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21/12/2006

Comment la France tente de sauver sa filière papier

L'industrie papetière française souffre de la hausse du prix de l'électricité. Entreprises et pouvoirs publics s'organisent pour éviter les fermetures.

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L'industrie du papier va mal. Cinquième producteur mondial de pates à papier, la France a longtemps profité d'un avantage concurrentiel sur les autres grands pays producteur : le prix de l'électricité. Régulé jusqu'en 2000 pour les gros mangeurs d'énergie, le marché est depuis ouvert à la concurrence. Une concurrence qui n'a pas du tout eu l'effet escompté pour les industriels du secteur. Bien au contraire.

Loin d'avoir baissé, les prix ont flambé. Selon Jean-Paul Franiatte, le délégué général de la Copacel, (Confédération française des fabricants de papier), "le coût de l'électricité a doublé depuis 2001". Or, les machines utilisées pour la fabrication de toutes sortes de papier sont connues pour leur voracité énergétique.La production papetière passe donc par des consommations énergétiques de première importance : 7% du prix de revient en 2004, 10% en 2005 et sans doute près de 14% en 2006 d'après Léonce Deprez, député UMP du Pas de Calais, ex-imprimeur et auteur d'un rapport d'information sur le sujet.

"Mais si seulement il n'y avait que l'électricité" déplore-t-il." Le pétrole joue également pour beaucoup dans le prix de revient du papier. Avec les transports (6% du prix de revient, + 15% depuis 2000) et les produits chimiques, dont le pétrole entre dans la composition (7% du prix de revient, + 25% depuis 2000), la filière accuse le coup. La rentabilité moyenne de l'industrie papetière est passé de 8 à 3,5% en cinq ans.


La menace asiatique

L'électricité représente désormais 14 % du prix de revient de la fabrication du papier.
Photo © Emin Leydier

En surcapacité mondiale, la production de papier n'est pas un secteur où les industriels peuvent répercuter la hausse des coûts de production sur les prix. Et la faible progression de la demande européenne ne fait qu'accentuer les difficultés : "c'est un phénomène de ciseau" déplore Jean-Paul Franiatte.

Une conjoncture qui tombe au plus mal alors que l'industrie du papier doit faire face à la forte montée en puissance de l'Asie. Là bas, la consommation connaît une croissance bien plus forte qu'en Europe. Du coup, depuis dix ans, la mise en route de nouvelles machines à papier se concentre sur l'Asie.

En France, leur nombre est passé de 339 en 1980 à 204 en 2005. La production a certes considérablement augmenté sur cette période (10,3 millions de tonnes en 2005 par an contre 6,1 millions de tonnes par an en 1980) mais l'industrie papetière française s'est séparée d'un tiers de ses effectifs en 25 ans (21.300 emplois en 2005).

Cette année, Stora, un géant du papier du Nord, a arrêté trois de ses cinq machines dans le département. Les petites entreprises non mondialisées en font les frais. "20 sites sur 130 ont fermé au cours des deux dernières années", insiste Jean-Paul Franiatte. Seule satisfaction des industriels. La productivité apparente, elle, a été multipliée par trois en 25 ans : 167 tonnes à 512 tonnes par personne et par an.

Un facteur conjoncturel s'ajoute aux difficultés de l'industrie papetière. La parité entre l'euro et le dollar. Elle augmente mécaniquement la compétitivité de la concurrence mondiale et profite surtout à l'Amérique du Nord et à l'Asie, qui ont des coûts de production bien inférieurs à ceux observés en France.

Plus inquiétant, selon les industriels, la part étrangère de l'actionnariat dans les entreprises françaises de papier . En 1970, il était à 95% français, estime Léonce Deprez. Aujourd'hui, il est à plus de 60% étranger. Une situation qui fait craindre aux papetiers françaisdes suppressions d'emplois et des délocalisations violentes. "L'attractivité du sol français n'est plus suffisante pour motiver les investisseurs étrangers qui préfèrent s'établir dans d'autres pays", s'inquiète Jean-Paul Franiatte.


La rentabilité de l'industrie papetière est passée de 8 à 3,5 % en cinq ans. Photo ©

Du coup les industriels colmatent les brèches comme ils peuvent. Les dépenses de recherche en font les frais : - 20% entre 2000 et 2004 d'après le rapport de Léonce Deprez. Seul le papier hygiénique, dont la France est exportatrice nette, est épargné. "Il va falloir jouer le maintien de créneau", prêche le député. "Les spécialités restent des marchés de niche", tempère de son côté Jean-Paul Franiatte.

Après un intense lobbying, les pouvoirs publics commencent à prendre la mesure des problèmes causés par le prix de l'énergie. Pour l'instant, la réponse passe par la mise en place d'un consortium d'industriels dit "électro-intensifs", baptisé Exeltium, qui réunit sept entreprises : Arkema (filiale chimie de Total), Air Liquide, Alcan, Arcelor, Rhodia, Solvay et UPM (papetier finlandais).

Si les prix de l'électricité sont supérieurs à ceux observés aux Etats-Unis et en Asie, pourquoi ne pas acheter en gros se disent-ils. Ensemble, ils vont tenter de bénéficier de tarifs stables fondés sur les coûts de production et non pas sur des prix de marchés volatiles.

Mais pour cela, il a fallu que les députés adoptent un amendement à la loi de finances rectificative de 2005. Seules les entreprises qui dépensent au moins 2,5 KWh par euro de valeur ajoutée sont concernées. Les membres du consortium peuvent acquérir des droits de tirage d'une durée de 15 ans et les producteurs se sont engagés à proposer à leurs clients des offres commerciales qui soient non indexées à la hausse sur le prix du marché, tout en les faisant en revanche bénéficier des baisses.

"34 entreprises papetières se sont portées candidate pour intégrer le consortium", confie Jean-Paul Franiatte qui aspire à des prix moins élevés. En Finlande, 5e papetier mondial, les sociétés électro-intensives sont actionnaires de la filiale du second producteur d'électricité du pays. La sonnette d'alarme des papetiers français a en tout cas été entendue par les députés. Ils ont glissé pendant la discussion de la loi sur l'énergie (portant notamment sur la privatisation de GDF) le 19 septembre dernier un amendement tendant à autoriser les entreprises qui l'avaient quitté à revenir dans le secteur régulé.



Le papier en France

9e producteur mondial, 4e européen, l'industrie papetière française a fabriqué en 2005 10,3 millions de tonnes de papier carton. L'Hexagone est loin derrière les Etats-Unis (80 millions de tonnes) et la Chine (42 millions de tonnes).
Notre consommation s'élève à 11,1 millions de tonnes. Nous en exportons 5,7 millions, pour en importer 6,6 millions. Notre pays est le 19e pays consommateur mondial. Rapporté à la population, notre consommation de papier représente 180 kilos par an et par habitant. La moyenne mondiale est de 53 kilos.

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