Communications maritimes sans fil : une épopée au long cours

A l’heure où les courses nautiques sont retransmises en direct et en vidéo via des liaisons internet 4G, telle La Solitaire du Figaro, on pourrait penser que la couverture wireless des régates est résolument moderne. Pourtant, elle ne date pas d’hier… Retour sur une odyssée entre nautisme et communication sans fil.

Ce sont les communications maritimes qui ont constitué le premier objectif d’application pratique des ondes électromagnétiques, et ce, pour deux raisons principales. La première était que la sécurité de navigation au voisinage des ports et des zones dangereuses, notamment par temps de brouillard, était loin d’être garantie avec les moyens de signalisation sonore ou optique usuels. La seconde était que les distances à couvrir restaient assez courtes pour être atteintes avec la technologie sans fil du moment (émetteurs à étincelle et récepteurs à cohéreurs).

A partir de 1901-1902, avec les premières liaisons transatlantiques de Guglielmo Marconi, les communications sans fil sont envisagées sur de longues distances pour concurrencer les liaisons télégraphiques par câbles sous-marins. 


Auparavant, quelques expérimentations concluantes ont été menées par G. Marconi entre stations fixes et îles de la baie de Bristol (15km) ou à travers la Manche de Douvres à Boulogne (50km). L’idée est ainsi venue de couvrir, grâce au sans fil, des régates qui, jusqu’alors, ne pouvaient être suivies à la jumelle que par temps clair.


G. Marconi comprend immédiatement tout le profit médiatique qu’il pourra en retirer et accepte l'invitation du Daily Express de Dublin à couvrir les régates du Royal St. George Club de Kingstown en juillet 1898. En trois jours, 700 messages télégraphiques sont transmis avec succès en code Morse sur des distances de 15 à 40 km (8 à 20 Milles Nautiques) entre un remorqueur évoluant dans le sillage des concurrents et un phare, tous deux équipés d’antennes-mâts de 22m et 33m, respectivement. Cet événement - considéré comme la première couverture d’une manifestation sportive grâce à la technologie sans fil - a un grand retentissement.


L’America’s Cup : succès et déboires de transmission

L’année suivante, le New York Herald demande à G. Marconi de couvrir l’America’s Cup, où s’affrontent le "defender" Columbia du banquier J.P. Morgan et le "challenger" Shamrock de Sir Thomas Lipton. Ces régates connaissent, elles aussi, un fort retentissement médiatique.

Si la couverture de l’édition 1899 de l’America’s Cup est un succès, les années suivantes sont émaillées d’incidents qui démontrent, tout à la fois, les faiblesses de la technologie utilisée et la nécessité d’une régulation plus affinée des transmissions sans fil.

Le Titanic : un naufrage de communication

Sur un mode beaucoup moins festif, il est également question de communications sans fil lors de nombreux naufrages occasionnés à cette époque par des collisions entre navires, navires et phares, ou navires et icebergs. L’exemple le plus emblématique est celui du naufrage du Titanic le 14 avril 1912, qui illustre à la fois l’intérêt des communications sans fil en mer et la nécessaire régulation de leur usage à des fins de sécurité.

Sans son équipement de radiotélégraphie, le Titanic aurait sombré corps et biens. Toutefois, comme le démontre une commission d’enquête, le bilan du naufrage (706 passagers sauvés sur 2223 victimes) aurait pu être beaucoup moins dramatique si des consignes de sécurité élémentaires, telle que la permanence des opérateurs de radio télégraphie à leur poste, avaient été respectées à bord des navires qui se trouvaient sur zone et auraient pu secourir plus rapidement le Titanic.

Un siècle plus tard, au lieu de quelques mots à la minute, les communications sans fil transmettent désormais de la vidéo en live et sans interruption avec la technologie 4G. Elles font aujourd’hui l’objet de régulations bien plus strictes et servent tout autant à la retransmission des temps forts qu’à la sécurité des navires et de leur équipage. Avec l’accélération technologique liée au numérique, qui sait quels progrès permettra l’arrivée de la 5G, a priori en 2020, dans l’univers trépidant et innovant des régates ?