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Richard Lalande
Président
de
l'Aforst
(Association française des opérateurs
de réseaux et des services de télécommunications) |
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Richard
Lalande
"Nous voulons une séparation des activités de gros et de détail de France Télécom"
Prix du dégroupage, service universel, coût de l'abonnement... Plusieurs dizaines de contentieux opposent aujourd'hui les opérateurs alternatifs, réunis dans l'Aforst, à France Télécom. Le point sur les principales revendications avec le président de l'association.
(05/09/2005) |
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JDN.
Quel message avez-vous transmis au gouvernement lors de
la réunion de consultation sur le haut débit
le 31 août dernier ?
Richard Lalande. L'enjeu de la réunion avec le
gouvernement était la couverture du territoire français
en haut débit. Nous avons fait valoir aux ministres de
l'Industrie et de l'aménagement du territoire,
MM. François Loos et Christian Estrosi, les risques d'une
France de l'Internet à deux vitesses, entre des zones
de concurrence élevée avec une diversité de l'offre importante,
et les zones où un seul opérateur est présent, à savoir
France Télécom. Or seul le dégroupage peur pallier cette
fracture. Là où les opérateurs alternatifs ont eu les
moyens d'investir dans le dégroupage, ils l'ont fait.
Mais ce n'est pas possible sur l'ensemble du territoire
national.
Quels sont selon vous les freins
au déploiement du dégroupage total ?
Le problème porte notamment sur le réseau de collecte
pour dégrouper les répartiteurs de France Télécom
situés dans des zones peu denses. L'accès à ces répartiteurs
n'est pas viable économiquement pour un opérateur alternatif.
Dans ce cas, il existe deux solutions. Soit la collectivité
locale prend en charge la construction d'un réseau de
collecte accessible à tous les opérateurs de façon non
discrimatoire et à des coûts raisonnables, soit les opérateurs
alternatifs obtiennent le droit d'utiliser les infrastructures
passives de France Télécom. Ce qui
n'est pas le cas aujourd'hui. C'est un véritable goulot
d'étranglement économique pour les opérateurs alternatifs.
Il faut savoir que la partie génie civil pour la construction
d'un réseau coûte 100.000 euros le kilomètre. Il est nécessaire
de neutraliser le coût de la distance pour l'accès à ces
répartiteurs. Nous demandons donc au régulateur d'obliger
France Télécom à ouvrir ses infrastructures lorqu'elles
sont les seules à couvrir un territoire
Jugez-vous
satisfaisantes les conditions du dégroupage total
pour les opérateurs alternatifs ?
Non, elles sont encore loin d'être satisfaisantes.
D'un point de vue technique, les processus ont été longs
à se mettre en place, mais la mécanique s'améliore. En
revanche, d'un point de vue économique, nous sommes dans
une situation qui frôle l'absurde. Aujourd'hui, la location
d'une ligne dégroupée est facturée 9,5 euros par mois
par France Télécom, alors que l'abonnement au client est
de 11,7 euros hors taxes. Si l'on ajoute les frais annexes
au dégroupage, la location de cette paire de cuivre revient
plus cher à l'opérateur alternatif que l'abonnement facturé
par France Télécom à ses clients finaux. Et même avec
la baisse annoncée fin août des tarifs annexes du dégroupage,
ce dont nous nous réjouissons par ailleurs, nous sommes
toujours dans une situation économique où le prix de gros
est supérieur au prix de détail.
Quel doit être le prix
du dégroupage total selon vous ?
Concrètement, nous estimons que l'écart entre le dégroupage
total et l'abonnement doit être au moins de 4 euros, pour
créer l'espace économique nécessaire à l'entrée des opérateurs
tiers sur le marché de l'accès et offrir une alternative
concurrentielle, y compris aux clients qui souhaiteraient
avoir une offre de téléphone abonnement inclus autre que
celle de France Télécom.
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La
décision du Conseil d'Etat d'analyser
sur le fond le dossier du dégroupage
d'ici fin 2005 est positive." |
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Ce n'est pas l'avis de l'Autorité
de régulation des communications électroniques
et des postes (Arcep).
Effectivement, à l'issue de l'analyse des marchés
pertinents du haut débit, le régulateur a choisi de repousser
à une date ultérieure la la fixation du tarif du dégroupage
total [lire l'article
du 16/06/05]. L'arcep estime que l'écart entre le
prix du dégroupage et l'abonnement de France Télécom atteindra
mécaniquement, via l'augmentation progressif de cet abonnement,
4 euros d'ici la mi-2007. Pour les opérateurs alternatifs,
il est inconcevable d'attendre encore deux ans avant de
pourvoir investir massivement dans le dégroupage total.
Il est tout aussi inconcevable que le consommateur attende
deux ans pour bénéficier de sa liberté de choix, y compris
sur l'abonnement. Face à cette situation persistante de
ciseaux tarifaires, l'Aforst a déposé fin juillet un recours
en référé et sur le fond devant le Conseil d'Etat.
Quelle est votre réaction
face à sa décision de rejeter le recours
en référé ?
Effectivement, le Conseil d'Etat a jugé fin août que le
dossier ne justifiait pas une décision en référé. En revanche,
il a déclaré que ce dossier devrait être traité sur le
fond d'ici la fin de l'année 2005. C'est un point très
positif pour nous car cela définit un premier délai.
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Aller
vers des conditions économiques qui
permettent aux opérateurs alternatifs
d'être rentables sur le dégroupage
total." |
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Aux vues de la position dominante
de certains opérateurs historiques dans des pays
européens voisins, notamment Telecom Italia ou
Deutsche Telekom, ne trouvez-vous pas la situation de
la concurrence plus favorable en France ?
