Juridique
Les marchés publics à l'heure de la transmission électronique
 (Mardi 5 novembre 2002)
         

par Eric Barbry,
Directeur du Département Internet, Alain Bensoussan-Avocats
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La mesure de performance (03/09/02)

On présente parfois l'administration comme une vieille dame habituée à son confort et critique à l'égard de tout changement. C'est oublier qu'elle déploie un grand nombre de services en ligne et qu'elle ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, comme le rappellent les responsables de la Mission pour l'économie numérique.

Coté marchés publics, l'administration n'est pas en reste avec, à l'occasion de l'adoption du nouveau code des marchés publics et l'insertion d'une section 8 "dématérialisation des procédures" comportant un article unique n° 56. En forme de préambule, l'article 56 précise que "les échanges d'information intervenant en application du présent Code peuvent faire l'objet d'une transmission par voie électronique", puis en quatre alinéas, il rappelle les principes de base que sont :
- la possibilité pour les entreprises de recevoir un certain nombre de documents par voie électronique ;
- la possibilité pour l'administration de recevoir un certain nombre de documents par voie électronique ;
- la possibilité d'organiser des enchères électroniques ;
- le fait que lorsque le code des marchés publics fait référence à un "écrit" il n'est pas fait obstacle à ce qu'ils soient remplacés par un support ou un échange électronique.

L'article précise que les trois premiers alinéas font l'objet d'un décret, considérant a contrario que ce dernier alinéa sur l'équivalence "écrit" et "écrit électronique" est simple. Peut-être aurait-il fallu tout de même s'inspirer ou se référer sur ce point aux dispositions de la loi du 13 mars 2000, ses décrets et arrêtés notamment en ce qui concerne la problématique des différents niveaux de preuve en fonction des technologies déployées et de la question de la "convention de preuve" que l'on ne peut que conseiller d'intégrer dans les marchés publics en standard.

S'agissant des décrets, deux ont été adoptés depuis : le décret du 18 septembre 2001 pris en application de l'alinéa 3 de l'article 56 du Code et le décret du 3 mai 2002 pris en application des alinéas premier et second.

Enchères électroniques
Le décret du 18 septembre a vocation à traiter de ce qui est appelé "enchères électroniques" qui en réalité correspond à ce que l'on désigne sur Internet par "enchère inversée", le process consistant à permettre aux candidats, pendant toute la période fixée par la personne responsable du marché :
- de faire une offre de prix ;
- d'être tenu informé des prix proposés par les autres ;
- et en conséquence de faire varier son prix… à la baisse s'entend.

En dehors des règles classiques du Code (forme du marché notamment), la personne publique est, en vertu de l'article 4 du marché, tenue d'assurer à cette enchère électronique :
- un caractère "non discriminatoire", c'est-à-dire que la personne publique doit opter pour des solutions technologiques qui n'excluraient pas de fait une partie des candidats. On peut cependant s'interroger pour savoir si l'enchère électronique elle-même n'est pas déjà une procédure "discriminante", rien n'étant prévu comme palliatif à ceux des candidats qui ne seraient pas de internautes convaincus ;
- un caractère sécurité et la confidentialité à tous les autres éléments que le prix et notamment aux éléments propres à permettre l'identification des candidats entre eux mais aussi aux autres éléments de l'offre. Car, rappelons-le, même en cas d'enchère électronique la personne publique peut ajouter d'autres critères à son appréciation ;
- en cas de "défaillance", la personne publique est tenue de mettre à la disposition des candidats des moyens de transmission "susceptibles de se substituer dans les meilleures conditions de sécurité aux moyens électroniques initialement prévus". Gageons que sur ce point la personne publique recevra quelques informations plus précises.

Ces obligations sont autant de problématiques technico-juridiques qui devront être prises en compte soit par la DSI de la personne publique en cause, soit dans le cadre du marché public qu'elle aura passé avec une société spécialisée aux fins de développer, gérer ou maintenir la plate-forme technique d'enchères inversées.

