par Eric Barbry,
Directeur du Département Internet, Alain Bensoussan-Avocats
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La
mesure de performance (03/09/02)
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On
présente parfois l'administration comme une vieille
dame habituée à son confort et critique à l'égard de
tout changement. C'est oublier qu'elle déploie un grand
nombre de services en ligne et qu'elle ne compte pas
s'arrêter en si bon chemin, comme le rappellent les
responsables de la Mission pour l'économie numérique.
Coté marchés publics, l'administration
n'est pas en reste avec, à l'occasion de l'adoption
du nouveau code des marchés publics et l'insertion d'une
section 8 "dématérialisation des procédures" comportant
un article unique n° 56. En forme de préambule, l'article
56 précise que "les échanges d'information intervenant
en application du présent Code peuvent faire l'objet
d'une transmission par voie électronique", puis en quatre
alinéas, il rappelle les principes de base que sont
:
- la possibilité pour les entreprises de recevoir un
certain nombre de documents par voie électronique ;
- la possibilité pour l'administration de recevoir un
certain nombre de documents par voie électronique ;
- la possibilité d'organiser des enchères électroniques
;
- le fait que lorsque
le code des marchés publics fait référence à un "écrit"
il n'est pas fait obstacle à ce qu'ils soient remplacés
par un support ou un échange électronique.
L'article
précise que les trois premiers alinéas font l'objet
d'un décret, considérant a contrario que ce dernier
alinéa sur l'équivalence "écrit" et "écrit électronique"
est simple. Peut-être aurait-il fallu tout de même s'inspirer
ou se référer sur ce point aux dispositions de la loi
du 13 mars 2000, ses décrets et arrêtés notamment en
ce qui concerne la problématique des différents niveaux
de preuve en fonction des technologies déployées et
de la question de la "convention de preuve" que l'on
ne peut que conseiller d'intégrer dans les marchés publics
en standard.
S'agissant des décrets, deux
ont été adoptés depuis : le décret du 18 septembre 2001
pris en application de l'alinéa 3 de l'article 56 du
Code et le décret du 3 mai 2002 pris en application
des alinéas premier et second.
Enchères
électroniques
Le décret du 18 septembre a
vocation à traiter de ce qui est appelé "enchères électroniques"
qui en réalité correspond à ce que l'on désigne sur
Internet par "enchère inversée", le process consistant
à permettre aux candidats, pendant toute la période
fixée par la personne responsable du marché :
- de faire une offre de prix ;
- d'être tenu informé des prix proposés par les autres
;
- et en conséquence de faire varier son prix
à la baisse
s'entend.
En dehors des règles classiques
du Code (forme du marché notamment), la personne publique
est, en vertu de l'article 4 du marché, tenue d'assurer
à cette enchère électronique :
- un caractère "non discriminatoire", c'est-à-dire que
la personne publique doit opter pour des solutions technologiques
qui n'excluraient pas de fait une partie des candidats.
On peut cependant s'interroger pour savoir si l'enchère
électronique elle-même n'est pas déjà une procédure
"discriminante", rien n'étant prévu comme palliatif
à ceux des candidats qui ne seraient pas de internautes
convaincus ;
- un caractère sécurité et la confidentialité à tous
les autres éléments que le prix et notamment aux éléments
propres à permettre l'identification des candidats entre
eux mais aussi aux autres éléments de l'offre. Car,
rappelons-le, même en cas d'enchère électronique la
personne publique peut ajouter d'autres critères à son
appréciation ;
- en cas de "défaillance", la personne publique est
tenue de mettre à la disposition des candidats des moyens
de transmission "susceptibles de se substituer dans
les meilleures conditions de sécurité aux moyens électroniques
initialement prévus". Gageons que sur ce point la personne
publique recevra quelques informations plus précises.
Ces obligations sont autant
de problématiques technico-juridiques qui devront être
prises en compte soit par la DSI de la personne publique
en cause, soit dans le cadre du marché public qu'elle
aura passé avec une société spécialisée aux fins de
développer, gérer ou maintenir la plate-forme technique
d'enchères inversées.
