Le cross canal, une réalité ?

Face à l’évolution des modes de consommation, à l’exigence et à la volatilité des consommateurs, les marques et distributeurs ont dû progressivement multiplier les points de contact et les canaux de vente mis à disposition de leurs clients.

Ainsi, dans un premier temps, les « pure players », ces acteurs vendant uniquement par le biais de leur site,  avaient le monopole du marché du e-commerce et ont rapidement représenté un danger pour les magasins physiques qui ne pouvaient s’aligner sur leur politique de prix agressive. Pour rivaliser avec leurs homologues, les magasins physiques ont donc revu leur stratégie commerciale. Ils ont adopté une approche dite « multicanal » en créant leur site de vente en ligne en complément de leur réseau d’enseignes traditionnelles déjà connues. Ces e-commerçants qu’on appelle « click and mortars » ne se sont pas arrêtés en si bon chemin, ils continuent aujourd’hui de multiplier massivement leurs canaux de vente on et offline et tendent naturellement vers une stratégie de distribution « cross canal ».
Cette stratégie consiste à tirer profit de l’ensemble des synergies et des interactions qu’il peut y avoir entre les divers points de contact et les canaux de vente proposés à leur clientèle. Elle est plus difficile à mettre en place pour les pure players que pour les enseignes traditionnelles qui, elles, bénéficient de la notoriété de leurs magasins et de leur présence physique locale. Ceci explique pourquoi la concurrence est rude entre pure players et acteurs du click and mortar. L’avantage ira à celui qui optimisera au mieux l’expérience d’achat de ses clients. C’est pourquoi ces acteurs doivent redoubler d’effort pour se différencier de la concurrence. Ils doivent mettre à profit tous les canaux on et offline existants afin de répondre aux demandes et à l’ubiquité des consommateurs qui souhaitent acheter leurs produits quel que soit le canal, l’heure et l’endroit où ils se trouvent !
C’est ainsi que de nouveaux modes de consommation inhérents au multicanal ont vu le jour. Parmi eux figurent le « click and collect », le « web to store » ou encore le « store to web ». Ces concepts ont le vent en poupe et sont de plus en plus perçus comme des leviers de croissance incontournables pour les grandes marques et les distributeurs. Ils contribuent à l’essor du marché du e-commerce BtoC en France dont le chiffre d’affaires s’est accru de 12,5 % en 2014, soit plus de 14 % du marché européen*.
Toutefois, même si le multicanal est un élément important dans la stratégie de nombreux e-commerçants, il représente encore un enjeu plus qu’une réalité. En effet, la réussite d’une stratégie multicanal repose sur la capacité d’une entreprise à mesurer et à répondre aux attentes de chaque cible sur chaque canal. Cette stratégie est totalement transversale et peut s’avérer incompatible avec des entreprises dont la structure fonctionne en silos.
Chaque adaptation nécessaire au maintien et à la complémentarité intrinsèque aux différents canaux de vente doit être préalablement pondérée. Une organisation interne fluide et transparente est aussi primordiale si l’on ne veut pas entacher son image de marque et, à moyen terme, que cela entraîne des pertes financières considérables. Les systèmes d’informations, la logistique et les ressources internes notamment sont des éléments clés dans la réussite de ce type de projet.

Le challenge IT

Si l’on observe les technologies de gestion des données commerciales existantes, on constate que, selon les canaux de vente, celles-ci sont assez hétérogènes. Entre les ERP des magasins, les systèmes de caisse et les sites web, la gestion de l’ensemble des données produits et client peut rapidement devenir cauchemardesque ! Même si, à ce jour, les sociétés s’organisent et font évoluer leurs plateformes pour mieux mutualiser leurs données, cela reste un enjeu pour bon nombre d’entre elles. Le groupe Hybris a bien compris cela. Suite à son rachat par la firme SAP, Hybris est à même de fournir à ses clients professionnels une technologie cross canal efficace : le PCM (Product Content Manager) qui permet l’import, l’export et la gestion de manière centralisée des stocks et de l’intégralité des informations produit nécessaires sur l’ensemble des canaux.
La volonté des enseignes traditionnelles de conquérir le web en proposant une multitude de points de vente passe donc par un changement radical de leur système d’information, ce qui implique des coûts et des délais longs. Néanmoins, certains d’entre eux ont déjà opéré ce changement. Les Galeries Lafayette ou la Fnac en sont d’ailleurs des exemples à succès.

