Juridique
Le principe de précaution à l'épreuve du droit des télécommunications
 (Mardi 11 février 2003)
         

par Franklin Brousse,
avocat associé, D&B Legal

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(02/11/02)

Le tribunal administratif de Nice a récemment annulé les arrêtés municipaux de dix-sept villes des Alpes-Maritimes et du Var interdisant l'installation d'antennes relais dans le centre de leur commune autour des crèches, écoles, hôpitaux et maisons de retraites. Les opérateurs SFR, Bouygues et Orange avaient attaqué ces arrêtés en dénonçant une attitude discriminatoire de ces collectivités.

Cette décision a été justifiée par le fait qu'aucune étude scientifique ne peut mettre actuellement en évidence des effets biologiques impliquant un risque sanitaire pour les populations vivant à proximité de ces antennes. Les maires des communes se sont déclarés circonspects devant cette décision qui a rejeté l'application du principe de précaution fondant principalement leurs demandes. Le député-maire de Saint-Raphaël a indiqué qu'il entendait porter le débat à l'Assemblée nationale, "la messe étant peut-être dite sur un plan juridique, mais en aucun cas sur un plan législatif". De leur côté, les opérateurs ont souligné que "rien ne justifiait qu'un maire intervienne sur une réglementation déjà établie "

Le rôle et l'impact des antennes relais
Les antennes relais ou stations de base sont des émetteurs-récepteurs qui assurent le fonctionnement des téléphones mobiles eux-mêmes émetteur-récepteur utilisant les mêmes bandes de fréquences avec une puissance sensiblement plus faible que celle des stations de base. L'énergie radioélectrique reçue des antennes relais, même proches, est considérablement plus faible que celle absorbée lors de l'utilisation d'un mobile du fait de la proximité entre son antenne et la tête de l'utilisateur.

Plus le nombre d'utilisateurs est élevé dans une zone géographique donnée plus le nombre d'antennes relais nécessaire doit être important. Or, l'augmentation quasi-exponentielle des utilisateurs au cours de ces dernières années a entraîné une densification des antennes relais et donc une réduction de la proximité pouvant exister avec les utilisateurs.

Ce que dit la réglementation
La recommandation européenne 1999/519/CE relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (0 Hz à 300 GHz) du 12 juillet 1999 a fixé des valeurs limites d'exposition intégrant une large marge de sécurité. Elle a été transposée en droit français par l'ordonnance n°2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au droit communautaire du code de la propriété intellectuelle et du code des postes et télécommunications.

L'article L 32 12° du code des postes et télécommunications précise que les valeurs "limites" que ne doivent pas dépasser les champs électromagnétiques émis par les équipements et installations radioélectriques sont fixées par décret du 3 mai 2002. Les dispositions de ce décret sont opposables à tous les exploitants et utilisateurs de stations radioélectriques quelles qu'elles soient, qu'il s'agisse d'antennes relais des réseaux indépendants (hot-spots Wi-Fi, taxis, ambulances...) ou ouverts au public, d'antennes de stations radioamateur, ou de stations radioélectriques utilisées pour les besoins de la Défense nationale ou de l'administration (Gendarmerie, Police, Aviation civile, Météorologie nationale), ou d'émetteurs de radio ou télédiffusion.

Outre les valeurs limites de niveaux d'exposition du public, le décret prévoit un principe de présomption de respect de celles-ci, dès lors que ces niveaux sont inférieurs aux niveaux de référence prévus, et un principe de conformité aux valeurs limites lorsque les normes ou spécifications techniques publiées relatives à l'installation et à l'exploitation des équipements sont mises en œuvre par les exploitants des stations.

Le décret du 3 mai 2002 a également introduit une procédure obligeant les exploitants à établir un dossier attestant des limites d'exposition du public notamment par le biais de résultats des mesures effectuées sur place en utilisant un protocole de mesure in situ défini par l'Agence Française Nationale des Fréquences (ANF) qui est opposable à tous.

Lorsque des établissements scolaires, crèches, établissements de soin sont situés dans un rayon de 100 mètres de l'équipement, l'exploitant doit fournir des éléments attestant que le champ émis est aussi faible que possible. Cette dernière disposition a été introduite à titre de précaution suite aux recommandations émises par le rapport du Professeur Zmirou en 2001.

