Commerce connecté : ce n'est pas la plate-forme, c'est vous !

Les plate-formes e-commerce se divisent en 2 grandes familles, qui sont plus ou moins bien adaptées au commerce connecté. Mais les comparer ligne à ligne masque un enjeu bien plus important : le rôle du leader du projet, qui doit être un vrai despote éclairé.

J'ai eu l'occasion depuis plusieurs années d'observer attentivement les éditeurs de solutions e-commerce.
Hybris, Oracle, IBM, Demandware, Intershop, Magento, Drupal Commerce, Prestashop… Ce petit monde très dynamique a vu au fil du temps deux grandes familles de software se détacher :
  • Les poids lourds qui prétendent couvrir tout votre commerce connecté (IBM, Oracle, SAP/Hybris),
  • Les open source qui adressent plutôt votre site e-commerce (Prestashop, Drupal Commerce). Magento étant un peu entre les deux.

Les poids lourds

Les poids lourds sont le fruit d'acquisitions successives de sociétés best of breed :
  • IBM a créé Websphere puis a racheté Coremetrix (webanalytics), Unica (marketing automation)…
  • Oracle a racheté depuis 3 ans ATG (socle e-commerce), Endeca (Searchandizing), Fatwire (CMS)…
  • SAP vient de racheter Hybris (socle e-commerce) qui avait racheté iCongo (Order Management)…
Nota, Demandware, solution SAAS créée sur une base Intershop, est côté au NYSE et est indépendant, de même qu'Intershop qui a racheté en 2014 les 25% que détenait eBay (via GSI Commerce).
 
 Ce qui est surprenant, c'est que ces solutions sont de plus en plus similaires :
  • Robustesse et scalabilité (tous sont en java, stateless, etc),
  • Searchandising (moteur open source SolR chez IBM, Hybris, Demandware, Intershop)

Personnalisation

  • Présence de moteurs de règles,
  • Absence d'algorithmes puissants chez tous (jusqu'à ce qu'ils rachètent RichRelevance et Qubit).
Grosse orientation API :
  • Côté back pour intégrer les données de référence clients, produits, prix, stock… et faire redescendre les commandes),
  • Côté front pour piloter des interfaces comme la caisse vendeur, des applis mobiles vendeurs et/ou clients sur iPhone/Android
Des fonctionnalités avancées : preview à date, multiboutiques performant, B2B en plus du B2C…
Niveau de prix : si vous négociez bien avec chacun d'entre eux, le prix de licence et de software assurance sera le même
  • Hybris est plus cher qu'avant avec le rachat de SAP,
  • IBM a baissé ses prix du fait de sa faible présence en France,
  • Oracle fait en sorte de ne pas perdre pour le prix,
  • Intershop qui a vraiment besoin de pénétrer le marché peut vous permettre d'avoir des prix plutôt compétitifs.

Les solutions open source

Ces solutions ont aussi de nombreux points communs :
  • Une adoption de masse
       - Gratuité du code (ou presque)
       - Simplicité de mise en œuvre
        - Large communauté jouant un rôle d'accélérateur (templates graphiques, modules fonctionnels…)
  • Une grande richesse fonctionnelle
Pratiquement rien à envier aux poids lourds, hormis le multiboutiques performant et scalable, le preview à date par exemple
  • Une moindre robustesse
Hormis Drupal Commerce qui bénéficie de la puissance de Drupal sur sa partie CMS (pas sur la partie transactionnelle et catalogue), les solutions open source sont généralement moins robustes que les poids lourds.
Pas toujours de framework de développement, sous-optimisation des BDD, des espaces disques…
  • Une fragilité du business model de l'éditeur
        - OS Commerce a quasiment disparu,
        - RBS Change a dû scinder ses activités,
        - Prestashop a été sauvé de justesse début 2014 par une levée de fonds,
        - Le business model de Drupal Commerce est encore à clarifier,
        - Magento fait figure d'exception car il est rentable et propriété d'eBay depuis 2010 qui le pousse vers le segment "poids lourds" avec la version Enterprise.

Poids Lourd ou Open Source ?

Si vous avez un de ces critères dans votre stratégie digitale, partez sur un poids lourd :
  • Forte dimension cross canal,
  • Du B2B complexe,
  • Grosses ambitions internationales,
  • Merchandising poussé,
  • Marketplace à ouvrir…
Magento pourra dans un certain nombre de cas être un challenger intéressant.
 Si au contraire vous devez sortir rapidement un site web (y compris responsive), pour tester des produits, une démarche, une culture, en mode startup ou R&D, partez sur de l'open source.

OK, mais je choisis quoi alors ?

C'est là que j'en arrive au titre de cette chronique : à partir de maintenant, ce n'est plus l'éditeur, c'est vous l'enjeu.
Le succès de votre projet dépend avant tout du leadership de la personne qui le porte, de sa capacité tout au long du projet à avoir une vision globale de l'expérience client, pour qu'elle soit :
  • Simple
  • Utile
  • Fun
Peu importe le software, ils ont tous des défauts et des qualités, et globalement se valent dans chaque famille. Ce qui va tuer votre projet, c'est un manque de leadership qui fait que l'expérience utilisateur sera une somme de compromis (pour déplaire au moins grand nombre) plutôt que le fruit d'un despotisme éclairé par les usages.
Une fois que le leader est déterminé, le deuxième critère le plus important n'est toujours pas le software. C'est l'intégrateur.
L'intégrateur (interne ou prestataire) joue un rôle phénoménal sur le projet. S'il connaît bien le soft et le métier, il va vous faire gagner énormément de temps et vous éviter de tordre le bras à l'outil.
Il va vous accompagner dans la durée (une plateforme dure au moins 5 ans en moyenne dans une société mûre) et faire qu'au quotidien votre plateforme sera un outil performant ou un petit cauchemar.
A ce titre, sachez qu'il n'y a sur les solutions "poids lourds" pas beaucoup d'experts en France. Un soft peut être un super choix au UK ou aux USA parce que l'écosystème est dynamique (IBM par exemple, Intershop en Allemagne), et présenter un risque en France où le marché est atone.
Parmi les softwares, comme précisé plus haut, chacun a ses points de faiblesse. Choisissez celui pour lequel ces points sont les moins critiques, et pour lequel il vous sera le plus facile de piloter l'intégrateur pour combler les faiblesses en question.
 

Disclosure : je travaille chez Expertime qui parmi ses activités met en œuvre des projets de commerce connecté, en particulier autour d'Oracle et de Magento.