INTERVIEW 
 
Jean-David Chamboredon
Directeur associé
3i France
Jean-David Chamboredon
"Le capital-risque français devrait miser plus gros, sur moins d’entreprises"
La filiale française de 3i, un fonds international d’investissement et de capital-risque qui investit 1,5 milliard d’euros chaque année, est entré début 2005 au capital de Priceminister, marquant l’une des principales levées de fonds du premier trimestre 2005. Jean-David Chamboredon, directeur associé de 3i France, revient sur l’activité du capital-risque IT durant les derniers mois et sur les perspectives de 3i.
(07/04/2005)
 
JDN. L'indicateur JDN/Benchmark Group du capital-risque IT montre que l'activité est restée faible au premier trimestre. L'observez-vous dans vos activités ?
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Jean-David Chamboredon. Cela me paraît cohérent avec la quantité du deal-flow que nous avons eu sur la fin 2004. Il n'y a pas beaucoup de belles opportunités en ce moment. Cela dit, ce n'est pas forcément le reflet d'une tendance forte. Notre deal-flow s'est tout de même nettement amélioré en quantité et en qualité dans les derniers mois.

Vous déclarez manquer d'opportunités d'investissement. A quoi est-ce dû ?
Le marché est effectivement extrêmement pauvre en qualité et en quantité. Une saisonnalité du capital-risque est peut-être en train de se dessiner… En 2004, la pauvreté des nouveaux projets a été masquée par le nombre de refinancements. Peut-être va-t-on voir arriver les nouveaux projets cette année.

Comment expliquez-vous une telle prépondérance des refinancements et le net recul des premiers tours ?
Il est très difficile de savoir si c'est la communauté des capital-risqueurs qui décourage les entrepreneurs ou si c'est l'inverse. J'ai le sentiment que la nouvelle génération d'entreprises, celles qui feront les premiers tours institutionnels en 2005, n'est pas encore arrivée.

A quoi pourrait ressembler cette nouvelle génération ?
Cela pourrait être les semi-conducteurs, par exemple. C'est le moment, pour une entreprise qui prépare un produit nouveau, de laisser passer le ralentissement actuel et d'arriver dans le prochain haut de cycle, dans trois à cinq ans. Dans le secteur du mobile, il y a déjà beaucoup de monde. Pour ce qui est de la téléphonie fixe, le volume d'affaires global est en train de baisser. A moins de trouver une technologie de rupture comme Skype. Dans le software, le modèle de base reste très difficile. Il faut sans doute s'orienter plus services que techno, avec des produits en ASP par exemple, qui peuvent susciter l'appétit des entrepreneurs et des fonds.

Il y a peu de chances que nous financions un projet franco-français."
Quels investissements de capital-risque 3i a-t-il réalisé au premier trimestre, dans le secteur IT ?
Nous avons notamment investi aux Etats-Unis dans Peerflix, une plate-forme peer-to-peer payante d'échange de DVD, et Blue Lithium, un réseau de publicité en ligne. En Grande-Bretagne, nous avons financé Datanomic, qui fournit des solutions de nettoyage de données pour les bases de données.

Et sur l'exercice 2004-2005, sur quels secteurs se sont portés vos investissements ?
Nous avons réalisé très peu de deals dans la communication, un peu dans le logiciel open-source et ASP, et un peu dans l'Internet, qui a représenté trois des 19 nouveaux investissements que nous avons effectué dans le monde en 2004 : un en France, Priceminister (lire l'article du JDN du 1/03/05), et deux aux Etats-Unis.

Allez-vous continuer à investir dans l'Internet ?
Au contraire d'il y a deux ans, si quelqu'un arrive aujourd'hui et qu'il a trouvé le "twist", nous allons le recevoir. Seulement, il faut un modèle suffisamment pur pour permettre une rentabilité suffisante, et il faut voir si l'internationalisation de l'activité est possible. Il y a peu de chances pour que nous financions un projet franco-français, donc peu de chances aussi que nous nous intéressions à un projet en stade précoce.

