INTERVIEW 
 
Jean-Noël Nouteau
Auteur des Relations Presse,
éditions Demos, 2002
Jean-Noël Nouteau
"Internet contribue à faire baisser l'influence des journalistes auprès du grand public"
Spécialiste des relations presse, auxquelles il a consacré un ouvrage, Jean-Noël Nouteau a été témoin et partie prenante de l'impact d'Internet sur le secteur Il recommande de revoir la segmentation des fonctions et la répartition des efforts au sein des services de communication.
(17/12/2004)
 
JDN. Dans quelle mesure l'arrivée d'Internet a-t-elle changé la pratique des relations presse ?
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Jean-Noël Nouteau. Internet a essentiellement modifié deux choses : les processus de production de l'information et d'accès à l'information. Internet est à la fois un outil de production d'information de masse, d'accès à la masse, et de communication personnelle. Cette particularité signifie que n'importe qui peut faire passer une information, faire courir une rumeur, ou la commenter. Pour les entreprises, Internet est aujourd'hui un tuyau qu'il faut remplir, et qui ne peut transmettre que de l'information de base. Il permet de faire passer un minimum d'informations à un maximum de gens. Mais il faut distinguer les relations presse de masse des relations avec les journalistes, en tant qu'individus qui représentent eux-mêmes d'autres individus.

Que se passe-t-il si une entreprise ne remplit pas ce tuyau ? Ou pas assez vite ?
Si la transparence est un atout pour l'entreprise, alors Internet est indéniablement un atout. Mais la transparence est une illusion un peu tragique. Quelle est son utilité ? Voltaire disait que "le moyen d'ennuyer est de tout vouloir dire". L'entreprise n'est pas faite pour produire de l'information sur son travail, mais pour effectuer ce travail.

Quelles sont les conséquences concrètes de l'apparition du Web sur l'organisation des relations presse ?
La dynamique ne change pas. Internet est une nouveauté technique, pas une évolution technologique. Comme la photocopieuse, la ligne téléphonique privée ou le fax, en leur temps, elle a des conséquences pratiques sur le métier d'attaché de presse : instantanéité, actualisation des fichiers, prise de contact, coûts, etc. C'est aussi un nouveau média, qui implique une nouvelle segmentation des fonctions et une nouvelle répartition des efforts, comme cela s'est produit avec l'arrivée des radios libres, par exemple. Avant les radios libres, chez Larousse, on envoyait 400 à 500 exemplaires du Larousse chaque année au moment de sa sortie. Après, il a fallu doubler le nombre des envois. Or, un même individu ne peut pas doubler ses prestations en un an. D'où la nécessité de mieux cerner l'information que l'on envoie, et de différencier les attachés de presse par média. Le Web vient s'ajouter aux distinctions existant entre presse nationale, régionale, télé, radio, etc.

Internet multiplie à la fois l'information et les questions."
L'accès à l'information et à l'historique des entreprises est aujourd'hui plus aisé pour les journalistes. En quoi Internet a-t-il modifié les rapports entre les journalistes, les attachés de presse et les entreprises ?
Depuis toujours, le journaliste connaît des choses que l'attaché de presse ne connaît pas forcément, et inversement. Les zones d'influence des trois parties, journalistes, attachés de presse et entreprises, existaient déjà avant Internet. Ces zones se recoupent à un moment. Auprès du grand public, Internet a fait baisser l'influence des journalistes. Aujourd'hui, le journaliste va chercher de l'information sur un site, comme le public, finalement. On observe un recul de la confiance envers les journalistes, léger mais constant depuis des années. Le public va chercher l'information ailleurs que dans les journaux, et il met ces deux sources en parallèle. La valeur ajoutée du journaliste va être de pouvoir compléter, contester cette information, en allant la préciser auprès de la source. Le but de l'attaché de presse, c'est que l'information soit publiée, discutée, pas seulement qu'elle soit présente sur un site institutionnel ou dans une boîte e-mail. Internet multiplie à la fois l'information et les questions, c'est donc un avantage pour les deux parties. Et au final, le résultat est qu'il faut moins de temps pour atteindre le particulier.

Est-il plus facile de rentrer en contact direct avec les journalistes ?
L'accès direct aux personnes, c'est un leurre. Connaître le nom et la spécialité d'un journaliste, cela ne suffit pas. Le gaver d'information, cela ne remplace pas un coup de fil. Quel que soit le moyen de communication, on a toujours besoin de s'adapter au destinataire de l'information.

Grâce au Web, il est possible de tracker l'ouverture des communiqués de presse en temps réel. Cela a-t-il un impact sur les relances ?
Le rôle de l'attaché de presse n'est pas seulement de produire une information, mais aussi de relancer et de convaincre. L'attaché de presse n'est pas un facteur.

La production d'information passe davantage par l'écrit."
Selon vous, faut-il différencier les matériels d'information selon le moyen par lequel on les transmet ?
Téléphone, fax et e-mail correspondent chacun à un style. Le contact par e-mail est supérieur en familiarité. Mais quel que soit l'outil de transmission, on a tout intérêt à rédiger un seul communiqué de presse. "Faire de la marquise", c'est-à-dire exprimer la même chose en arrangeant différemment les mots dans la phrase, cela prend du temps. Paradoxalement, la production d'information passe davantage par l'écrit aujourd'hui. Or, les codes de l'écrit se sont parfois perdus. On aurait besoin de revenir aux fondamentaux.

Quelles sont les limites de l'e-mail ?
L'e-mail apporte de l'urgence en plus. Au début du fax, c'était la même chose. On travaillait dans l'immédiateté, pressés par la rapidité de transmission des fax. On en a aussi joué pour créer du teasing permanent. Quant au risque de saturation lié au mail, c'est une réalité.

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Que pensez-vous des sites réservés à la presse, qui ont l'avantage de mettre à disposition quantité de documents écrits et audiovisuels ?
Un portail presse protégé est une bonne chose, car il faut que le journaliste ait le sentiment d'avoir quelque chose à partager avec l'entreprise. Quant aux photothèques et aux médiathèques, elles ont leurs limites. Dans de nombreux secteurs, la connaissance d'un produit passe par sa consommation : la mode, la gastronomie, par exemple. Dans ces cas précis, l'information électronique ne pourra jamais se substituer intégralement à l'information physique. Par ailleurs, Internet permet de montrer les choses, ce qui aboutit paradoxalement à une déperdition d'information. Montrer le produit ne dispense pas d'en préciser les détails invisibles par écrit.
 
 
Propos recueillis par Raphaële KARAYAN, JDN

PARCOURS
 
 
Diplômé de l'École supérieure de journalisme de Paris, Jean-Noël Nouteau intègre la Librairie Larousse en 1964 comme documentaliste. En 1967, il devient attaché de presse puis responsable du service de relations publiques. Il occupe ce poste jusqu'en 1985, date à laquelle il rejoint le groupe France Loisirs à la Direction de l'information et des relations extérieures.

En 1987, il fonde Campagne Première, agence conseil en communication et relations publiques pour le secteur de l'édition. Parallèlement, entre 1993 et 2001, il est l'attaché de presse des Éditions Demos.

Jean-Noël Nouteau a par ailleurs présidé l'association des attachés de presse de l'édition, entre 1979 à 1984, et l'Union nationale des attachés de presse et professionnels de la communication (UNAPC), de 1987 à 1990. Conseiller à la Commission des relations publiques du Syndicat national de l'édition de 1983 à 1987, il a également enseigné à Paris XIII et à l'Asfored.

   
 
 
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