Les influenceurs perdent-ils leur âme… et leur pouvoir d’influence ?

Nouvel eldorado pour les marques, les stratégies de brand content explosent et parmi elles, le marketing d’influence se taille la part du lion. Quant aux dispositifs de monétisation tels que les plates-formes d’affiliation et autres « Buy Buttons », ils se multiplient.

S’il ne fallait retenir qu’un chiffre pour répondre à cette question, ce serait celui-ci : 81% des e-commerçants miseront sur les réseaux sociaux pour atteindre leurs objectifs de croissance dans les années à venir*. L'enjeu : augmenter les taux de conversion, en misant sur l’adhésion de communautés sous influence… Toutefois, cette porosité toujours plus visible entre marques et influenceurs ne risque t-elle pas au final d’être contre-productive pour tous ?

Un nouveau canal de vente pour les marques ?

En 2014, Twitter et Facebook testaient leur « Buy Button » permettant aux utilisateurs d’acheter depuis leur mobile un article mis en avant sur un contenu fraîchement posté, sans avoir à quitter la plate-forme. L’idée était de monétiser les services de micro-blogging et, surtout, de favoriser l’achat d’impulsion. Seulement, d’après une étude publiée par BI Intelligence en décembre 2016, 72% des marchands disposant de ce type de dispositif indiquent n’en avoir obtenu aucune vente ! Game over ?

Pour autant non, pas question d’abandonner l’idée, comme le prouve l’apparition ces dernières années de services de m-shopping, tels que Shazagr.am ou les « Shoppable Plugins » pour Instagram, la multiplication des plate-formes d’affiliation, à l’image de RewardStyle ou Awin (Zanox), ou encore la nouvelle fonctionnalité Marketplace by Facebook (actuellement en test aux Etats-Unis). Ces systèmes s’inscrivent dans le cadre de la professionnalisation des influenceurs, qui vivent désormais, pour les plus connus, de leur seule notoriété sur les réseaux sociaux.

Ainsi, à partir de la photo d’un look sur un blog mode, par exemple, ou à la suite d’un article sur une nouvelle cafetière dernier cri, des liens sont automatiquement générés vers les sites de vente des marques citées. Chaque conversion réalisée permet à l’influenceur d’être rétribué à hauteur d’un certain pourcentage et à la marque d’augmenter ses ventes.

Alors qu’elles utilisaient jusqu’à présent les influenceurs pour gagner en notoriété et en réputation, les marques voient désormais dans ces prescripteurs de véritables relais de vente. Aux États-Unis, de parfaits anonymes parviennent à se faire un nom et pour certains, à s’élever au rang de Superstar, grâce à leur activité sur les réseaux sociaux. Ils deviennent ainsi, sans aucun complexe, des hommes et femmes sandwichs, sur lesquels les marques viennent se greffer les unes après les autres.

Si, en France, on ne constate pas encore de phénomène équivalent, cela n’empêche pas les influenceurs de professionnaliser leur démarche et de s’orienter vers cette voie. Ainsi, les plus jeunes se projettent en Instagrameurs ou Youtubeurs à succès, comme nous rêvions à leur âge de devenir astronautes ou vétérinaires. Or, si les aspirations sont fortes, on ne compte aujourd’hui que très peu d’élus !

Toutefois, quand le succès est au rendez-vous, la tentation de faire de son activité sur les réseaux sociaux un métier à part entière est forte ! Et les marques l’ont bien compris, elles multiplient, à l’attention des influenceurs les plus populaires, les démarches pour être intégrées dans leur communication. Aujourd’hui, elles sollicitent des blogueurs, Instagrameurs ou Youtubeurs influents contre rémunération. Si beaucoup rendent ces transactions transparentes, en affichant la nature sponsorisée de leur publication, par exemple, d’autres n’hésitent pas à dissimuler cette liaison : money is money… pour vivre heureux dans la communauté des influenceurs faut-il vivre caché… ? Un beau paradoxe !

Des influenceurs en perte d'impartialité ?

Cette situation entraîne nécessairement des dérives et une forme de contradiction : certains influenceurs se retrouvent sous l’influence des marques dont ils sont partenaires. Il faut savoir que pour espérer monétiser ses contenus, il faut avoir une forte audience, qualifiée et active de plusieurs milliers d’abonnés. Plus les influenceurs sont suivis, leurs contenus commentés, lus ou vus, plus ils se trouvent en position de force pour négocier leur relation avec une marque. C’est ce qu’on appelle des « Attractive Influencers ».

Ainsi, certains d’entre eux n’hésitent pas à lancer des campagnes d’acquisition pour obtenir toujours plus de « like » ou d’abonnés. Une audience partiellement fictive ou éphémère, donc, qui risque à moyen terme de se retourner contre eux.

Mais, surtout, à ne plus voir dans sa communauté qu’un moyen de monétiser leur talent, certains influenceurs pourraient perdre leur âme et donc, au final leur influence. Car ce qui faisait jusqu’à présent leur force, c’était justement leur impartialité. En conservant une vraie liberté de ton et de jugement, ils étaient entendus. Aujourd’hui, la professionnalisation de leur activité les rend parfois dépendants de contrats signés avec des marques, quand ils ne se retrouvent pas sous la pression de ces dernières. Ils ne sont plus toujours libres d’écrire ce qu’ils veulent, ni du rythme de leurs publications. Charge à eux donc, de trouver le moyen de maintenir un équilibre entre rentabilité et crédibilité, au risque de perdre les deux !

* Étude Kantar TNS pour Webloyalty | « Sites e-commerce : les leviers de la rentabilité » | Avril 2017