Le .YU supprimé, la Yougoslavie est vraiment enterrée

Que ce passe-t-il quand un pays n'est plus ? Son extension Internet doit normalement mourir avec lui... Cela vient d'arriver au .YU désignant une nation n'ayant plus d'existence aujourd'hui : la Yougoslavie.

La politique, les guerres, les traités ou encore les petits arrangements entre amis peuvent tous mener à l'éradication d'un pays. Mais à l'ère numérique, ce qui marque vraiment la fin d'une nation, c'est la disparition de son extension Internet. Ainsi en est-il de l'ex-Yougoslavie, pays que l'on peut définitivement jeter dans les oubliettes depuis le 30 mars dernier. A cette date, le .YU a été désactivé. Quelques 4 000 noms de domaine étaient encore hébergés derrière l'extension nationale d'une entité géopolitique rendue caduque par la guerre entre ses différentes composantes durant les années 90.
 
Pays disparu = extension Internet à supprimer. 
La suppression d'une extension est un fait rarissime. L'autorité de régulation du nommage sur Internet (l'ICANN) s'y attelle uniquement quand il est vraiment impossible de faire autrement. Pas aisé, ni sans risque, de supprimer une adresse de 21 ans d'âge, comme c'était le cas du .YU.
 
Plusieurs questions se posent... Où loger les utilisateurs de l'extension en question, c'est à dire les propriétaires de noms de domaine exploitant des sites actifs derrière ces noms ? Comment assurer une transition en douceur pour les Internautes habitués à utiliser ces sites ? Et comment éviter les éventuels trous de sécurité pouvant être causés par la disparition d'une partie de la structure pyramidale de l'Internet, où tout est interconnecté ?
 
Le .YU est un cas d'école. Il fut créé, comme les autres extensions nationales, à l'initiative de l'informaticien américain Jon Postel, sacralisé depuis comme véritable "père de l'Internet". Aujourd'hui encore, l'ICANN lui dédie une page spéciale et rappelle régulièrement (http://www.icann.org/en/announcements/announcement-20oct05.htm) la philosophie de celui qui, avant la création de l'ICANN, avait la charge d'administrer le nommage et donc les extensions.
 
A la recherche d'un moyen simple et neutre d'attribuer les extensions nationales, Jon Postel s'était basé sur la liste ISO (l'organisation internationale de normalisation) des codes pays à deux caractères. Une liste constamment mise à jour en fonction de la création (lorsqu'ils sont rebaptisés par exemple) ou de la disparition d'un pays. Ainsi, lorsque la Yougoslavie a cédé la place à la Bosnie, la Serbie ou encore le Monténégro au début des années 2000, la liste des codes pays ISO a été mise à jour en conséquence, le .YU devenant obsolète.
 
Comment fermer un pays ? 
Fin 2006, l'ICANN s'est sérieusement posé la question de savoir comment répercuter les modifications de la liste ISO. Car les exemples ne manquent pas. Dans une étude publiée en décembre 2006, le régulateur cite plusieurs cas compliqués. Celui du Zaïre, devenu République du Congo (du .ZR au .CD)... de la Tchécoslovaquie, scindée en République Tchèque et Slovaquie (du .CS aux .CZ et .SK)... et puis celui du .YU, remplacé par les .RS de la Serbie et .ME du Monténégro.
 
Pour ce dernier, la solution fut d'effectuer une transition sur plusieurs années vers les deux nouvelles extensions. D'abord le .RS, puis le .ME, ont été ouverts par des opérateurs de chaque pays. Le .ME a d'ailleurs bénéficié d'un engouement certain auprès des Internautes anglo-saxons qui, lorsqu'ils en parlent, le prononcent au lieu de l'épeler, pour en faire le mot "me", ou "moi" en anglais.
 
Une période suffisamment longue a été allouée à cette opération pour permettre à la plupart des opérateurs de sites fonctionnant sous .YU de les passer à des .RS ou des .ME. Et depuis la fin mars, le .YU a donc été déconnecté. Une page de la tumultueuse histoire des Balkans se tourne.
 
Révolte nationale virtuelle 
Certains pays n'acceptent pas de disparaître aussi docilement. La Russie continue ainsi de défier le gendarme de l'Internet. Malgré la fin de l'Union Soviétique, les russes ne veulent pas abandonner leur bien-aimé .SU, même s'ils bénéficient aujourd'hui d'une nouvelle extension, le .RU. Lorsque l'ICANN a fait connaître son intention de supprimer le .SU et de le migrer vers le .RU en 2006, des vagues de protestation se sont alors élevées en Russie. Un mouvement suffisamment fort pour faire plier l'ICANN. Le régulateur a renoncé à effacer le .SU et ses quelques 70 000 noms de domaine du Web. La "Soviet Union" pourra donc continuer, au moins virtuellement. Comme quoi, même lorsqu'ils n'existent plus que dans la tête de quelques nostalgiques, il n'est pas si facile de se débarrasser de certains pays.