La position de l'ART
Le 20 janvier 2003, l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) a communiqué les résultats d'une étude menée sur la base d'un panorama actualisé de données médicales et scientifiques sur les effets éventuels liés à l'exposition aux champs émis par les antennes et les terminaux de téléphonie mobile.

Les études ont confirmé que "le niveau d'exposition du grand public aux champs émis par les stations de base est faible et en tout état de cause inférieur aux normes en vigueur" et que, pour les expositions à proximité immédiate, "le respect de ces normes appelle le balisage d'un périmètre de sécurité dont l'accès doit être interdit au public". Le résultat de ces études semble ainsi entériner l'orientation prise par le décret du 3 mai 2002 prévoyant des valeurs limites d'exposition du public et un périmètre de sécurité de 100 mètres autour de certaines zones sensibles.

Les pouvoirs de contrôle de l'ANF
L'ANF dispose de pouvoirs de contrôle pour évaluer la conformité des mesures de niveaux d'exposition du public aux champs électromagnétiques effectuées par les exploitants en application du protocole de mesure in situ établi par l'ANF depuis le 28 juin 2001. L'ANF peut ainsi contrôler à tout moment toute installation et se faire communiquer copie des dossiers établis par les exploitants attestant des limites d'exposition du public.

En complément de cette activité de contrôle, l'ANF est chargée d'assurer la procédure dite "COMSIS" impliquant un accord préalable aux implantations et modifications d'antennes relais. Cette mission initialement limitée à l'évaluation de l'optimisation de l'utilisation de sites disponibles en termes de compatibilité électromagnétique, a été complétée par la prise en compte des aspects relatifs à la santé.

Le respect par les opérateurs de réseaux ouverts au public de certaines règles pratiques fixées par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), fait l'objet d'une déclaration volontaire dans le cadre de la procédure d'autorisation par l'Agence des décisions d'implantation, de transfert et de modification des stations radioélectriques. En outre, en application de la réglementation, les opérateurs se sont engagés formellement, pour les antennes relais modifiées ou installées après le 1er janvier 2002, à respecter les normes européennes et à le déclarer auprès de l'ANF lors de la procédure d'autorisation.

Quels recours ?
Les derniers développements de l'actualité ont démontré que l'action judiciaire ou administrative n'était peut être pas, dans certains cas, la meilleure solution immédiate pour contester ou interdire l'implantation ou la présence d'une antenne relais à proximité de zones jugées sensibles. Le rappel des dispositions réglementaires susvisées relatives aux pouvoirs de l'ANF concernant le respect les règles d'implantations des antennes relais, montre qu'il existe des possibilités de recours préalables contre les exploitants malveillants.

Désormais, les règles définies et les méthodes utilisées par l'ANF tiennent compte à la fois des recommandations européennes et des recommandations émises, à titre de précaution supplémentaire, par le rapport Zmirou en 2001 à la demande du secrétaire d'Etat à la Santé. Concrètement, il est possible aujourd'hui d'obtenir des opérateurs la certification que les zones sensibles en cause ne sont pas soumises à des niveaux de champs radioélectriques supérieurs à ceux fixés par la réglementation (décret n° 2002-775 du 3 mai 2002). Des informations sont aujourd'hui disponibles sur les sites Web de certains opérateurs.

Il est également possible de contacter des sociétés spécialisées capables de réaliser des mesures de champ conformément au protocole de mesure élaboré par l'ANF, le respect de ce protocole garantissant l'objectivité des résultats. Le cas échéant, le non-respect des valeurs limites réglementaires pourra alors fonder efficacement une action judiciaire ou administrative contre l'opérateur malveillant. Le droit des télécommunications semble ainsi avoir intégré aujourd'hui le principe de précaution.

Cette prise en compte ne garantit toutefois ni le niveau d'adéquation des précautions prises ni l'efficacité des pouvoirs de contrôle et de sanctions de l'ANF. Le déploiement progressif de nouvelles antennes relais pour l'UMTS et de bornes (hot-sports) pour les réseaux Wi-Fi devrait sans nul doute relancer la polémique sur les valeurs limites de niveaux d'exposition du public et le principe de précaution.

[franklin.brousse@dblegal.net]

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[Rédaction, JDNet]
 
 
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