Le business très juteux du sushi à Paris

Le restaurant japonais à Paris est une institution – et un gros business. Avaler un sushi à Paris ou en banlieue participe désormais d’un vaste marché.

La gastronomie nippone s’est imposée dans nos habitudes alimentaires, c’est un fait. Jusqu’à devenir un business juteux duquel tous les acteurs espèrent bien profiter. Comment expliquer le succès phénoménal de la cuisine japonaise en France depuis une vingtaine d’années ? Qu’est-ce qui a poussé les établissements à s’installer en masse à Paris et dans sa banlieue, et comment parviennent-ils à se démarquer les uns des autres ?

Le business du poisson cru

Pour vous, consommateurs, avaler un sushi à Paris est un plaisir. Pour eux, qui les préparent et les vendent, c’est un business. Et un business qui est devenu, au fil du temps, particulièrement juteux. Pas étonnant que tous les acteurs du marché aient eu envie de profiter à plein de cet engouement formidable, depuis quelques années, pour les sushis, makis, sashimis et consorts.

Le poisson cru est un business qui se divise en deux paradigmes : le respect de la simplicité d’une cuisine saine et diététique, d’une part ; la nécessité d’innover pour se distinguer de la concurrence et pour mieux coller aux habitudes alimentaires des Français, ainsi qu’à leurs modes de consommation, d’autre part.

En matière d’innovation, on constate que les restaurants japonais parisiens se sont rapidement adaptés à une demande grandissante de livraisons à domicile. Pour devenir plus séduisants que les concurrents, les établissements ont doucement, mais sûrement, développé leur offre en la matière.

Notons que les commandes de repas japonais et la vente à emporter comptent pour environ 70% de la totalité de la restauration à domicile. On comprend mieux l’engouement des acteurs du marché pour ce type de restauration.

L’innovation se consomme à la maison

Les restaurants japonais, en cela, n’ont fait que suivre une tendance qui bouleverse profondément les modes de consommation de la restauration dans le pays : la possibilité de se faire livrer chez soi (ce qui n’est pas, en soi, une nouveauté), à travers des modèles qui ne cessent d’innover et d’apporter des solutions inédites.

Considérons deux exemples : les sites web et applications pour smartphones mis en place par les chaînes de restauration ; les innovations dans la rapidité des prises de commande.

1. Les sites et applications de livraison à domicile

Les grandes enseignes possèdent toutes, ou presque, leur site web et/ou leur application de livraison à domicile. On distingue deux catégories :

·        Les sites/applications dédiés à un restaurant ou une chaîne, comme :

Ø  MacDo (on ne présente plus la célèbre chaîne de fast foods) ;

Ø  Côtésushi (pour un petit – ou un gros – sushi à Paris et alentours) :

Ø  Pizza Hut (des pizzas livrées rapidement chez soi) ;

                   Ø  Etc.

·        Les sites/applications qui agrègent plusieurs restaurants, voire plusieurs types de restaurations :

Ø  Allô Resto (un choix parmi des milliers de restos) ;

Ø  Repas chez soi (uniquement sur Paris) ;

Ø  Pizza.fr (qui propose aussi des plats chinois et des burgers) ;

                   Ø  Etc.

2. Les innovations dans la prise de commande

En outre, l’innovation tend à simplifier l’étape de la prise de commande pour la rendre instantanée. Un opérateur comme Zelty, qui consiste en une solution de prise de commande interconnectée, fait en sorte que l’application mobile et/ou le site web du restaurateur soit interfacé avec une caisse numérique présente sur un appareil, type smartphone ou tablette.

Ainsi, le restaurateur reçoit la commande en temps réel et n’a même plus besoin de gérer l’ordre de réception, donc de livraison, ni la relation clientèle (offres promotionnelles ou prise en compte de la fidélité du client). Tout se fait via l’application dédiée.

Le boom de la consommation à domicile

Ces solutions répondent à un besoin grandissant. En matière de restauration, l’époque est indéniablement à la livraison à domicile. La crise économique de 2008 et ses conséquences sur les portefeuilles des ménages a contribué à modifier les habitudes des Français. En lieu et place de sortir pour aller manger au restaurant, ils se sont détournés vers la livraison de mets à domicile.

La raison n’est pas seulement économique, même si cette dimension a son importance : la livraison de repas à domicile n’est pas moins chère que la consommation sur place, mais nombreux sont les établissements qui proposent néanmoins des réductions si vous vous rendez vous-mêmes sur les lieux, ou qui récompensent leurs meilleurs clients avec des suppléments – dessert ou boisson offerts.

Non, la question économique ne fait pas tout. Ce changement d’habitude puise également une partie de sa raison d’être dans l’encouragement au système D ou, comme on le dit désormais, au « Do It Yourself », cette tendance à faire soi-même ce qu’auparavant on confiait à des professionnels.

En somme, se faire livrer des sushis à domicile permet d’étoffer un repas préparé à la maison, sans se sentir obligé de consommer (et de payer) un menu complet comme on peut le faire lorsqu’on dîne dans un restaurant. Il n’est pas rare, ainsi, de trouver sur la table du repas une moitié de mets cuisinés par un pro, et une autre moitié préparée avec amour à la maison.