Quid de la logistique

En ce qui concerne la logistique, service corrélé aux systèmes d’information, le constat est le même : la gestion des commandes tout comme la gestion des stocks restent des éléments distincts au sein des entreprises. Et malgré une augmentation du nombre de sites proposant des fonctionnalités de retrait en magasin, la logistique doit encore s’organiser pour mutualiser les informations et optimiser son champ d’actions de plus en plus vaste. A terme, l’objectif est de permettre aux clients finaux d’acheter sur internet puis de retirer leur colis en magasin, d’acheter en magasin et se faire livrer à domicile, mais également d’accéder à l’un ou l’autre des canaux pour la gestion des retours.
Ce challenge pourra être relevé en priorité par les acteurs offline qui bénéficient déjà d’une multitude de points relai via leur magasin. Reste maintenant à fluidifier l’expédition, la livraison, le retrait et le retour du produit pour répondre à la demande grandissante d’acheteurs de plus en plus exigeants.

Sans oublier l’humain

Les ressources font également partie du défi organisationnel inhérent à la mise en place d’une stratégie omnicanal. L’adhésion et la formation idoine des équipes à ces nouveaux modes de consommation ainsi qu’à la complémentarité de chaque canal est également très importante. Actuellement, de nombreux sites e-commerce se sentent en concurrence avec leurs propres magasins physiques. C’est pourquoi une convergence des expertises techniques, logistiques et commerciales internes est nécessaire au bon fonctionnement d’une activité cross canal. La synergie entre les services concernés combinée à l’utilisation de solutions techniques dédiées, permettront aux entreprises de structurer leur offre en fonction des canaux, de mieux connaître le parcours et les besoin de leurs clients, tous canaux confondus, et d’optimiser la gestion de l’ensemble des commandes.
Les équipes présentes en magasin ne sont pas encore suffisamment formées au traitement des commandes passées sur le web. Les services clients des sites e-commerce ne sont pas encore suffisamment informés à la gestion des commandes passées sur des sites tiers telles que des marketplaces. Un effort d’homogénéisation des process et des ressources est donc une condition sine qua non à la réussite de tout projet 360.

C’est l’avenir…

Toutes les études et tendances en provenance des US le montre. L’avenir est à l’omnicanal.
Les marques doivent être présentes offline et online. La définition de la vente en ligne a été modifiée avec l’arrivée des marketplaces qui ajoutent une dimension multicanale au web. Les acheteurs sont également partout à la recherche du bon produit et des meilleurs services adaptés.
Pour les nombreuses marques souhaitant miser sur le multicanal, il faudra se concentrer sur les canaux de ventes les plus plébiscités par leur cible, et ce, à la fois dans le monde réel, sur les sites de distributeurs et sur les très nombreuses marketplaces présentes en France et en Europe. Le challenge sera d’unifier la distribution et leurs stratégies marketing pour accéder à une cohérence sur l’ensemble de la chaîne. L’avenir est en route, à petit pas …
1. Click and collect : service permettant aux consommateurs de commander en ligne pour ensuite retirer leur article dans un magasin de proximité.
2. Web to store : désigne l’attitude d’achat du consommateur qui va effectuer une recherche sur internet avant d’effectuer son achat en magasin physique.
3. Store to web : désigne l’attitude d’achat du consommateur qui va effectuer une recherche sur en magasin avant d’effectuer son achat sur Internet.

*source : e-commerce Europe, 2014.