Google, Deezer, Youtube, Universal : que va changer la mission Lescure ?

Le succès des offres légales type Itunes ou Spotify donne de l'espoir à une création culturelle qui a longtemps cherché son juste positionnement numérique. Il n'empêche les règles qui lui sont appliquées au sein de l'économie numérique n'ont pas suivi cette évolution et nécessitent aujourd'hui d'être remodelée. C'est le rôle de la mission Lescure.

1. Faire évoluer l'Hadopi

L'industrie culturelle attendait cela depuis longtemps : en 2012 le téléchargement illégal a diminué de 12% d'après une étude NPD. Comment expliquer cette décroissance ? L’émergence des offres légales, la fermetures de site illégaux emblématiques de type Megaupload et peut être un peu aussi la présence de l'Hadopi (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet) qui a pu en effrayer certains. Dans cette optique il semble désormais certains que l'Hadopi sera conservée même si elle devrait subir un certains nombre d'évolutions significatives : c'est en tout cas ce que devrait préconiser la mission Lescure. Tout d'abord le volet judiciaire, qui n'a jamais réellement montré ses preuves, devrait être retiré : les condamnations devant la justice ont été tellement rares (3 procès en 2012 avec une seule condamnation à une peine d'amende de 150 euros) qu'une refonte du dispositif était nécessaire. Le volet judiciaire devrait ainsi être remplacé par une amende automatique de 140 euros envoyée aux internautes après la 3ème alerte.

Les cibles visées par l'Hadopi devrait elles aussi évoluer : hébergeurs, moteurs de recherche et propriétaires des sites autorisant le piratage seront aussi dans l’œil de mire de la haute autorité. L'idée étant d'adapter la répression aux nouveaux moyens de téléchargement illégal. Ce dernier se faisant de plus en plus via des plateformes de streaming ou via du téléchargement direct plutôt que via le fameux « peer to peer ». Les hébergeurs et moteurs seraient ainsi tenus de désindexer les contenus illégaux de leurs plateformes.

2. Favoriser les offres légales (VOD, 4 screen World …)

La mission Lescure compte aussi s'atteler à une revalorisation des offres légales, notamment la VOD et la SVOD pour la vidéo et les offres premium sur les sites d'écoute en ligne de type Deezer ou Spotify. La régulation sur ces plateformes devraient être confiée au CSA, plutôt qu'à l'Hadopi comme c'est le cas actuellement.

L'objectif principale de la mission Lescure repose sur la revalorisation des droits d'auteurs et du contenu culturel dans l'économie numérique. Pour y parvenir il est nécessaire que chaque acteur de cette économie (créateurs de contenu, hébergeurs, diffuseurs …) y trouve son compte. Actuellement l'écosystème numérique reste largement dominé par les majors américaines au détriment des créateurs de contenu. Si Apple ou Google ont besoins de contenu de qualité pour alimenter leur plateforme, leur main mise sur l'économie numérique leur permettent d'imposer leur position. Une des idées de la mission Lescure est donc de trouver des alternatives aux majors américaines. Valoriser les partenariats français entre créateurs de contenus et diffuseurs comme Orange avec Deezer et Dailymotion ou encore Canal + avec SFR et Canal Play Infinity. Dans ce contexte, Vivendi Universal de fait de la diversité de ses filiales et de sa puissance en matière de création de contenu, paraît être l'entité française la plus à même de pouvoir concurrencer les Google ou Apple.

Autre mesure allant dans ce sens : favoriser le « 4 screen world ». Le principe consiste à diffuser un même contenu sur l'ensemble des plateformes (TV, Smartphones, Tablettes et PC). La mission Lescure va vraisemblablement mettre en avant les avantages de cette diffusion multiplateforme. Le choix de diffusion sur un support de diffusion du même groupe (Canal+, D8, Canal Play Infinity …) pour un même préfinancement d'une œuvre devrait lui aussi être une des proposition avancée par la mission Lescure. En définitive les règles de diffusions devraient être simplifiées au profit des spectateurs et des diffuseurs. But de la manœuvre ? Reprendre le dessus sur l'écosystème Internet en donnant une revalorisation de la création culturelle et en soutenant les principaux créateurs de contenu culturel.

La chronologie des médias est l'autre grand sujet qui devrait faire parti des proposition de la mission Lescure. Pour rappel, elle consiste en un ensemble de règles définissant l'ordre et les délais de diffusion des différentes œuvres audiovisuelles. Par exemple la diffusion est possible en VOD, en vente et en location 4 mois après sa diffusion en salle mais elle n'est possible en SVOD (vidéo à la demande par abonnement) que 36 mois après sa diffusion. La SVOD, prévue pour être le nouveau support de diffusion majeur dans les prochaines années souffrent ainsi d'un déséquilibrage face aux autres support de diffusion. Ceci étant d'autant plus vrai que les sociétés non françaises ne sont pas restreintes par ces même délais. Le leader français de la SVOD, Canal Play Infinity, pourrait ainsi être désavantagé par l'arrivée d'un Netflix en France. Les propositions de la mission Lescure devraient corriger cela. Une sortie simultanée en salle et VOD est ainsi à l'étude, à priori pour les films à petits budgets dans un premier temps, ainsi qu'une diminution du délai permettant la diffusion en SVOD.

3.Faire contribuer les diffuseurs numériques comme Youtube ou Dailymotion

Autre proposition allant dans le sens d'un rééquilibrage des forces entre les différents acteurs numériques : faire participer aux financements des films les plateformes de diffusion type Youtube ou Dailymotion. Aujourd’hui considérées comme de simples hébergeurs de contenu (elle l’occurrence des vidéos), elles sont exonérées de tous préfinancement d’œuvres audiovisuelles, contrairement aux chaînes TV comme Canal+ par exemple. Le déséquilibre engendré est assez évident : elles diffusent du contenu sans avoir les mêmes contraintes que les diffuseurs TV. En ne redistribuant plus aucun droits d'auteurs depuis janvier aux ayants droits sur les vidéos musicales qu'elle diffuse suite à un conflit avec la Sacem, Youtube a créé un malaise supplémentaire chez les ayants droits. L'idée de la mission Lescure serait ainsi de faire changer le statut de ces plateformes d’hébergeurs à diffuseurs afin de les faire participer au préfinancement des films, séries ou documentaires. En somme qu'il n'y ait plus de différences aussi flagrantes entre les différents types de diffuseurs audiovisuels.