"Nous recherchons des partenaires pour avancer plus vite sur certains projets"

JDN. Pouvez-vous nous retracer l'évolution de Heaven, depuis ses débuts ?

Arthur Kannas. A l'origine, l'agence a été créée dans le giron de Edelman, en 2001. Heaven est une agence de conseil en communication et marketing online, qui possède depuis le départ une vision centrée sur :

- La prépondérance du contenu généré par les consommateurs. Notre pari, c'est que ce volume d'information, en forte croissance, représentera de plus en plus une partie majoritaire de l'audience. Car Internet est avant tout un média de communication entre les gens.

- Le caractère décentralisé du Web. Nous pensons qu'il vaut mieux apprendre aux marques à prendre en compte l'ensemble des lieux où leurs consommateurs sont présents, plutôt que de leur faire dépenser beaucoup d'argent pour les amener sur un seul lieu, qui peut être par exemple un site de marque.

L'agence est devenue indépendante en 2002, et l'est toujours à 100 %. Nous sommes aujourd'hui 70.

Pourquoi cette volonté de rester indépendant ? Vous devez attirer beaucoup de convoitises…

Jusqu'à présent, nous avons réussi à aller là où nous voulions aller, à la vitesse que nous voulions. Mais il est vraisemblable que nous aurons besoin à l'avenir de nous appuyer sur un partenaire. Nous recherchons donc des investisseurs pour être capable d'avancer plus vite sur certains projets, notamment dans la partie production et édition de contenus.

Heaven est en train de se restructurer en groupe. La nouvelle organisation sera administrativement effective entre octobre et décembre. L'agence devient Heaven Conseil, et va articuler trois autres métiers :

- la monétisation avec Influence, une agence que nous avons lancée en 2005, et qui est en fait l'agent des blogs et sites influents. Influence a dégagé une marge brute de 1 million d'euros la première année d'activité. Ses métiers sont la vente d'espace publicitaire, de contenus et de droits. Par exemple, Influence a associé une blogueuse, Zazon, à Microsoft. Elle a produit des courts-métrages pour la marque. Influence s'est chargé de la vente de ses droits. Un des grands axes de développement, pour Influence, c'est la monétisation des opérations de communication mises en place par Heaven Conseil. Pour amortir les opérations, nous proposerons de plus en plus à nos clients de les monétiser, par exemple avec de la publicité.

- le deuxième métier, c'est la production et l'édition de contenus. Ce pôle développe des contenus pour les marques et pour Heaven. Nous venons de lancer LadiesRoom.fr, un magazine féminin social à lire et à écrire. C'est un magazine féminin intégrant un réseau social, écrit par des blogueuses reconnues et auquel les lectrices peuvent contribuer. En dix jours, le site a enregistré 500 inscrites. Nous lançons également Bienbienbien.fr, un blog sur la cyberculture. Nous sommes aussi éditeurs de La Blogothèque et de Concertsaemporter.com.

- La dernière activité, Miracle, est la recherche et développement. Ce pôle conçoit nos plates-formes technologiques propriétaires, par exemple notre réseau social ou notre outil de gestion de communauté, Connect, que nous allons mettre à disposition de nos clients.

Concernant les activités historiques de l'agence, quelles sont-elles ?

Heaven, agence conseil, a trois types d'activités :

- La communication corporate et la communication de crise ;

- Le marketing online, c'est-à-dire la définition de stratégies d'investissement et d'optimisation des investissements. Nous sommes centrés sur le consulting. A l'agence, il n'y a que des consultants et des chefs de projet, aucun développeur, aucun infographiste ;

- Et le community management, à savoir l'identification et l'implication des leaders d'opinion dans les stratégies marketing des marques. C'est cette activité qui a construit notre réputation. Nous avons notamment élaboré la communauté Xbox, qui accueille 1 million de visiteurs uniques dédupliqués par mois (source Xiti).

Au sein de l'agence nous hébergeons aussi un pôle études, lancé il y a un an, qui effectue la veille sur le Web. Nous rejoint également Extralab, une société spécialisée dans le conseil sur les réseaux sociaux et les mondes virtuels, dans laquelle nous avons pris une participation majoritaire pour renforcer notre visibilité dans ce domaine.

Comment se répartit la contribution de ces différentes activités à votre chiffre d'affaires ?

Nous avons réalisé 10 millions d'euros de chiffre d'affaires sur l'exercice juin 2006 - juin 2007. 3 millions d'euros de marge brute pour le groupe, dont plus de 2 millions pour Heaven Conseil. Notre croissance se situe entre 40 et 100 % chaque année.

Quelles sont vos principales références clients ?

Microsoft, bien sûr, pour plusieurs marques - Xbox, MSN, Vista, Office - et pas que sur la France puisque nous travaillons avec les Etats-Unis depuis l'année dernière, et avec l'Allemagne depuis trois ans. Parmi nos clients actifs figurent également Procter & Gamble pour lequel nous avons réalisé une opération avec Ariel, Pantene, Look Voyages, Mappy, Ubisoft, Samsung.

