JURIDIQUE 
PAR CLAUDE RETORNAZ


Juriste en propriété intellectuelle
Noms de domaine et marques : ne pas se tromper de cible!
Un malentendu existe sur l'utilisation de la marque comme moyen privilégié de protection ou de revendication en matière de nom de domaine. Comment le lever?  (Mardi 23 octobre 2001)
 

L
'analyse du contentieux - les tribunaux* viennent récemment de rejeter les réclamations de deux titulaires de marque visant à faire retirer des noms de domaine à leurs yeux contrefacteurs de leurs droits - et ce que l'on entend dans les contacts professionnels révèlent un malentendu sur l'utilisation de la marque comme moyen privilégié de protection ou de revendication en matière de nom de domaine. Pour essayer de le lever, on fera plusieurs constatations.

1. Il est tentant – presque naturel - de concevoir que la marque que l'on possède (où que l'on envisage de déposer) va protéger le nom de domaine en tant que tel, dans l'absolu en quelque sorte.

2. Il faut rappeler que la marque est un monopole sur un nom qui sert – au regard du droit - de ralliement et de garantie d'origine et non un monopole sur une activité ou un produit de l'entreprise, que seul le brevet peut l'obtenir. Le signe de la marque ne peut pas être détaché des produits et services du déposant qu'il désigne.

3. Dans le même ordre d'idée, lorsqu'elle est déposée en classe 38 «Télécommunications», que les tribunaux considèrent comme «rattachée à l'Internet», elle ne donne pas une extension sur le support, le média, pour une catégorie d'activités donnée. Il faut rendre un véritable service ou offrir un véritable produit de communication avec des moyens informatiques.

4. De surcroît, la marque est soumise au principe de spécialité (ainsi, les stylos Mont-Blanc peuvent coexister avec la crème dessert du même nom), sauf dans le cas de marques notoires ou renommées qui seraient, s'il en était autrement, victimes en permanence d'un parasitisme tout azimut.

5. Hormis le cas de l'utilisation du même nom pour des produits et des services identiques (dans ce cas la reconnaissance de la contrefaçon est quasi-automatique), il faut que le détenteur puisse prouver un risque de confusion dans l'esprit du public s'il y a ‘‘seulement'' imitation de la marque ou similitude des produits et services concernés. Remarquons ici que l'aptitude des noms de domaine à être découpés par des traits ou des points rend, à la différence des marques dénominatives, la stricte identité de libellé exceptionnelle. Avoir à apporter la preuve du risque de confusion est la situation de droit commun.

6. On voit facilement que le leitmotiv des constatations précédentes est l'exploitation commerciale. Deux conclusions en découlent:
- l'examen de la contrefaçon d'un nom de domaine vis à vis d'une marque se fait au regard de l'activité – produits et/ou services - hébergée par le site, avec à la clé la charge de la preuve de la confusion, la désignation de la classe 38 n'étant d'aucun secours !
- le nom de domaine doit être exploité et un (ou plusieurs) nom de domaine enregistré mais non exploité n'est pas ‘‘attaquable'' sur cette base.

7. Le droit des marques étant alors inopérant, on doit recourir alors :
- devant les tribunaux en invoquant les règles de la responsabilité civile sanctionnant l'abus de droit (ici le droit d'enregistrer librement des noms de domaine sans aucun contrôle);
- aux pouvoirs donnés aux instances arbitrales en matière d'usurpation de noms de domaine (cybersquatting), en rappelant que pour obtenir un retrait ou un transfert, il faut le cumul de trois conditions : identité ou similarité avec la marque, absence de droit ou d'intérêt légitime et utilisation de mauvaise foi (à prouver)

8. Reste le cas des marques enregistrées dans la classe 38, dont les détenteurs couvrent véritablement des services et des produits de communication Internet, diffusion en ligne, accès, hébergement ou moteur de recherche. A notre avis, même en l'absence d'exploitation véritable du nom de domaine enregistré considéré contrefaisant, le risque de confusion étant (quasi) automatique, le titulaire de la marque aura dans toutes les hypothèses, judiciaire ou arbitrale, gain de cause pour le faire retirer des registres du DNS. La protection du nom de domaine par la marque devient alors, par des moyens propres au droit des marques, un ‘‘absolu''. Cayoo contre Yahoo n'a aucune chance. Mais c'est l'exception qui confirme la règle !

[cretornaz@internautica.tm.fr]

* Jugements du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 2 avril 2001 (aff. Zebank) et du 28 mai 2001 (aff. Léonardo)

 

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