chez Sony Music au début des années 90, il a occupé plusieurs positions de direction e-commerce chez Bertelsmann, Manutan International, Quelle ou encore Conrad Electronique. En février 2013, il a rejoint Marks & Spencer en tant que "Head of International Multichannel Trading". Il a pour mission d'accompagner et dynamiser le développement commercial multicanal de l'enseigne en dehors du Royaume-Uni, avec les livraisons internationales dans environ 80 pays et 7 sites dédiés en Europe.