Mon analyse de l'IPO de Facebook

Facebook a déposé hier son dossier d'introduction en bourse auprès de la SEC. Voici en vrac mes réactions sur cet événement majeur pour le secteur internet, le plus important, sans doute, depuis l'entrée en bourse de Google en 2004.

1) Facebook a connu une histoire extraordinaire et Facebook est une plateforme au potentiel exceptionnel : aucune société n'a, à ma connaissance, constitué en moins de 5 ans une audience globale approchant le milliard d'individus et, dans le même délai, délivré un profit annuel de l'ordre du milliard de dollars ! Une histoire extraordinaire qui justifie à elle seule une valorisation hors normes et "spéculative" sachant que "spéculative" ne veut pas forcement dire irrationnelle ou injustifiée.

2) La valorisation escomptée de 75 a 100 milliards de dollars correspond grosso modo à 3 à 4 fois celle de Google au moment de son entrée en bourse en 2004. N'oublions pas que Google a depuis multiplié sa capitalisation par un facteur 8... L'IPO de Google en 2004 avait été accueillie avec beaucoup d'ironie et de sarcasmes. De la même façon, celle de Facebook reçoit un écho allant du plus grand scepticisme au catastrophisme de ceux qui y voient la formation d'une nouvelle bulle internet.

3) Rappelons que la valorisation d'une entreprise est fonction non pas de ses résultats passés mais de ses profits futurs. Si Facebook est valorisé début 2012 prés de100 fois ses profits 2011, c'est parce que son profil de croissance et son modèle rendent crédible le fait que ses profits dépasseront 10 milliards de dollars "dans pas très longtemps" (si l'on se base sur le ratio typique d'une valorisation de 10 fois les profits...).

Si cette prévision est spéculative, elle demeure parfaitement rationnelle ou, en tous cas, parfaitement rationalisable. Morgan Stanley, le banquier introducteur de Facebook, saura, j'en suis sûr, nourrir les analystes de Wall Street de plein d'éléments corrects et logiques démontrant que cette croissance extrêmement rapide des profits est parfaitement plausible et délivrable.
 
4) Facebook recrute ses utilisateurs sans dépenser d'argent, les utilisateurs se chargent d'inviter leurs amis. Facebook recrute ses annonceurs ou partenaires sans quasiment dépenser d'argent, ils veulent être exposés à l'audience de Facebook et viennent naturellement. Le cout marginal d'un utilisateur en termes d'infrastructure IT et télécom ne doit pas dépenser 1 cent par mois.... Bref, Facebook est une superbe machine à transformer de l'audience en profits "bottom line".
 
5) Pour faire 10 milliards de profits avec environ un milliard d'utilisateurs, il faut donc que Facebook génère 10$ de marge brute par an et par utilisateur. Le chiffre de 1$ par an par visiteur unique mensuel étant le benchmark admis et couramment observé, la nécessaire multiplication par 10 se justifie-t-elle ?

Si l'on combine le temps passé par utilisateur (plusieurs minutes tous les jours versus quelques minutes par mois pour un site média), le "pricing power" de Facebook dû à sa position de leader et sa capacité de prendre sa commission (via les Facebook Credits) sur tous les services digitaux qu'il va intermédier, la réponse semble simple: "Oui" les perspectives suggérées par Morgan Stanley sont rationnelles et réalisables.

6) So what ? Facebook va très vraisemblablement, sauf élément exogène imprévu, réussir une très belle entrée en bourse au printemps prochain. La vie de l'action Facebook "post-IPO" dépendra de la capacité de la société à délivrer les 10 milliards de profits "très vite" ou à convaincre les investisseurs que ce qui arrivera "plus tard" sera encore plus gros :-) C'est finalement la même histoire pour toutes les histoires boursières !

7) Y-a-t-il une nouvelle bulle internet révélée par ce projet d'entrée en bourse. La réponse est  "non". Y'en aura-t- il une si tous les réseaux sociaux ou sites d'audience sont valorisés 100$ par utilisateur, la réponse est "oui".

Une bulle immobilière c'est quand une chambre de bonne au fin fond du Bronx vaut, au mètre carré, le prix d'un superbe Penthouse avec vue sur Central Park !