Restauration japonaise : ce qui a changé en quelques années

Il y a seulement 4 ans, des études démontraient que si les restaurants de sushis étaient devenus aussi nombreux en France que les établissements de hamburgers, ils vendaient néanmoins cinq fois moins de produits. Le pays comptait alors 1 580 restaurants de sushis pour un chiffre d’affaires de 865 millions d’euros, contre 1 750 fast foods pour 4,5 milliards d’euros de revenus.

Les spécialistes estimaient alors que le sushi à Paris ou ailleurs en France, trop élitiste, trop cher, trop rebutant pour certains, et trop risqué pour d’autres (c’était avant les scandales sur la sécurité sanitaire chez les vendeurs de kebabs parisiens), ne deviendrait jamais un produit de consommation de masse comme le sont le hamburger ou le sandwich.

La situation était bien différente en 2013, et les oiseaux de mauvaise augure devaient reconnaître leur erreur. Les Français détenaient alors, déjà, le record de la consommation de sushis en Europe. Chaque année, 20 à 25% de restaurants japonais s’ouvriraient en plus par rapport à l’année précédente, et leur nombre total aurait été multiplié par trois en 5 ans.

Les supermarchés n’ont pas échappé à la contagion. Ils écoulaient, en 2011, plus de 70 millions de plateaux de sushis, et la tendance est nettement à la hausse depuis. Ajoutons que le nombre de chaînes de restauration nipponne s’est accru (encore une fois, surtout dans Paris et sa banlieue) et, pour couronner le tout, des chefs japonais sont régulièrement étoilés par le Guide Michelin !

La gastronomie japonaise : un phénomène parisien ?

Le phénomène, il faut le souligner, est essentiellement parisien, même s’il s’est largement développé en province, dans les grandes et moyennes agglomérations. Sur les 1 580 restaurants japonais qui existaient en 2011, 36% se trouvaient à Paris et 66% en Ile-de-France ! La place importante tenue par le restaurant japonais à Paris est donc plus qu’une vague idée : c’est un fait.

Il n’est pas difficile d’en imaginer les raisons : une population asiatique concentrée en région parisienne (notamment dans le 13e arrondissement, à Belleville, et dans des villes de banlieue telles que Lognes ou Torcy, dans l’est parisien) ; un panel déjà important d’établissements chinois, qui se sont simplement transformés ; et une clientèle potentiellement énorme, idéale pour tester des innovations.

Toutefois, chaque rose a ses épines, et le développement exponentiel de la cuisine nippone a ouvert le marché à un grand nombre de profiteurs. Selon certaines sources, à peine 10% des restaurants japonais qui ont élu domicile à Paris seraient effectivement tenus par des Japonais – et encore, ce serait une « estimation optimiste » si l’on en croit Patrick Duval, spécialiste de la nourriture nippone.

Cette tendance à la transformation des établissements de cuisine asiatique en restaurants nippons s’explique par la rentabilité plus grande de ces derniers par rapport à leurs cousins vietnamiens, coréens, thaïlandais et même chinois. Le sushi est devenu un véritable business et ses acteurs se livrent à une guerre sans merci dans la capitale. Pour des raisons évidentes, cette querelle se joue surtout dans les grandes villes.

Ces propriétaires peu scrupuleux estiment en outre que la cuisine japonaise serait plus facile à préparer, dans la mesure où il suffirait de couper du poisson en tranches… Qu’ils aillent expliquer cela aux itamae-san, ces chefs sushis qui ont passé dix ans à apprendre leur métier, et qui on exporté l’art de la préparation du sushi à Paris.

Du sushi à Paris ? Un souci pour les non-avertis !

Il existe, néanmoins, des indices permettant de repérer ces vrais-faux restaurants japonais :

·        Le nom du restaurant : une appellation qui s’appuie sur un nom de ville ou d’île japonaise est souvent un bon indice de tromperie (même si ce n’est pas toujours le cas).

·        Le menu : si des spécialités d’autres pays asiatiques sont proposées aux côtés des sushis, makis et sashimis, vous pouvez être certains que le chef n’est pas nippon. Sans même parler des formules « à volonté ».

·        Le souci du détail : les baguettes constituent également un bon indice. Les Japonais étant très à cheval sur leurs traditions, ils vous proposent le plus souvent des baguettes en bois, et bannissent les ustensiles réutilisables en plastique. Quant à l’ambiance sonore, elle est soit purement japonaise, soit laissée au silence ; entendre une radio française en dégustant un plateau de makis n’est pas une très bonne nouvelle.

·        Le prix : le sushi a beau s’être démocratisé, le bon poisson n’est pas gratuit. Des plats vendus à des tarifs trop bas ne sont pas un gage de qualité.

Un business en net ralentissement, mais…

Ceci explique sans doute cela : la multiplication des faux restaurants japonais à Paris peut être l’une des raisons pour lesquelles une crise semble toucher petit à petit tout le marché français du sushi. Établissements chinois intégrant le business sans en maîtriser les traditions, stands de vente dans les grandes surfaces, baisse de la confiance des consommateurs… N’est-on pas face à un exemple de marché complètement saturé ?

Avec la crise, les détracteurs sont revenus, nous expliquant de nouveau que le sushi ne deviendra jamais un produit de consommation de masse, et que les Français restent rétifs au poisson cru.

Mais la conjoncture nous pousse à penser autrement, car la restauration japonaise dans la capitale a su trouver les biais innovants qui lui permettent de s’imposer, encore et toujours, comme la première cuisine livrée à domicile. Le sushi à Paris continuera sans nul doute de nous mener à la baguette pendant encore bien longtemps.