Jean-Fabrice Mathieu (SeLoger.com) : "Nous allons acquérir plusieurs sites de niches concurrents"

Vous venez de publier vos résultats. Comment se porte SeLoger ?

Notre chiffre d'affaires est en hausse de 51,6 % à 57,2 millions d'euros pour un résultat net multiplié par treize à 13,5 millions d'euros. Cela se sait peu, mais SeLoger est la société Internet la plus valorisée de France à plus de 550 millions d'euros. Si l'on regarde nos deux principaux concurrents sur la petite annonce immobilière, notre part d'audience est six fois supérieure à celle de Logic-immo et 16 fois plus importante que celle d'Explorimmo (groupe Adenclassifieds). Si l'on additionne la part d'audience de nos 5 premiers concurrents, elle représente moins de 50 % de la nôtre, selon les derniers chiffres Nielsen//Netratings. Et parce que nous avons le site le plus complet, le temps de consultation est de 19 minutes sur SeLoger contre 3 minutes en moyenne pour nos concurrents.

Pourquoi parlez-vous en part d'audience et non en visiteurs uniques tout simplement ?

Je préfère raisonner en part d'audience car cette mesure prend en compte le temps de consultation des pages en plus du nombre de visiteurs uniques. Tout le monde sait comment faire augmenter artificiellement son nombre de visiteurs uniques pendant quelques mois. C'est pourquoi il est important de prendre en compte le temps passé par un internaute sur un site car il montre si cet internaute est qualifié. C'est-à-dire s'il s'intéresse aux annonces immobilières, ou si un pop under ou autre chose l'ont envoyé sur un site contre sa volonté.

Cela peut arriver, mais il n'y a pas que ça. Nous venons de porter plainte contre trois métamoteurs de petites annonces immobilières qui nous polluent de manière systématique. Il s'agit de Yakaz, Gloobot, et Solus-immo. Constituer notre base nous demande un gros effort commercial et technique et ces sites reprennent l'essentiel de nos annonces dans leurs résultats. Sur certaines requêtes 90 % de leurs réponses provient de SeLoger ! Leur argument est de dire qu'ils font la même chose avec nous que Google le fait avec tous les sites. Sauf que si l'on demande à Google de ne pas indexer nos pages, il le fait. Eux non. Nous avons pris du temps pour réfléchir à l'attitude à adopter, et même si leur audience est ridicule, nous avons décidé de les poursuivre pour le principe en leur réclamant 300.000 euros chacun de dommages et intérêts.

Quels objectifs vous donnez-vous sur 2008 ?

Nous nous engageons sur un objectif de chiffre d'affaires de 73 millions d'euros en 2008 pour une marge d'Ebitda de plus de 53 %. Nous allons chercher à nous développer en acquérant plusieurs sites de niches concurrents. Plusieurs dossiers sont à l'étude. Ce seront des opérations non significatives financièrement, rapidement relutives, mais qui nous permettront de nous renforcer sur des secteurs de niche, comme l'immobilier de luxe, les locations de vacances, etc. Notre vision de croissance est à long terme, au-delà de 2009.

Que pensez-vous du récent appel du pied d'Entreparticuliers.com à PAP évoquant un rapprochement ?

Rien de bien pour PAP. Pour être honnête, nous sommes en procès avec Entreparticuliers.com. Nous les avons assigné pour nous avoir volé notre base de données de petites annonces d'immobilier neuf. Ce pillage s'est produit en 2006 et nous avons décidé de porter plainte fin 2007. Nous leur réclamons 628.000 euros de dommages et intérêts. J'ai un certain nombre de réserves sur leurs pratiques commerciales…

Quels sont les leviers de croissance de SeLoger ?

D'abord les agences. Nous comptons près de 11.500 clients représentant plus de 15.000 agences. Notre taux de pénétration est de près de 50 %. Avec 12 points de croissance par an, nous visons les 70 % en 2009. RightMove, notre équivalent au Royaume-Uni a un taux de pénétration de 90 %. La capacité de croissance organique de SeLoger reste donc importante, d'autant que le nombre d'internautes faisant des recherches immobilières sur Internet grimpe de 20 à 25 % par an.

Par ailleurs, nous réfléchissons à augmenter le prix de nos services, mais pas pour cette année. Cette augmentation sera proportionnelle à la croissance de notre audience, afin de la justifier.

Ne craignez-vous pas de souffrir d'une éventuelle crise immobilière ?

Pour le moment, la situation de tension sur l'immobilier nous est favorable, car la priorité pour les agences est de trouver des acheteurs, et non pas uniquement des mandats. Mais si la crise devait être plus profonde, et si la récession arrivait, nous serions effectivement exposés puisque des agences ne manqueraient pas de mettre la clé sous la porte. Pour le moment, la situation est tendue dans l'immobilier en France mais il n'y a pas encore de crise. Certes, sur l'année dernière, la durée de présence d'une annonce moyenne illustrant la fluidité du marché est passée de 75 à 90 jours. Mais ce chiffre est stable depuis le début de l'année. Le dérapage s'est arrêté.

Que pensez-vous de l'arrivée de PriceMinister dans le marché de la petite annonce ?

La stratégie est bonne. Mais autant je trouve cela très pertinent de leur part dans la vente de biens peu coûteux, autant je suis plus sceptique dans l'immobilier. Il ne s'agit pas d'un achat d'impulsion, et qu'il s'agisse de vente ou de location, l'opération est financièrement très engageante. La cross-fertilisation se fait donc moins bien avec ses autres services. Avant lui PagesJaunes a déjà essayé de faire dériver son audience sur son site d'annonces immobilières, mais sans réussite.