Marie Delamarche (Syndicat des Régies Internet) "Les acheteurs de mots-clés n'auront aucun mal à contourner la taxe Marini"

La directrice déléguée du Syndicat des régies Internet proteste contre le projet de taxe sur l'e-pub voté par le Sénat, qui pénalisera l'ensemble des acteurs de l'économie numérique.

JDN. L'amendement du sénateur Philippe Marini instaurant une taxe de 1 % sur la publicité en ligne vient d'être adopté au Sénat. Quels acteurs seront affectés par cette taxe ?

Marie Delamarche. A priori tous les acteurs de l'économie numérique vont être touchés. Le problème de ce texte qui a été adopté trop vite et sans consultation du secteur est que son champ d'application n'est pas clairement défini. Au départ l'idée du texte était de taxer les majors américains du Net à l'instar de Google. Cet amendement a été généralisé à l'ensemble des entreprises qui achètent des espaces publicitaires. Une multitude de PME dont le modèle économique est encore fragile, dans une industrie qui a encore besoin de soutien, vont souffrir de cette loi bien davantage que les grands groupes qui peuvent par ailleurs facilement éviter cet impôt en exportant leurs activités à l'étranger. 

Quelles sont les conséquences attendues pour les éditeurs ?

Ils font partie des dommages collatéraux. Ce sont eux qui porteront les coûts de cette nouvelle taxe à terme car les annonceurs vont immédiatement répercuter cet impôt en négociant une baisse des tarifs. C'est vrai pour tous les types de support, le display, les liens sponsorisés et l'affiliation. Je pense que le display sera le plus affecté. La publicité sur les moteurs de recherche, outre le fait qu'elle est devenue indispensable pour un certain nombre d'acteurs, a davantage de souplesse. Prenons l'exemple de Google : les petits acheteurs de mots-clés n'auront aucune difficulté à contourner la loi en passant par l'étranger.

Les annonceurs vont-ils choisir de se délocaliser ?

Oui, c'est un point qui n'a pas bien été évalué par ceux qui ont écrit puis voté ce texte. Il est extrêmement facile pour des groupes d'une taille importante de sortir leurs services de facturation de France. Pour d'autres il pourra s'agir de se délocaliser. Le sénateur Philippe Marini a soutenu ce projet pour défendre l'égalité des médias. Une fois encore, l'exception française va porter préjudice à sa compétitivité. A ma connaissance, il n'y a pas de loi similaire en Europe.

Philippe Marini évoque une recette possible de 10 à 20 millions d'euros dès 2011. Cela vous semble-t-il cohérent ?

C'est une estimation approximative d'une part parce qu'elle est fondée sur les chiffres prévisionnels de notre Observatoire de la publicité en ligne qui comprennent une marge d'erreur, et parce que Google ne fournit pas ses chiffres en France. Mais encore une fois cette loi est un mauvais calcul pour un secteur en recherche d'équilibre et qui est aussi une source de croissance pour l'économie.

Marie Delamarche, diplômée de Reims Management School, titulaire d'un DESS Marketing à l'université de Dauphine, est Directrice déléguée du Syndicat des Régies Internet (SRI) depuis début 2009. Auparavant, elle a été en charge de la communication de la régie publicitaire d'AOL, puis du développement de la filiale Reflex Publix aux Etats-Unis.