Signature
électronique
Le décret du 3 mai 2002 est
tout aussi intéressant : il précise les règles relatives
à la communication d'un certain nombre de documents
entre les candidats et la personne publique. Il est
même peut-être encore plus intéressant en ce sens qu'il
comporte une échéance qui fera sans nul doute des personnes
publiques les premiers "cobayes" à l'échelle nationale
de l'usage de ce que l'on appelle la "signature électronique".
Car, si la signature effraye
certains, soit pour des raisons techniques, soit pour
des raisons juridiques, il en est qui n'ont pas le droit
d'avoir d'états d'âme dans la mesure où l'article 56
de la loi alinéa 2 précise qu'à compter du 1er janvier
2005, aucun avis de publicité ne pourra comporter une
mention portant interdiction de communiquer des candidatures
ou des offres à la personne publique par voie électronique.
Le décret précise sur ce point
que "les candidatures et les offres transmises par voie
électronique doivent être envoyées dans des conditions
qui permettent d'authentifier la signature du candidat
selon les exigences posées aux articles 1316 à 1316-4
du code civil, autrement dit au nouveau droit de la
preuve. Les solutions utilisées devront également aux
termes du décret comporter un mécanisme d'horodatage
et un mécanisme d'accusé/réception et une solution permettant
de procéder sans équivoque à ce que le texte appelle
"élimination des fichiers", c'est-à-dire des offres
d'un candidat non retenu.
Comme pour ce qui concerne
les enchères électroniques, c'est à la personne publique
d'assurer :
- l'utilisation de technique non discriminatoire ;
- la sécurité et la confidentialité des transactions
;
En d'autres termes, toutes
les personnes publiques soumises au code des marchés
publics, de la plus petite à la plus grande devront
à compter du 1er janvier 2005 intégrer dans leur procédure
de passation de marchés publics tous les pré-requis
techniques détaillés dans le décret.
On ne peut que saluer ces différents
textes, même s'il faudra à la personne publique déployer
des trésors d'ingéniosité technique mais aussi juridique
pour éviter de voir sa responsabilité engagée dans le
cadre du déploiement de telle procédure. Car nombreux
sont les écueils notamment quand il s'agira pour elle
de démontrer qu'elle a déployé tous les efforts
nécessaires pour satisfaire aux contraintes techniques
(sécurité, confidentialité, datation, etc.) mais qu'elle
ne saurait être responsable de toutes les défaillances
ou atteintes aux systèmes.
Enfin, côté candidats,
"gare aux virus", puisque le texte dans son article
10 précise que la personne publique peut archiver un
document reçu dans lequel a été détecté un virus sans
lecture sous seule réserve d'en aviser le candidat.
On notera enfin que l'article
2 du décret est lui consacré à la possibilité pour le
candidat de consulter les informations de manière électronique.
Sur ce point encore le décret décrit les éléments techniques
et juridiques de nature à satisfaire aux obligations
légales d'un marché public licite. A ce titre la personne
publique devra dans les cas d'ouverture prévus dans
le décret :
- proposer une solution permettant aux personnes intéressées
de consulter et d'archiver sur leur ordinateur les éléments
(règlement, cahier des charges, documents et renseignement
complémentaires
);
- proposer une solution technique de téléchargement
permettant l'identification du destinataire (le candidat)
ainsi qu'une solution d'accusé-réception.
Il conviendra par ailleurs
aux personnes publiques de se doter des matériels adaptés
dans la mesure où le candidat peut demander que lui
soit adressé par voie postale le dossier sur support
papier ou
sur "support électronique". Gageons sur ce
point que l'Etat ait pris en compte l'impact budgétaire
notamment sur les petites communes de ces investissements.
En
résumé
- lorsque le code des marchés
publics parle d'un "écrit", il peut s'agir d'un "écrit
électronique" ;
- lorsque la personne publique décide de mettre en uvre
une enchère électronique, elle doit veiller à mettre
en uvre une solution sécurisée et préciser les modalités
de mise en uvre de la solution ;
- au 1er janvier 2005, toutes les personnes susceptibles
de passer des marchés publics devront accepter de recevoir
des candidatures et offres électroniques conformes aux
impératifs techno-juridiques relatifs à l'écrit et à
la signature électronique.
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