E-commerce international : la France en phase de conquête

L’e-commerce international est indéniablement devenu l’un des sujets phares de nombreux responsables e-commerce français. Quel est l'état du marché ? Le cross-border est-il l'eldorado ? Mais surtout, comment s'y prendre ?

Il était temps ! L’e-commerce international est indéniablement devenu l’un des sujets phares de nombreux responsables e-commerce français en ce début d’année, comme l’atteste le nombre croissant d’événements et d’études qui lui sont désormais consacrés. L’association eCommerce Europe rassemble d’ailleurs les premiers acteurs e-commerce globaux et anime plusieurs événements dédiés à l’e-commerce international.

A l’heure des bonnes résolutions, nous avons souhaité revenir sur quelques chiffres et les bonnes pratiques en la matière, les acteurs français étant encore à la peine sur ces sujets, contrairement aux britanniques qui tiennent le haut du pavé. Une étude réalisée en 2014 par le cabinet de conseil OC&C, en partenariat avec Google, avait ainsi estimé que la France présentait un déficit commercial en matière de e-commerce de plus de 700 millions d’euros contre un excédent de 860 millions d’euros pour leurs homologues britanniques… La France se positionne ainsi en bonne dernière derrière le Royaume Uni et l’Allemagne, pas de quoi fanfaronner ! 

L’Europe, deuxième marché e-commerce mondial, tiré par le Royaume Uni
  • Les prévisions d’Ecommerce Foundation tablent sur un chiffre d’affaires e-commerce mondial de 2 200 milliards dollars en 2015, avec un trio de tête composé de l’Asie-Pacifique (770 milliards $), l’Europe (567 milliards $) et enfin l’Amérique du Nord (523 milliards $).

  • Si l’on regarde nos voisins européens, la France se place en troisième position avec 65 milliards d’euros (+15% versus 2014), derrière l’Allemagne avec 80 milliards d’euros de CA (+12,3%), et très loin derrière le Royaume Uni qui caracole en tête à 143,9 milliards d’euros (+ 13,1%).
  • Cette croissance est notamment portée par l’augmentation du nombre d’e-commerçants : en France, on en recense désormais 178 500 (ils étaient deux fois moins il y a cinq ans). 

La marge de progression à l’international semble très importante pour les acteurs Français. Selon la Fevad, seul 1 peu plus d’un site marchand sur 2 vend aujourd’hui hors de l’hexagone. En retranchant les pays voisins francophones, on estime que 95 % des sites e-commerce français réalisent moins de 5 % de leur chiffre d’affaires à l’international… Mais voyons le verre à moitié plein. 

Cross-border e-commerce : l’eldorado ?
 Il y a de bonnes raisons de l’espérer. Selon PayPal et Ipsos, plus de 37 millions d’acheteurs étrangers ont commandé en 2015 sur des sites web Français. La demande étrangère est en progression constante et l’on attend une croissance de 16% encore cette année. L’étude d’OC&C montre également une hausse de 26% des requêtes internationales vers les e-commerçants français entre 2011 et 2013. La majorité d'entre elles proviennent d’Europe, en particulier de l’Espagne et de l’Italie.
En termes de marchés cibles, la région la  plus dynamique à l’international en 2014 a été l’Asie avec une croissance insolente de 44%. L’Amérique Latine, deuxième du tableau, se positionne loin derrière avec « seulement » 18%. Mais les opportunités ne manquent pas non plus en Europe avec une croissance globale attendue cette année deux fois supérieure à celle des Etats-Unis. A titre d’exemple, RetailMeNot estime que le marché e-commerce polonais devrait progresser de 23% en 2016, devant l’Allemagne (22%), l’Italie (20%), l’Espagne (19%), les Pays-Bas (17%) et l’Angleterre (15%). Preuve de cet engouement nouveau, 63% des acheteurs en ligne espagnols ont déclaré avoir acheté, depuis un site étranger en 2014.

Selon la Fevad, les e-commerçants français privilégient aujourd’hui la Belgique (79%), l’Espagne (60%) et enfin l’Allemagne et le Royaume Uni (51%).
Au delà de l’analyse des chiffres, le bon sens pousse évidemment les e-commerçants français à privilégier les marchés européens. La monnaie unique, les faibles distances, l’union douanière et la quasi absence de décalage horaire a des avantages certains que beaucoup nous envient. Par ailleurs, la situation complexe que rencontrent certains pays émergents (Brésil et Russie notamment) doit évidemment inviter à la prudence sur ces marchés.

Les bonnes pratiques en matière de localisation
Après avoir analysé son marché cible, adapté sa logistique, fait le tour des contraintes réglementaires et fiscales (notamment en terme de TVA européenne : attention aux seuils nationaux pour l’immatriculation à la TVA locale), préparé sa stratégie marketing, il est temps de localiser son site et c’est, de loin, le plus gros chantier. Quelques conseils :

  • Traduire son site dans la langue maternelle de ses visiteurs. La traduction doit aller au delà de seule version anglaise, qui laisserait de côté plus de 60% des acheteurs potentiels qui n’achètent pas sur un site qui ne parle pas leur langue maternelle. (source Common Sense Advisory, 2014).

