E-Commerce et TVA intracommunautaire : comment ne pas se tromper ?

Etendre à l'international sa boutique en ligne implique de bien appliquer les règles de TVA intracommunautaire particulières à l'e-commerce. La situation diffère selon les pays, le volume de vente et suivant qu'il s'agit de vente de produits et de prestation de services.

L'e-commerce ne connaît pas de frontières. Nombreuses sont les boutiques en ligne qui lors du lancement ne prévoyaient pas de stratégie de développement à l'international, mais qui ont très rapidement observé des ventes provenant de l'étranger. Une croissance à l'international passe d'ailleurs souvent comme une nécessité pour augmenter la rentabilité et assoir le business sur le long terme d'une e-shop qui s'est focalisée sur une niche de marché.L'e-commerce international pose de multiples défis à relever :
  • des défis commerciaux (les habitudes culturelles variant selon le pays et le réflexe d'achat "national" devant être levé par un message marketing adapté),
  • des défis techniques (gestions des langues, adaptation de l'e-marchandising),
  • des défis au niveau du service (multilinguisme du service à la clientèle, logistique)
  • des défis administratifs (législations et taxes nationales, gestion des devises).
Les aspects administratifs ne sont pas les plus agréables à gérer, mais ils sont incontournables. Et dès que l'on envisage l'exportation, vient la problématique de l'application de la TVA, du moins en cas de vente dans un autre état de l'Union Européenne.

Application de la TVA intracommunautaire en cas de vente à distance

Une distinction doit être faite selon le type de clients : des professionnels assujettis à la TVA, ou des particuliers.

1) TVA pour e-commerce à des professionnels.

En BtoB : la facturation s'effectuera HTVA (sauf cas particuliers). Veillez à bien mentionner sur la facture tant le n° de TVA du vendeur que de l’acheteur ET à conserver une preuve de sortie du territoire national des biens vendus (par ex : le CMR émargé à l’arrivée).
Le redevable à la TVA sera l’acheteur qui l’autoliquidera lors de sa déclaration auprès de ses autorités fiscales nationales.
Attention: si le n° de TVA du client est erroné, le vendeur risque de devoir payer en sus la TVA nationale (consultez l'application "vérification du numéro de TVA intracommunautaire - VIES).

2) TVA pour e-commerce à des particuliers

En BtoC, une autre distinction doit être faite: s'agit-il d'une vente de produits (avec livraison du bien jusqu'au client) ou d'une prestation de services ?

Pour de la vente en ligne de produits, on appliquera la TVA du pays du client.  Toutefois, lorsque le volume de vente vers tel pays ne dépasse pas un certain seuil sur base d’une année calendrier (REM : uniquement s’il s’agit de produits non soumis à accises), le vendeur a le choix : soit il applique la TVA de son pays, comme il le fait pour une vente nationale (c'est évidemment plus simple sur le plan administratif), soit il applique la TVA du pays destinataire dès le premier euro vendu (intéressant si le taux de TVA est inférieur dans le pays de destination). La réglementation en matière d'e-commerce de biens physiques est donc différente de celle régissant la vente de biens avec retrait en magasin, où la TVA du pays du magasin s'appliquera quelle que soit la nationalité européenne du client. Le seuil à partir duquel il est obligatoire d’appliquer la TVA du pays destinataire varie dans une fourchette entre 35 000 € et 100 000 € selon les pays (actuellement, il est de 35 000 € pour la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Portugal ; de 70 000 livres pour le Royaume Uni, de 100 000 € pour la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Allemagne). La Commission européenne publie sur son site les seuils fixés chaque année par chaque pays.
Attention, l’e-commerçant est tenu d’appliquer le taux de TVA du pays destinataire dès la première opération où ce seuil est franchi au cours de l’année (ou dès la première vente s’il s’agit de produits soumis à accises). Il est sensé s’être inscrit auprès de l’administration fiscale du pays concerné avant d’appliquer ce taux de TVA et il sera tenu de respecter les obligations de déclaration et de versement fixés par le pays en question.
Il donc conseillé d’anticiper les démarches d’enregistrement
pour éviter d’être en infraction, d’autant que dans certains pays les démarches peuvent dans la pratique prendre plus d'un mois. Les pénalités peuvent atteindre de 5 à 300% de la TVA due et/ou des amendes forfaitaires par facture incorrecte. Aussi, renseignez-vous pour appliquer correctement la réglementation fixée dans chaque pays : modalités et rythmes de dépôt des déclarations périodiques et taux applicables. Ainsi, un même produit ou service peut se voir appliquer le taux réduit dans un pays (voire une exonération) et dans un autre le taux standard (voir ce tableau sur les différents taux appliqués en Europe selon les pays). Vous devrez rentrer des déclarations mensuelles à l’administration fiscale d’un pays, alors que pour un autre les déclarations seront trimestrielles,… D'autres déclarations sont parfois nécessaires (ex: Eco-emballages). De plus les déclarations doivent généralement être complétées dans la langue officielle du pays. Des bureaux se sont spécialisés pour aider les e-commerçants à effectuer ces différentes démarches (ex: RM Boulanger , Accordance, TEVEA,...). Les CCI peuvent également vous aiguiller en la matière.
Pour les prestations de services vendues en ligne, on appliquera la TVA du pays de l'e-commerçant prestataire, du moins jusqu'à la fin 2014. A partir du 1/1/2015, une nouvelle règle s'appliquera dans tous les États membres : la TVA du pays du client, dès la première opération (contrairement à la vente de biens, où cette règle n'est obligatoire que si un seuil de vente est dépassé). Cela impliquera donc que le prestataire s'immatricule auprès des administrations de la TVA de tous les pays où il accepte des ventes, et qu'il effectue les déclarations périodiques requises auprès de ces différents pays. Il est question d'un "mini-guichet unique", via un portail web, pour effectuer ces opérations. Toutefois, au moment de rédaction de cet article, ce système était encore en cours de discussion entre la Commission Européennes et les États membres (plus d'infos).

Un casse-tête administratif, mais parfois une opportunité

Si la commission travaille à harmoniser, ou à tout le moins simplifier la situation, les états restent maîtres en matière de politique fiscale et les habitudes nationales bien établies en matière par exemple de procédures ne sont pas aisées à changer. La gestion de la TVA intracommunautaire reste donc pour l'instant un casse-tête pour les e-commerçants et un obstacle au développement d'activités en ligne vers l'exportation. Cet article simplifie d'ailleurs la réglementation en n'abordant pas les nombreux cas particuliers, comme par exemple la vente dans les DOMTOM. La consultation d'un bureau spécialisé est particulièrement recommandée pour obtenir une information adaptée à votre situation.
 
Ce casse-tête actuel peut néanmoins se présenter parfois comme une opportunité à saisir. Ainsi, un e-commerçant français qui applique les mêmes tarifs pour tous les consommateurs européens, peut augmenter sa marge de 4,3% (différence entre 1,20 et 1,15) lors de chaque commande passée par un luxembourgeois en faisant les démarches d'immatriculation et de déclaration auprès des autorités luxembourgeoises pour appliquer le taux local dès la première vente. Par contre, il n'est pas vraiment intéressant de s'immatriculer par exemple au Danemark (taux unique de 25%), tant que le seuil requis de vente n'est pas encore atteint.

Cette chronique est extraite du livre "e-commerce: les bonnes pratiques pour réussir" (Editions Edipro)