C'est vrai que la France est très en avance sur l'accès
haut débit simple, grâce notamment à une forte régulation
de l'Arcep sur le dégroupage partiel, ce qui a permis
à la concurrence de se développer. Les opérateurs
alternatifs ne demandent pas autre chose que de conserver
cette avance et de rester pionniers de l'innovation technologique
et commerciale sur le haut débit. Or seule la maitrise
de la ligne de bout en bout via le dégroupage total permet
cette innovation. Nous devons donc absolument trouver
les moyens d'aller vers des conditions économiques qui
permettent aux opérateurs alternatifs d'atteindre un équilibre
financier sur le dégroupage total.
L'Aforst a déposé
fin août un nouveau recours en Conseil d'Etat contre
une décision de l'Arcep fixant le montant du service
universel pour 2002 et 2005. Quelle est votre position
exacte ?
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Le
financement du service universel est une usine
à gaz obsolète." |
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La gestion du financement du service universel est une
véritable usine à gaz obsolète. Le SU, c'est l'ensemble
des missions de service public du téléphone, comme les
cabines ou les numéros d'urgence, confiées à l'opérateur
historique mais subventionnées par tous les opérateurs
au prorata de leur chiffre d'affaires. C'est un véritable
paradoxe : nous devons financer France Télécom pour
qu'il exerce son métier !
Dans notre recours devant le Conseil d'Etat, nous rappelons
notamment qu' "aucun versement n'est dû à l'opérateur
de service universel quand ses coûts nets ne représentent
pas pour lui une charge excessive." Premièrement, la désignation
de France Télécom s'est faite dans des conditions éminemment
contestables, mais ce qui est fait est fait. Par ailleurs,
Le caractère excessif de cette charge pour France Télécom
n'a pas été le moins du monde démontrée par le régulateur.
Nous estimons que le coût du service universel supporté
par France Télécom est mécaniquement intégré dans les
frais d'abonnement. C'est pourquoi nous demandons que
ce mode de financement soit arrêté.
L'Aforst fait état d'une
longue liste de contentieux avec l'opérateur historique.
Ne craignez-vous pas d'être taxé de lobby
anti-France Télécom ?
L'aforst est effectivement un lobby. C'est un statut que
nous revendiquons. Nous intervenons à trois niveaux :
au niveau du régulateur en premier lieu, auprès de l'Arcep ;
au niveau du législateur ensuite, à savoir le ministère
de l'Industrie et occasionnellement, le ministère des
Transports et de l'Aménagement du territoire ou celui
de l'Intérieur ; et enfin au niveau de la Commission
européenne. Ponctuellement, pour les litiges, nous recourrons
directement aux instances juridiques, le Conseil de la Concurrence
et le Conseil d'Etat.
Je regrette effectivement que notre action soit aujourd'hui
essentiellement tournée vers nos relations avec l'opérateur
historique. Mais tant que les conditions d'exercice de
l'activité des opérateurs alternatifs ne seront pas dans
un cadre concurrentiel juste et raisonnable, nous continuerons
à dépenser notre énergie à faire disparaître ces goulots
d'étranglements économiques. Une fois ceux-ci réglés,
nous pourrons concentrer notre action sur les problèmes
plus généraux liés aux communications électroniques, à
savoir les relations entre le consommateur et les opérateurs.
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Séparer
les activités réseau et FAI
de France Télécom." |
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Quels sont les dossiers prioritaires
de l'Aforst pour la rentrée ?
D'ici la fin de l'année 2005, la priorité de l'Aforst
sera de régler le problème du prix du dégroupage total.
Pour 2006, notre principal chantier va être d'obtenir
un processus de séparation fonctionnelle des activités
de gestionnaire de réseau et celles de fournisseur de
services Internet de France Télécom. Rien ne sera moins
facile que de faire accepter cette séparation à France
Télécom, même si c'est dans son intérêt. L'année prochaine
est prévue au niveau européen un état des lieux de la
régulation des marchés des télécommunications. L' occasion,
pour l'Aforst, de soulever cette question de la séparation
des activités de gros et de détail des opérateurs historiques,
en s'appuyant notamment sur l'exemple de British Telecom
au Royaume-Uni [lire l'article
du 27/06/05]. |
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Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN |
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PARCOURS
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Richard Lalande, 55 ans, est président de
l'Aforst (Association française des opérateurs de
réseaux et services de télécommunications) depuis
mai 2004. Il est actuellement directeur général
adjoint de SFR Groupe.
Richard Lalande a débuté sa
carrière chez France Télécom, puis a rejoint
l'administration où il a passé dix
ans à différents postes à la Direction Générale
des Télécommunications, au Secrétariat Général
du Comité Interministériel pour les Affaires Economiques
Européennes (SGCI) et au Ministère de
l'Industrie.
Il 'intègre en 1983 la Compagnie
Générale de Constructions Téléphoniques (CGCT),
rejoint en 1987 la Compagnie Générale
des Eaux (aujourd'hui Vivendi Universal), où
il se consacre à la création de la Société Française
du Radiotéléphone (SFR).
Et aussi Richard Lalande est Ingénieur diplômé
de Polytechnique et de Telecom Paris. Il est également
président du Réseau Santé Social (RSS), de Monaco
Telecom et de l'association SMS+. Il exerce par
ailleurs divers mandats au sein de la CCR (Commission
Consultative des Radiocommunications) et du Comité
de l'Interconnexion.
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