L'IP Tracking: "donne-moi ton IP, je te dirai combien tu paies"

Vous envisagez de réserver vos billets d'avion pour partir à l'autre bout du monde et bien sûr, au meilleur prix? Une première recherche comparative sur les sites des différentes compagnies serait la solution idéale... ou pas!


C'est en tout cas ce que semble révéler la récente agitation médiatique concernant la pratique de l'IP tracking [1].
Cette pratique est simple: lorsque vous vous rendez sur le site de certaines compagnies aériennes ou autres transporteurs peu scrupuleux pour consulter les tarifs pratiqués, vos informations (collectées par les cookies) vont être enregistrées par le site. Celui-ci va répertorier et mémoriser pas à pas votre recherche et l’associer à l’adresse IP de votre terminal. Ainsi, si vous vous déconnectez et revenez plus tard pour faire la même recherche à partir de ce même terminal (avec la même adresse IP), le voyagiste qui aura mémorisé votre requête, vous proposera un prix plus élevé et ce, même si le nombre des places disponibles est resté inchangé. Vous penserez alors, naïvement, qu'il est grand temps de valider votre achat avant que les prix n'augmentent encore...  
Pratiquée et dénoncée depuis quelques années, une telle technique est aujourd’hui dans le viseur des autorités tant nationales qu'européennes. 
Dans sa réponse du 12 mars 2013, Viviane Reding, au nom de la Commission européenne, a confirmé que l’IP tracking était bien une donnée personnelle, "et que sans préjudice des compétences de la Commission, les autorités de contrôle national étaient les organes compétents pour le suivi des infractions".
 
Ainsi, les autorités européennes, pourtant penchées actuellement [2] sur la question de la protection des données à caractère personnel à l'ère du numérique, ont préféré renvoyer la balle aux autorités nationales compétentes.
La CNIL également interrogée sur la question, a indiqué, dans un courrier du 13 mai 2013, que si l'IP tracking suscite de nombreuses interrogations sur la licéité de la collecte des données personnelles de l’internaute, tant au regard de l'information préalable de ce dernier que sur la légitimité de la finalité poursuivie, ce procédé retors "doit également être appréhendé sur le fondement des pratiques commerciales déloyales régies par l’article L.120-1 et suivants du code de la consommation”, lesquels visent les procédés “qui altèrent (...) de manière substantielle le comportement du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service”. 
 
Ainsi, à la croisée des chemins entre le droit des données personnelles et le droit de la consommation, la question de l'IP tracking devrait faire l'objet d'une enquête conjointe  menée par la CNIL et la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) afin d’étudier la licéité de ce procédé qui permet aux e-commerçants de faire des analyses comportementales à l’insu des internautes. 
Cette prise de conscience de la part des autorités n'est pas sans rappeler les enjeux révélés dans le cadre de la campagne de non traçage sur Internet : "Do not track", promue par Neelie Kroes [3] qui soulignait alors les vertus de l'auto-régulation et de la mise en place de standards et de labels, plus efficaces que l'adoption laborieuse de nouvelles règles de droit difficiles à adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux usages ...
A bon entendeur...

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[1] Traçage d'adresse IP
[2] Une proposition de Règlement relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données est en cours de discussions.
[3] Vice-présidente de la Commission européenne chargée de l'Agenda numérique.