Grandeur et décadence de la carte bancaire

Hommage et retour sur une avancée technologique remarquable du 20e siècle, dont l’apogée semble appartenir au passé.

La carte bancaire n’est pas née en une nuit. Entre la création, en France, de la Carte Bleue en 1967, celle du Système National de paiement par carte (SNPC) en 1984 (qui permet d’utiliser sa carte dans n’importe quel distributeur de billet, peu importe sa banque) et l’apparition de la carte à puce en 1985, que d’aventures pour les banques et surtout pour les commerçants, d’abord réticents à utiliser ce nouveau moyen de paiement. Si la carte à piste magnétique existait depuis longtemps aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, c’est à Roland Moreno, inventeur français de la carte à puce, qu’elle doit son essor.

Au début des années 2000, la carte devient le moyen de paiement privilégié des Français, dépassant le chèque. En 2014, le parc de cartes bancaires continuait de croître en France, ainsi que le nombre de paiements par carte par an, tandis que le nombre de retraits diminuait. La carte reste ainsi un outil très présent dans la vie des français avec 62,8 millions de cartes bancaires utilisées en 2014. Une étude, réalisée par le CSA et dévoilée lors des Assises des moyens de paiement en jun 2015, a révélé que pour 64% des répondants, la CB était perçue comme un moyen de paiement simple et rapide.

La carte bancaire, plus qu’un simple outil

Qui n’a jamais fantasmé à l’idée "d’avoir une Gold", ou de lancer un "c’est pour moi" au restaurant en agitant fièrement sa carte ? La carte bancaire est un signe (très concret) extérieur de richesse comme en témoigne l’existence de cartes très élitistes, type American Express Centurion ou la Palladium de JP Morgan, inaccessibles pour le commun des mortels.

Elle constitue aussi un rite de passage à l’âge adulte. Les jeunes gens se voient souvent proposer, à l’occasion de leur 18ème anniversaire, l’ouverture d’un compte,  associé à leur toute première carte. Les banques elles-mêmes rivalisent d’originalité en termes d’offres destinées à cette cible au pouvoir d’achat croissant et considérée, par ces établissements, comme des clients potentiels de plus en plus tôt.

La carte bancaire, des petits défauts qui deviennent problématiques

Victime de son succès et bien que sécurisée, la carte bancaire, de part son statut de moyen de paiement principal, est de fait soumise à de nombreux désagréments comme le vol physique ou le piratage en ligne pour ne citer qu’eux. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) révèle que plus de 800 000 foyers français ont été victimes de fraudes à la carte bancaire entre 2010 et 2013, explosion à relier notamment au développement d’Internet.

Bien sûr, afin d’éviter ces fraudes, des précautions sont prises, avec notamment le code 3D Secure pour les paiements sur Internet ou la possibilité de faire opposition à sa carte par la banque si celle-ci est piratée. Un problème de taille demeure cependant: le tout ou rien inhérent à la carte bancaire. La victime d’un paiement frauduleux (encore faut-il jeter un oeil à son compte courant régulièrement), pourra contacter sa banque pour signaler l’affaire. Mais c’est là que les choses se corsent car la carte étant bloquée, plus aucun paiement n’est donc possible. La banque doit donc lui transmettre une nouvelle carte, ce qui prend quelques jours, rendant ainsi caduques tous ses abonnements car il lui faudra transmettre son nouveau numéro de carte à chaque marchand. Un vrai chemin de croix…

La carte bancaire : une obsolescence inévitable

Une avancée technologique chassant la précédente, la carte avait relégué le chèque aux oubliettes. Il semble que ce soit cette-fois-ci à son tour de ne plus être adaptée aux besoins de ses utilisateurs.

Tout d’abord, l’intérêt d’un objet physique servant aux paiements semble disparaître. Pour preuve, l'avènement des Apple Pay et autres modes de paiements sans contact semblent mener vers l’élimination d’un quelconque intermédiaire entre le compte en banque et le marchand. De plus, une récente étude Elabe pour SlimPay réalisée en avril 2016 révèle l’émergence de la consommation par abonnement (ou à l’usage) en France, mais aussi dans le reste de l’Europe, notamment en Espagne et au Royaume-Uni. Ce mode de consommation nécessite un moyen de paiement adapté, sécurisé, n’impliquant pas que l’utilisateur effectue une manipulation à chaque échéance ou à chaque date d’expiration. Il permet ainsi  une relation client de plus en plus personnalisée et fluide, mais néanmoins très sécurisée.

Alors que la réglementation a accompagné ces nouvelles pratiques (DSP1 en 2007, zone SEPA en 2012 et DPS2 aujourd’hui), elle a également permis l’émergence de nouveaux acteurs dans l’industrie du paiement, notamment de ceux qui proposent des alternatives à la carte bancaire telles que le prélèvement, beaucoup plus plus adapté à des paiements récurrents dans le cadre d’abonnements. Citons aussi l’idée du moyen de paiement instantané qui, demain, permettra au consommateur, dans un cadre tout aussi sécurisé qu’une banque en ligne, de payer sans quitter la page du e-commerçant, tandis que ce dernier bénéficiera d'un paiement sûr et non contestable.

Il faut rendre à César ce qui est à César. La carte bancaire est encore aujourd’hui un moyen de paiement bien pratique et très utilisé. Cependant, les technologies, et c’est leur vocation originelle, n’ont de cesse de se réinventer et d'élargir le champs des possibles. Ce n’est pas la fin de la carte bancaire. Mais, assurément, son heure de gloire est révolue.