Non, la marketplace n’est pas l’avenir du e-commerce

Les Marketplaces ont le vent en poupe. Elles permettent à des marques de distribution bien établies dans le digital d’accroître leurs revenus en offrant de la visibilité et du chiffre d’affaires à de petits commerçants. Sans aucune prise de risque de part et d’autre ?

Sur Internet, une situation idyllique ne l’est pas tant que cela. Car tout comme pour l’Affiliation ou le Comparateur de Prix en leurs temps, les dés sont pipés en matière de marketplace. Pour le plus grand profit de quelques acteurs, qui osent se draper dans la vertu du collaboratif et de l’innovation.

Avec plus de 3 Mds d’€ de chiffre d’affaires le développement des marketplaces fait partie des dernières tendances du e-commerce selon la FEVAD. Des pépites de la French Tech, tel MIRAKL ou IZBERG sont en pleine progression, proposant des solutions logicielles dédiées à ce type de commercialisation. Leurs applications permettent de créer des plateformes de mise en relation entre des vendeurs et des acheteurs. Ce sont ces acteurs qui proclament que « la marketplace est l’avenir du e-commerce ». Or cela est faux. Que ce soit pour l’opérateur d’une marketplace ou pour le commerçant allant sur une place de marché pour publiciser son offre, leur utilisation relève plus du syndrome de la servitude volontaire que de la mise en place d’un modèle économique pérenne.

Distinguons dans un premier temps les deux types d’opérateurs de marketplaces. D’un côté il existe celles « neutres », c’est-à-dire qui ne proposent sur leurs plateformes que des biens et des services provenant de tiers, à l’exemple d’eBay ou d’Etsy. D’un autre il y a celles que nous appellerons « duales », c’est-à-dire qui sont déjà des e-commerçants (pure player ou click and mortar) et qui ouvrent leurs catalogues à d’autres commerçants pour que ces derniers puissent tirer profit de leur flux de visitorat qualifié.

Devenir une marketplace consiste, dans les deux cas, à avoir un flux de visitorat existant, important et qualifié, à un coût extrêmement faible. Donc, soit vous avez une marque forte, en tant que commerçant, industriel ou plateforme communautaire, soit vous avez des contenus et une antériorité vous donnant des positions solides en référencement naturel. L’optimum serait de concilier ces deux cas de figure !

Le mirage de devenir une marketplace

Si vous n’avez pas déjà cela, passez votre chemin ou soyez prêts à investir plusieurs centaines de milliers d’euros - si ce n’est des millions pour construire ces actifs. Jamais vous ne réussirez à rentabiliser votre plateforme dédiée et vos efforts commerciaux pour trouver des commerçants. Les seuls qui auront tiré profit de cette situation seront les vendeurs d’applications logicielles vous ayant permis de devenir une marketplace.

Croire qu’aller vendre ses produits ou ses services sur une marketplace ne comporte pas de risque s’avère la plupart du temps être une grave erreur, en particulier sur une marketplace « duale ». Aller vendre ses produits sur Amazon, Cdiscount, La Redoute… fait miroiter le fait de pouvoir s’affranchir d’investissements et de risques marketing. Le flux est mis à disposition et le « seul » risque est de ne pas vendre. Eh bien cela est faux. Le premier risque, paradoxal, est de vendre et ce, pour deux raisons.

La première est que le fait de vendre ne construit pas un fonds de commerce. Ce ne sont pas vos clients mais ceux de la marketplace qui vont acheter vos produits et services. Si les commissions de la place de marché augmentent ou qu’elle vous exclut pour quelque raison que ce soit, alors « adieu veaux, vaches et cochons » : il ne vous reste rien. La seconde raison réside dans le fait que si vos ventes décollent vous aurez réalisé, malgré vous, une étude de marché, sans aucune prise de risque, pour la marketplace « duale » qui va bientôt proposer, soyez-en certain, les mêmes produits à ses clients. Vous deviendrez alors une solution de repli permettant à la marketplace de ne prendre aucun risque de stock puisque c’est vous qui le prendrez.

Un poker menteur

Mais même si vous avez votre propre marque, vos propres produits, soyez vigilant et c’est ici qu’apparaît le deuxième risque d’aller vendre ses produits sur une marketplace.  Car au travers de votre offre, vous allez positionner la marketplace sur Google sur « vos » requêtes et vous lui fournirez les contenus avec lesquels elle se positionnera, devant votre site éponyme, sur la page de résultat de Google, captant le flux des internautes cherchant votre marque. Ce risque existe également sur des marketplaces « neutres ».

Ainsi, même si votre activité se développe via une ou plusieurs marketplaces, la véritable création de valeur est pour cette dernière. Il ne faut pas oublier en effet que la valeur créée par le commerçant est celle de son fonds de commerce, basée sur la fidélisation d’une clientèle envers sa marque. Ne considérer que son chiffre d’affaires et non sa clientèle est foncièrement un mirage. Développer une place de marché pour compléter vos revenus si vous êtes un site de e-commerce ou une marque de distribution déjà puissante peut s’avérer être une opportunité.

A quoi et à qui peuvent servir les marketplaces ?

Si vous souhaiter tester un marché, proposer votre offre via des places de marché « duales » - ou de préférence « neutres » - peut être une excellente tactique, de même qu’y commercialiser vos produits si votre marque est déjà forte. Dans les autres cas de figure, soyez extrêmement circonspects : les marketplaces ne sont pas l’avenir du e-commerce. Elles sont celui des éditeurs de logiciels spécialisés et des sites de e-commerce les plus puissants.