INTERVIEW
 
04/10/2007

"Nous sommes pour une riposte graduée dans la lutte contre le piratage de musique et de films"

Le patron de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques expose les propositions faites à Denis Olivennes pour sa mission contre le piratage de musique sur Internet et le développement des offres légales.
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Pascal Rogard, directeur général de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques
 

Qu'attendez-vous de la mission conduite par Denis Olivennes ?

Que chacun assume ses responsabilités. On ne peut pas poursuivre les pirates s'il n'y a pas d'offre légale de disponible. Cependant, il faut faire une différence entre le cinéma et la musique. Car bien qu'elle ait eu du retard à l'allumage, l'industrie musicale développe aujourd'hui très fortement les offres légales. Alors que ce n'est toujours pas le cas de la part de l'industrie du cinéma. Cependant, je pense que Denis Olivennes voit à peu près l'objectif qu'il veut atteindre. Mais il devra tordre les bras de quelques-uns pour l'atteindre. C'est peut-être mission impossible, mais on ne le saura qu'à la fin de sa mission.



Pourquoi ce blocage dans le cinéma ?

Le problème vient de la non reconduction des accords interprofessionnels sur la VoD signés fin 2005 en 2006. Depuis, la situation est gelée. Les FAI n'ont pas voulu prolonger l'accord et ont demandé à pouvoir proposer des films en VoD six mois après leur sortie en salle, contre 7 mois et demi précédemment. Ce que Canal+ a refusé. Il faut bien se rendre compte que les grands perdants de cette absence d'accord sont les créateurs que nous représentons. Car cet accord prévoyait des obligations d'investissements dans la création.



Pourquoi n'a-t-il pas été reconduit ?

Canal+ voulait protéger sa fenêtre de diffusion cryptée, ce qui est normal, puisqu'ils financent 25 % du cinéma français. En contrepartie d'obtenir une fenêtre VoD à six mois, nous avions proposés de protéger Canal+. Par exemple, en excluant les films récents des offres de VoD sur abonnement. Mais le Blic, qui a une position rétrograde sur Internet, et Canal+, ont refusé. Pourtant, ce n'est pas parce que la fenêtre VoD s'ouvre au bout de six mois que tous les films seront disponibles. Les films produits par Canal+ ne finiraient pas automatiquement sur une plate-forme VoD. Si les producteurs n'y trouvent pas leur intérêt, ils peuvent empêcher cette diffusion.



Où en est-on aujourd'hui ?

Aujourd'hui, le risque est qu'une société éditant une plate-forme de VoD joue au franc-tireur et s'entende avec un producteur pour vendre un film un mois après sa sortie en salle. Si cela arrivait, cela mettrait le feu à l'industrie, mais en théorie, rien ne l'empêcherait, puisque il n'y a plus d'accord interprofessionnel pour encadrer la VoD.



"Baisser la TVA sur la VoD à 5,5 %"

Mais les mentalités ont-elles changées depuis les dernières négociations de janvier dernier, un accord peut-il être trouvé aujourd'hui ?

Je pense qu'un accord est possible. Certes, il vaudrait mieux un accord interprofessionnel réunissant toutes les parties de la profession. Mais la directive télévision sans frontières fixe comme principe que ce sont aux ayants droits et aux opérateurs de tomber d'accord sur ces questions. Si le Blic, qui représente les exploitants et les distributeurs ne veut pas signer, nous trouverons un accord sans eux. On ne peut pas lier le sort de la création française aux intérêts des exploitants de salles de cinéma.



Si le marché de la VoD s'ouvre après un nouvel accord, que demandez-vous en contrepartie pour lutter contre le piratage ?

Nous sommes favorables à une riposte graduée. Il y a un noyau dur de pirates contre lesquels on ne pourra jamais rien. Mais les exemples en Angleterre et au Royaume-Uni ont montré que si on envoie des avertissements aux gens qui piratent, puis des lettres recommandées à ceux qui récidivent, ils cessent d'eux-mêmes leur activité. Si une offre légale existe, il n'y a plus d'excuse à pirater. Et ce serait d'autant plus vrai si, comme la SACD l'a proposé à Denis Olivennes, la TVA sur la VoD était baissée à 5,5 %, comme pour les places de cinéma ou les offres audiovisuelles triple play pour dynamiser ce marché. Certes, cela ne dépend pas du gouvernement, il faudra le feu vert de Bruxelles, mais une offre VoD dynamique à 5,5 % de TVA alimenterait plus les caisses de l'Etat que les téléchargements pirates qui ne lui rapportent rien.


L'association des fournisseurs d'accès est-elle aussi favorable à cette mesure en échange d'un cadre favorisant le développement d'une offre légale ?

Oui, mais ils sont mal à l'aise lorsqu'il s'agit d'arriver au stade d'envoyer une lettre recommandée à un client pirate. Les FAI ont une relation commerciale à entretenir, qui plus est dans un univers très concurrentiel. Ils ne veulent donc pas passer pour des auxiliaires de police, ce qui est compréhensible. C'est pourquoi ils demandent la création d'une autorité indépendante pour gérer le problème du piratage à leur place. Mais ce n'est qu'une question de modalité de mise en œuvre de cette mesure.



 
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Vous demandez aussi à ce que l'Arcep soit l'autorité qui surveillerait si les FAI respectent bien leurs obligations dans la lutte contre le piratage.

Oui. Si il y a un accord favorisant le développement d'une offre légale d'un côté, et la mise en place d'une riposte graduée envers les pirates de l'autre, les FAI auront logiquement des responsabilités à assumer. Il faudra alors qu'une autorité surveille que tous les FAI appliquent bien les mêmes règles pour ne pas que l'un fausse le jeu de la concurrence. Et l'Arcep est toute désignée. Mais pour cela, il faut qu'elle ait les moyens de cette surveillance, et qu'elle dispose de pouvoirs de sanctions.



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