Signature électronique
Le décret du 3 mai 2002 est tout aussi intéressant : il précise les règles relatives à la communication d'un certain nombre de documents entre les candidats et la personne publique. Il est même peut-être encore plus intéressant en ce sens qu'il comporte une échéance qui fera sans nul doute des personnes publiques les premiers "cobayes" à l'échelle nationale de l'usage de ce que l'on appelle la "signature électronique".

Car, si la signature effraye certains, soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons juridiques, il en est qui n'ont pas le droit d'avoir d'états d'âme dans la mesure où l'article 56 de la loi alinéa 2 précise qu'à compter du 1er janvier 2005, aucun avis de publicité ne pourra comporter une mention portant interdiction de communiquer des candidatures ou des offres à la personne publique par voie électronique.

Le décret précise sur ce point que "les candidatures et les offres transmises par voie électronique doivent être envoyées dans des conditions qui permettent d'authentifier la signature du candidat selon les exigences posées aux articles 1316 à 1316-4 du code civil, autrement dit au nouveau droit de la preuve. Les solutions utilisées devront également aux termes du décret comporter un mécanisme d'horodatage et un mécanisme d'accusé/réception et une solution permettant de procéder sans équivoque à ce que le texte appelle "élimination des fichiers", c'est-à-dire des offres d'un candidat non retenu.

Comme pour ce qui concerne les enchères électroniques, c'est à la personne publique d'assurer :
- l'utilisation de technique non discriminatoire ;
- la sécurité et la confidentialité des transactions ;

En d'autres termes, toutes les personnes publiques soumises au code des marchés publics, de la plus petite à la plus grande devront à compter du 1er janvier 2005 intégrer dans leur procédure de passation de marchés publics tous les pré-requis techniques détaillés dans le décret.

On ne peut que saluer ces différents textes, même s'il faudra à la personne publique déployer des trésors d'ingéniosité technique mais aussi juridique pour éviter de voir sa responsabilité engagée dans le cadre du déploiement de telle procédure. Car nombreux sont les écueils notamment quand il s'agira pour elle de démontrer qu'elle a déployé tous les efforts nécessaires pour satisfaire aux contraintes techniques (sécurité, confidentialité, datation, etc.) mais qu'elle ne saurait être responsable de toutes les défaillances ou atteintes aux systèmes.

Enfin, côté candidats, "gare aux virus", puisque le texte dans son article 10 précise que la personne publique peut archiver un document reçu dans lequel a été détecté un virus sans lecture sous seule réserve d'en aviser le candidat.

On notera enfin que l'article 2 du décret est lui consacré à la possibilité pour le candidat de consulter les informations de manière électronique. Sur ce point encore le décret décrit les éléments techniques et juridiques de nature à satisfaire aux obligations légales d'un marché public licite. A ce titre la personne publique devra dans les cas d'ouverture prévus dans le décret :
- proposer une solution permettant aux personnes intéressées de consulter et d'archiver sur leur ordinateur les éléments (règlement, cahier des charges, documents et renseignement complémentaires…);
- proposer une solution technique de téléchargement permettant l'identification du destinataire (le candidat) ainsi qu'une solution d'accusé-réception.

Il conviendra par ailleurs aux personnes publiques de se doter des matériels adaptés dans la mesure où le candidat peut demander que lui soit adressé par voie postale le dossier sur support papier ou… sur "support électronique". Gageons sur ce point que l'Etat ait pris en compte l'impact budgétaire notamment sur les petites communes de ces investissements.

En résumé
- lorsque le code des marchés publics parle d'un "écrit", il peut s'agir d'un "écrit électronique" ;
- lorsque la personne publique décide de mettre en œuvre une enchère électronique, elle doit veiller à mettre en œuvre une solution sécurisée et préciser les modalités de mise en œuvre de la solution ;
- au 1er janvier 2005, toutes les personnes susceptibles de passer des marchés publics devront accepter de recevoir des candidatures et offres électroniques conformes aux impératifs techno-juridiques relatifs à l'écrit et à la signature électronique.

[eric-barbry@alain-bensoussan.com]
 
 
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