Quelle est l'opération menée pour Ariel ?

Nous avons organisé un événement pour vérifier en direct avec 25 blogueurs l'efficacité d'une nouvelle lessive à froid. Ils étaient invités à venir se tâcher et à laver leurs vêtements en live. La marque a vraiment pris un gros risque sur cette opération, avec succès. La vidéo a été vue des dizaines de milliers de fois. C'était un test pour eux : une nouvelle façon de parler de la lessive.

Comment faites-vous pour choisir les blogueurs avec qui vous travaillez et pour mesurer leur influence ?

Soit ils s'inscrivent tout seuls, soit c'est nous qui allons les chercher… Nous sommes tout le temps à l'affût, nous avons des outils pour partager l'information en interne… Ce n'est pas seulement une question de seuil de visiteurs uniques. Il y a des critères mesurables, comme le pagerank, la position dans Google, etc. Mais il y a aussi la réputation, ce que le blogueur fait dans la vie, etc. Notre travail, c'est de trouver ceux qui sont influents. L'audience n'est qu'un élément mineur de décision. Et rien ne remplace la relation réelle avec les gens.

Avec combien de blogueurs travaillez-vous ?

En tout, 1.200 sites et blogs sont inscrits sur notre plate-forme Connect.

Quels revenus peut attendre un blogueur pris en régie par Influence ?

Jusqu'à 5.000 ou 6.000 euros par mois. Mais je précise qu'Influence est différent d'une régie. Par exemple, nous pourrions très bien choisir de faire signer nos blogueurs avec une autre régie si les perspectives de gain étaient supérieures, en nous rémunérant à la commission. Nous nous définissons vraiment comme un intermédiaire.

Quels sont les projets de développement sur lesquels vous allez vous concentrer après la restructuration en groupe ?

La recherche d'investisseurs, et nous réfléchissons aussi à tout ce qui est éthique et développement durable. Nous essayons de voir ce qui pourrait être compatible avec notre activité.

Vu les dernières fusions-acquisitions sur le marché de la publicité interactive, les agences du buzz et de marketing d'influence seront sûrement les prochaines dans le collimateur des réseaux. Qu'en pensez-vous ?

Je ne suis pas sûr de ça. Avec la maturité croissante des différents acteurs et annonceurs, je ne sais pas à qui ce métier va appartenir. Même la production audiovisuelle de films viraux, actuellement dans les agences de buzz spécialisées, finira chez les agences de création ou les indépendants. A mon avis, la prochaine vague concernera plutôt les régies spécialisées dans le marketing mobile. De toute façon, nous ne nous comparons pas aux agences de buzz marketing. Notre spécialité, c'est l'Internet et le conseil. On nous parle de buzz marketing, de marketing viral, on reçoit beaucoup de briefs pour faire des films viraux… Mais nous avons beaucoup de mal avec ça. Notre métier, c'est de construire des dispositifs pérennes.

Les marques ont-elles selon vous bien saisi la portée du marketing d'influence ?

Petit à petit. Bizarrement, les grands groupes comprennent plus vite. Peut-être parce qu'ils ont plus les moyens de prendre des risques. Nous nous devons de démontrer que nos opérations ont une meilleure efficacité que les actions classiques pour les convaincre. C'est pour cette raison que nous n'avons pas été amenés à faire du mobile. Car on n'imagine pas un ROI supérieur à nos actions Web.

Et quelles sont les recettes de l'efficacité ?

D'abord, comprendre les objectifs du client, parfois entre les lignes, afin de définir les bons indicateurs de performance. Parfois, pour cela, il faut créer des outils de mesure. Ensuite, ne pas céder à la tarte à la crème : l'année dernière on nous demandait un blog, cette année un buzz, l'an prochain ce sera un réseau social…

Parcours

Arthur Kannas, 36 ans, est co-fondateur de Heaven. Arrivé au sein de la filiale française du groupe de communication et de relations publiques Edelman Public Relations en 1997 pour travailler sur le compte Microsoft, il conseille alors de nombreux clients dans le domaine des médias interactifs (Canal+/Vivendi...) et des technologies (Internet Securite Systems, Amazon...).

Il lance rapidement l'activité Edelman Interactive Services, département dédié à l'utilisation de Internet dans le cadre d'une stratégie de communication. En 2001, Edelman Interactive Services devient heaven.

En 2002, Arthur Kannas et ses deux associés Diane Le Ray et François Collet, rachètent heaven à Edelman. Heaven devient alors indépendant.

Aujourd'hui, alors que heaven se réorganise en holding dotée de 4 filiales, Arthur Kannas travaille au sein du groupe à la direction et au développement des activités nouvelles et existantes (heaven consulting, influence, miracles, fresh).

Arthur Kannas a suivi des études de Droit Privé et de Droit Social à l'université de Sceaux (Paris). Il arrête ses études en 1995 pour se consacrer à la musique, et crée l'identité musicale de Rémy Martin.