Vers un assouplissement des règles protectrices du droit d’auteur ?

Quand l’agence Corbis Sygma perd les supports matériels de centaines de photos d'un de ses photographes et exploite ses images en ligne sans son consentement exprès, elle engage sa responsabilité mais sa faute évidente dans le premier cas, est discutée dans le second.

L’agence de presse Corbis Sygma a été autorisée par son ancien salarié, le photographe Dominique Aubert, à poursuivre l’exploitation de ses clichés, mais quand elle perd 753 photos « points rouges » et se met à exploiter sa base d’images sur Internet, elle se voit assignée sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre du manquement à  ses obligations d’exploitation des œuvres et de conservation de leur support matériel, et sur celui de la contrefaçon.

La cour d’appel de Paris donne raison au photographe mais la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mai 2012, censure partiellement.

Sur la perte des photographies, elle approuve la cour d’appel d’avoir relevé l’existence d’un préjudice matériel puisque « la disparition des supports originaux (…) avait eu pour conséquence immédiate de rendre impossible l’exploitation commerciale normale des œuvres (…) »  et d’un préjudice moral au regard notamment du «caractère unique et irremplaçable d’œuvres issues d’une grande implication affective et humaine ». Cette solution classique rappelle que la propriété du support matériel d’une œuvre ne permet pas de s’affranchir des droits patrimoniaux et moraux de l’auteur.
En revanche, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur la caractérisation d’actes de contrefaçon motif que la Cour aurait dû rechercher si les numérisations et mises en ligne des photographies sans l’autorisation expresse du photographe « 
n’étaient pas impliquées, en l’absence de clause contraire, par le mandat reçu de commercialiser ces images et le besoin d’en permettre la visualisation par des acheteurs potentiels (…) ».
Au regard du principe selon lequel tous les droits non expressément cédés par l'auteur lui sont réservés et de la jurisprudence selon laquelle la numérisation
d'une œuvre constitue un acte de reproduction supposant l'autorisation préalable de l'auteur, la solution de la Cour de cassation apparaît contestable. Toutefois, la Cour ne dit pas que l’agence n’a pas commis d’acte de contrefaçon mais semble plutôt attendre des juges du fond qu’ils recherchent un équilibre entre les principes du droit des contrats et les règles protectrices du droit d’auteur, quitte à s’écarter de ces dernières lorsque la bonne foi et l’équité le justifient. En effet, si l’exploitation numérique, quasi-incontournable aujourd’hui, constitue une source potentielle de revenus pour l’auteur, ne doit-on pas considérer qu’elle s’inscrit dans le prolongement naturel de la mission confiée à l’exploitant, au demeurant tenu à une obligation de commercialisation, et sert l’intérêt commun des parties au contrat ?
La cour d’appel de Versailles répondra bientôt.