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19/10/2006

Class actions à la française, pourquoi personne n'en veut

Réclamées en janvier 2005 par Jacques Chirac, les actions de groupes ne sont toujours pas entrées en application, ni même proches d'être votées par le Parlement. Explications

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Les class actions, qu'est-ce que c'est ?

Les class actions, actions de groupe en français, permettent en principe à de nombreux consommateurs d'obtenir réparation d'un même préjudice grâce à une seule procédure, en leur permettant d'agir ensemble en justice. Très utilisées aux Etats-Unis, elles ont été réclamées en France par Jacques Chirac le 4 janvier 2005, lors de ses vœux à la nation.

En quoi devraient consister les class actions à la française ?
Leurs modalités sont inscrites dans le projet de loi en faveur des consommateurs, qui devrait être présenté en Conseil des ministres en novembre. Il prévoit une procédure en deux temps.
Premier temps, une association de consommateurs agréée agit en justice pour que le professionnel incriminé soit déclaré responsable ou non de préjudices causés aux consommateurs. Concrètement, seules l'UFC-Que choisir et la CLCV, à la puissance de frappe suffisante, devraient en user.
Second temps, tout consommateur qui s'estime concerné par ce préjudice adresse au professionnel une demande de dédommagement. Si l'offre qui lui est faite en retour ne lui convient pas, il se tourne alors vers le juge qui devra trancher. Si le professionnel ne fait aucune proposition, ou si son offre s'avère "manifestement insuffisante", le juge pourra également lui infliger une amende "au plus égale à 50% de l'indemnité allouée".

Quels préjudices seront concernés ?
Uniquement les préjudices matériels (à l'exclusion des atteintes à l'intégrité physique) et ceux "ayant pour origine l'inexécution ou la mauvaise exécution par un professionnel de ses obligations contractuelles". Mi-septembre, le ministre de la Justice Pascal Clément a précisé que les "atteintes à l'environnement" et les "dommages liés aux relations salariés-employeurs" ne seraient pas non plus pris en compte. Le montant de la réparation constituera aussi une condition, le Conseil d'Etat devant fixer un seuil maximal. La somme de 2.000 euros semble tenir la corde.


Pourquoi le projet traîne en longueur ?
Pour des raisons différentes, personne ne veut vraiment de cette loi.

Gaëlle Patetta, directrice juridique de l'UFC-Que choisir

Les associations de consommateurs dénoncent un texte qui ne va pas assez loin : "Il ne s'agit tout simplement pas d'une action de groupe", explique Gaëlle Patetta, directrice juridique de l'UFC-Que Choisir. Selon elle, "avec la deuxième partie, on s'arrête au milieu du chemin. Il est illusoire de croire que le consommateur ira seul voir le professionnel ou saisira seul le juge d'exécution." Elle dénonce aussi "le champ d'application trop restrictif" de la loi, qui limite la procédure aux contrats, et "ce seuil financier injustifié et difficile à mettre en œuvre : que ferons nous quand certains consommateurs seront au-dessous du seuil et d'autres au-dessus ?"

Joëlle Simon, directrice
juridique du MEDEF

Le MEDEF, qui a pesé de tout son poids pour limiter la portée du texte, redoute de son côté les dérives. "Le projet de loi répond à nos arguments", avoue Joëlle Simon, directrice juridique du syndicat patronal. "Simplement, c'est le cas avant le débat au Parlement. Par démagogie ou méconnaissance de la procédure et des entreprises, les députés pourraient être tentés de l'aggraver". De plus, pour la juriste, "il est très difficile d'importer une procédure judiciaire. Au bout d'un moment, on constate que cela ne fonctionne pas et on ajoute tout ce qu'on l'on avait évité au début". Le MEDEF craint en particulier la procédure dite d'opt out, qui consiste à intégrer d'office comme plaignant la totalité des consommateurs concernés, même si ceux-ci ne se sont pas clairement manifestés. Conclusion de Joëlle Simon : "Nous ferons notre maximum pour empêcher la loi d'être votée".

Enfin, du côté des parlementaires, même les députés de la majorité ne semblent pas satisfaits. Pour Hervé Mariton, député de la Drôme proche de Dominique de Villepin, "le projet de loi mérite d'être amélioré, notamment dans les dispositions de déclenchement." Et pour Patrick Devedjian, député sarkoziste des Hauts-de-Seine, "le projet ne va pas assez loin".

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