  • Adapter son offre produit : en fonction de ses marchés cibles, l’appétence aux produits n’est pas forcément la même. Pour pousser l’exemple à l’extrême, on ne vend pas de bonnets au mois de février en Australie…

  • Travailler ses prix : ils doivent intégrer la pression concurrentielle locale et le taux de change si la monnaie diffère. C’est une source de complexité supplémentaire pour maintenir à la fois des prix compétitifs et arrondis. En cela, la monnaie unique est un avantage majeur.
  • Traduire tous ses contenus : il n’est pas rare d’omettre de traduire des pans entiers de site. Tout doit être localisé, en ce compris, les images, les navigations, les conditions générales, les e-mails transactionnels, etc.

  • Apparaître le plus local possible : disposer d’un numéro de téléphone local, être membre d’une association locale, avoir des avis clients rédigés dans la langue de votre marché cible, traduire ses URLs, voire avoir un nom de domaine dédié, sont des vrais plus.

  • S’adapter aux références locales : localiser l’ensemble des variables locales. Les références aux lieux s’il en existe, aux mesures (inch/cm), aux poids (pound, kilo), aux tailles (32/42) doivent être absolument adaptées.

  • Assurer l’après-vente : prévoir une solution de traitement des commandes dans la langue des clients. Elle peut se faire par e-mail en traduisant ses contenus ou en s’appuyant sur une équipe bilingue, voire un prestataire extérieur.

  • Identifier ses mots clés : en s’appuyant sur ses contenus existants et son équipe marketing. Après les avoir identifiés, les faire traduire sous différentes combinaisons pour identifier les plus populaires parmi elles.

Comment s’y prendre ?
C’est souvent là que le bât blesse. Ce qui apparaît de prime abord comme une commodité se transforme très vite en parcours du combattant. Au volume considérable des contenus, s’ajoutent leur spécificité (les offres e-commerce sont souvent très verticalisées), les problématiques d’import-export, la gestion des balises et des éléments techniques, sans compter la difficulté à réunir des traducteurs spécialisés dans 4 à 5 langues capables de gérer un tel volume… De quoi décourager les meilleures volontés… Les différentes options pour y voir clair :

  • la traduction automatique. Non, non et encore non. C’est très pratique de prime à bord, et en plus ça ne coûte presque rien. Mais à moins de faire appel à des logiciels extrêmement pointus, entrainés par des centaines de millions de mots de verbatim et d’y associer une relecture humaine, la traduction automatique, qu’on se le dise, c’est bien pour comprendre, pas pour vendre. Traduction auto = ventes zéro. C’est à ce stade, au mieux, une assistance à la traduction.

  • la traduction interne : c’est souvent le premier réflexe des e-commerçants, avant de faire marche arrière après une première expérience. Je n’ose citer les cas où on a demandé à Stéphane, le jeune stagiaire du marketing qui a passé six mois en Erasmus à Barcelone, de traduire les 12 000 fiches produit du site en espagnol… Je vous laisse imaginer le résultat en termes de qualité et de délais… Au delà de cet exemple caricatural, la traduction interne n’est que très rarement adaptée, sauf à y consacrer des moyens considérables : outils de traduction assistée par ordinateur (gestion des doublons, mémoires de traductions, outils collaboratifs, etc.), équipe de traducteurs salariés dans plusieurs langues, etc. Avec les arbitrages en termes de coûts et de délais que ça implique…

  • les traducteurs freelances : cette solution reprend peu ou prou les inconvénients de la traduction interne. Gestion de multiples traducteurs, inconnues sur leurs compétences réelles, absence d’outils collaboratifs, gestion de projet à faire en interne (compter les mots, exporter les contenus, suivre les livraisons des traducteurs, etc.). Le temps gagné en productivité sera vite perdu par le suivi interne de ces projets et les erreurs potentielles commises.

  • les agences de traduction classiques : nous voilà déjà un cran au dessus en terme de professionnalisme. Celles-ci prennent en charge le recrutement de traducteurs et la gestion de son projet, permettant de se focaliser sur son cœur de métier et le développement des ventes. Néanmoins, celles-ci ne sont pas adaptées à la gestion de projets en volume et très mal outillées d’un point de vue technique et métier pour gérer à la fois le travail collaboratif de plusieurs traducteurs, l’homogénéité des traductions et les contraintes techniques de son site.

  • les plateformes de traduction spécialisées : elles ont fait de la localisation de sites e-commerce leur cœur de métier et construit des offres adaptées. Traducteurs spécialisés présélectionnés, tarifs négociés adaptés aux volumes, gestion des contenus  automatiques (import par API ou plug-ins), chefs de projet spécialisés, solutions technologiques d’aide à la traduction (mémoire de traduction en temps réel dans le cloud, etc.). Elles contribuent au développement international des principaux sites e-commerce en assistant de bout en bout la localisation des contenus.

En conclusion, l’e-commerce français a des atouts considérables pour s’exporter. La demande et le modèle fonctionne comme le démontre le modèle anglais et les solutions de localisation spécialisées existent. Il n’y a plus qu’à, comme on dit !