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ENQUETE
 
22/02/2007

Perrier : un village à l'assaut de Nestlé Waters

C'est le pot de terre contre le pot de fer. La petite commune de Vergèze affronte le géant Nestlé pour s'assurer que Perrier ne sera jamais produit ailleurs que dans le Gard.

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La marque Perrier appartient depuis 1992 à Neslté Waters. Le groupe veille jalousement à ses droits de propriétaire. Photo © Nestlé Waters
"Cette situation nous place dans l'illégalité, il faut que ça cesse"

Une paisible bourgade de 3.900 habitants contre une multinationale aux 30.000 collaborateurs. Tels sont les chiffres de la bataille qui oppose la commune de Vergèze (Gard) au numéro 1 mondial de l'eau en bouteille Nestlé Waters.

L'objet du conflit : un simple nom, celui du lieu-dit Les Bouillens, d'où jaillit la source Perrier. Le 25 octobre dernier, il est devenu le lieu-dit Source Perrier-Les Bouillens. Cette nouvelle dénomination, fruit d'une délibération municipale, fait s'affronter depuis le groupe suisse et la petite ville du sud devant les tribunaux.

Pour la mairie de Vergèze, située à quelques centaines de mètres de la source, il s'agit de parer à toute tentative de délocalisation de la production de Perrier, propriété depuis 1992 de Nestlé Waters, "en liant le produit à la source de captage", explique le maire sans étiquette René Balana. Le groupe, de son côté, entend défendre ses droits de propriétaire de la marque.

Pour comprendre, il faut remonter au printemps 2004. A l'époque, la société est plongée depuis des semaines dans un conflit social dur, avec un syndicat (la CGT) et des salariés massivement opposés à une restructuration du site qui prévoyait plus de 1.000 départs en préretraites en quelques mois. Excédé, le patron de Nestlé Peter Brabeck-Letmathe lâche alors qu'il n'exclut pas de produire du Perrier autre part dans le monde.

Faux naïf

Si, depuis, le conflit s'est réglé, malgré un climat social toujours tendu, la menace continue de résonner aux oreilles des Perrier. Pour Max Thérond, président de l'Association de défense de la source Perrier, et lui-même mécanicien sur le site de Vergèze, "il s'agit d'une menace qui continue de nous inquiéter, d'autant que Nestlé Waters a adopté à Vergèze une politique de réduction des effectifs constante, en employant de nombreux saisonniers".


La mairie de Vergèze, où a été votée la délibération renommant le lieu-dit Les Bouillens en Source Perrier-Les bouillens. Photo © DR

Depuis sa création en décembre 2005, l'association s'est fixée pour objectifs d'interpeller politiques et personnalités, mais aussi de veiller à la jurisprudence dans le secteur des eaux minérales.


Le 22 décembre, elle a été comblée. Ce jour là, le tribunal administratif de Nîmes, saisi en référé par Nestlé Waters, a autorisé le conseil municipal de Vergèze à conserver le nom de Perrier-Les Bouillens, estimant qu'il n'y avait pas urgence à trancher. Pour cela, il faudra attendre un jugement sur le fond.

Une démarche qui demandera du temps mais à laquelle Nestlé Waters a décidé de s'atteler. "Nous demanderons un jugement sur le fond et nous devrions fait appel de la décision du tribunal administratif", assure le directeur des relations et affaires extérieures du groupe Pierre-Alexandre Teulié.


Pourquoi un tel entêtement : "C'est d'abord une question de principe. Perrier et Source Perrier sont deux marques déposées. Nous n'avons pas envie que quiconque les utilise à part nous. Je ne veux pas faire de procès d'intention au maire de Vergèze, mais de fait, il utilise le nom de notre marque déposée et protégée."

René Balana, maire de Vergèze.
Photo © DR
"Nous ne voulons pas nous approprier le produit économique, mais officialiser l'authenticité de la source"

Des accusations dont René Balana se défend, quitte à jouer les faux naïfs. "Nous ne voulons pas nous approprier le produit économique, mais officialiser l'authenticité de la source. Nous avions effectivement entendu parler de production extérieure, ce qui aurait dévalorisé le vrai Perrier. Nous pensions sincèrement que cela allait dans le sens de Nestlé Waters. En interdisant de produire du Perrier autre part, cela faisait de Nestlé le vrai et unique propriétaire. Tout cela est une histoire de non-dits, une histoire cocasse."

"Cocasse", un adjectif certainement rejeté par Nestlé Waters et son porte-parole. En plus de "l'atteinte aux droits de propriétaire", Pierre-Alexandre Teulié dénonce "une situation qui place le groupe dans l'illégalité. Selon le code de la santé, le nom d'une source doit être "choisi en dehors de toute dénomination géographique". Or, en accolant source Perrier au nom du lieu-dit, le nom de la source se confond avec son emplacement. Ce qui pourrait éventuellement remettre en cause les conditions d'exploitation de la source par Nestlé Waters. Et Pierre-Alexandre Teulié de marteler : "cela nous place dans l'illégalité, il faut que ça cesse".

Bien sûr, la colère du groupe ne fait que renforcer les soupçons des salariés de Perrier sur ses velléités de délocalisation, mais pour Pierre-Alexandre Teulié, "cette possibilité a été évoquée dans un contexte spécifique. Depuis le 2 mars 2005 et l'accord des syndicats pour la réorganisation du travail, nous sommes dans une logique de développement de Perrier. Notre meilleure réponse est d'ailleurs la hausse de 75 % des investissements publicitaires et l'investissement des plusieurs millions d'euros sur le site de Vergèze. Désormais, Perrier ne perdra plus d'argent."

Pas sûr que cela suffise à René Balana, dont "au moins 300 administrés travaillent pour Perrier, sans compter tous les retraités".

 

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