Juriste
en propriété intellectuelle
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Noms
de domaine et marques : ne pas se tromper de cible!
Un
malentendu existe sur l'utilisation de la marque comme
moyen privilégié de protection ou de revendication en
matière de nom de domaine. Comment le lever?
(Mardi
23 octobre 2001) |
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L'analyse du contentieux
- les tribunaux* viennent récemment de rejeter les réclamations
de deux titulaires de marque visant à faire retirer des noms
de domaine à leurs yeux contrefacteurs de leurs droits - et
ce que l'on entend dans les contacts professionnels révèlent
un malentendu sur l'utilisation de la marque comme moyen privilégié
de protection ou de revendication en matière de nom de domaine.
Pour essayer de le lever, on fera plusieurs constatations.
1. Il
est tentant presque naturel - de concevoir que la marque
que l'on possède (où que l'on envisage de déposer) va protéger
le nom de domaine en tant que tel, dans l'absolu en quelque
sorte.
2. Il faut rappeler que la marque est un monopole
sur un nom qui sert au regard du droit - de ralliement et
de garantie d'origine et non un monopole sur une activité ou
un produit de l'entreprise, que seul le brevet peut l'obtenir.
Le signe de la marque ne peut pas être détaché des produits
et services du déposant qu'il désigne.
3. Dans
le même ordre d'idée, lorsqu'elle est déposée en classe 38
«Télécommunications», que les tribunaux considèrent comme
«rattachée à l'Internet», elle ne donne pas une extension
sur le support, le média, pour une catégorie d'activités donnée.
Il faut rendre un véritable service ou offrir un véritable
produit de communication avec des moyens informatiques.
4. De
surcroît, la marque est soumise au principe de spécialité
(ainsi, les stylos Mont-Blanc peuvent coexister avec la crème
dessert du même nom), sauf dans le cas de marques notoires
ou renommées qui seraient, s'il en était autrement, victimes
en permanence d'un parasitisme tout azimut.
5. Hormis
le cas de l'utilisation du même nom pour des produits et des
services identiques (dans ce cas la reconnaissance de la contrefaçon
est quasi-automatique), il faut que le détenteur puisse prouver
un risque de confusion dans l'esprit du public s'il y a seulement''
imitation de la marque ou similitude des produits et services
concernés. Remarquons ici que l'aptitude des noms de domaine
à être découpés par des traits ou des points rend, à la différence
des marques dénominatives, la stricte identité de libellé
exceptionnelle. Avoir à apporter la preuve du risque de confusion
est la situation de droit commun.
6. On
voit facilement que le leitmotiv des constatations précédentes
est l'exploitation commerciale. Deux conclusions en découlent:
- l'examen de la contrefaçon d'un nom de domaine vis à vis
d'une marque se fait au regard de l'activité produits et/ou
services - hébergée par le site, avec à la clé la charge de
la preuve de la confusion, la désignation de la classe 38
n'étant d'aucun secours !
- le nom de domaine doit être exploité et un (ou plusieurs)
nom de domaine enregistré mais non exploité n'est pas attaquable''
sur cette base.
7. Le
droit des marques étant alors inopérant, on doit recourir
alors :
- devant les tribunaux en invoquant les règles de la responsabilité
civile sanctionnant l'abus de droit (ici le droit d'enregistrer
librement des noms de domaine sans aucun contrôle);
- aux pouvoirs donnés aux instances arbitrales en matière
d'usurpation de noms de domaine (cybersquatting), en rappelant
que pour obtenir un retrait ou un transfert, il faut le cumul
de trois conditions : identité ou similarité avec la marque,
absence de droit ou d'intérêt légitime et utilisation de mauvaise
foi (à prouver)
8. Reste
le cas des marques enregistrées dans la classe 38, dont les
détenteurs couvrent véritablement des services et des produits
de communication Internet, diffusion en ligne, accès, hébergement
ou moteur de recherche. A notre avis, même en l'absence d'exploitation
véritable du nom de domaine enregistré considéré contrefaisant,
le risque de confusion étant (quasi) automatique, le titulaire
de la marque aura dans toutes les hypothèses, judiciaire ou
arbitrale, gain de cause pour le faire retirer des registres
du DNS. La protection du nom de domaine par la marque devient
alors, par des moyens propres au droit des marques, un absolu''.
Cayoo contre Yahoo n'a aucune chance. Mais c'est l'exception
qui confirme la règle !
[cretornaz@internautica.tm.fr]
* Jugements
du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 2 avril 2001
(aff. Zebank) et du 28 mai 2001 (aff. Léonardo)
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