Les sociétés françaises représentent entre 10 et 15 % des participations de 3i en capital-risque. Comment cette part est-elle susceptible d'évoluer ?
Cela ne m'étonnerait pas que la France représente à l'avenir 15 à 20 % de nos participations. Historiquement, nous sommes très actifs en Grande-Bretagne et en Allemagne. Mais la tendance est à une allocation des ressources qui corresponde à la taille des marchés. La Grande-Bretagne représente par exemple le double de l'activité française. C'est le marché européen le plus dynamique, avec Israël si on inclut ce pays dans l'Europe. Si l'attractivité de la France est moindre, c'est qu'il manque une génération d'entrepreneurs qui a déjà créé une entreprise. La faiblesse de la France, ce n'est pas l'infrastructure, autrement dit la fiscalité et les charges sociales, c'est l'absence d'entrepreneurs.

Hors IPO, les fonds américains sont moins performants que les fonds européens."
Quel est le taux moyen de retour sur investissement pour vos activités de capital-risque ? Est-ce le même partout ?
Le TRR cible, taux de retour ramené à l'année, est fixé à 35 %. Ce qui signifie en gros une multiplication par deux en un peu moins de trois ans. Globalement, les meilleurs fonds de capital-risque américains gagnent bien mieux leur vie que les meilleurs fonds européens. Mais, si l'on soustrait les introductions en bourse sur le Nasdaq et que l'on s'en tient aux cessions industrielles, les fonds américains sont moins performants que les fonds européens.

Quelles sorties avez-vous effectué en 2004 ?
En France, nous n'avons réalisé que des cessions industrielles. En Grande-Bretagne, nous avons mené à bien une très belle introduction en Bourse avec Cambridge Silicon Radio, un spécialiste du Bluetooth. En tout, dans le monde mais essentiellement aux Etats-Unis, nous sommes sortis d'une vingtaine de sociétés du secteur IT.

Les LBO sont en plein boom actuellement. Concernent-ils le secteur IT ?
Nous pourrions être amenés à en faire dans le secteur IT. Ce n'a pas été le cas. Les entreprises candidates au LBO doivent répondre à des critères stricts et avoir un potentiel technologique très fort. Les LBO concernent surtout les secteurs traditionnels, peu cycliques, et qui peuvent beaucoup s'endetter.

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Quelles sont les perspectives du capital-risque pour l'année 2005 ?
Revoir des premiers tours en nombre suffisant serait un très bon signe pour la santé du secteur. L'allocation judicieuse des ressources est un élément clé. Le capital-risque français a trop tendance à saupoudrer les investissements. Cela donne beaucoup d'entreprises qui n'ont pas les moyens de leurs ambitions. Il faudrait que le capital-risque français soit capable de miser plus gros, sur un nombre plus réduit d'entreprises, afin de faire de celles-ci de vraies réussites, et pas seulement des cibles d'acquisitions pour les Américains.
 
 
Propos recueillis par Raphaële KARAYAN, JDN

PARCOURS
 
 
Jean-David Chamboredon est diplômé de l'Ecole Polytechnique.

En 2004, il rejoint 3i en tant que co-Directeur de 3i Technologie en France. Il suit les investissements dans les sociétés de logiciels en France et en Europe. Il a siégé dans une douzaine de conseils de start-up en France, Suède et aux Etats-Unis. Il a notamment réalisé des investissements dans Okyz, Netonomy et Cast Software. Actuellement, il siège au conseil des sociétés Highdeal, Telisma et PriceMinister.

Depuis 2000 il travaille dans l'industrie du capital-risque, chez Europatweb puis chez Viventures.

De 1997 à 2000, il a été en charge du développement du business Internet pour Cap Gemini Telecom & Media Global Market Unit.

   
 
 
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