Le
tribunal administratif de Nice a récemment annulé les
arrêtés municipaux de dix-sept villes des Alpes-Maritimes
et du Var interdisant l'installation d'antennes relais
dans le centre de leur commune autour des crèches, écoles,
hôpitaux et maisons de retraites. Les opérateurs SFR,
Bouygues et Orange avaient attaqué ces arrêtés en dénonçant
une attitude discriminatoire de ces collectivités.
Cette
décision a été justifiée par le fait qu'aucune étude
scientifique ne peut mettre actuellement en évidence
des effets biologiques impliquant un risque sanitaire
pour les populations vivant à proximité de ces antennes.
Les maires des communes se sont déclarés circonspects
devant cette décision qui a rejeté l'application du
principe de précaution fondant principalement leurs
demandes. Le député-maire de Saint-Raphaël a indiqué
qu'il entendait porter le débat à l'Assemblée nationale,
"la messe étant peut-être dite sur un plan juridique,
mais en aucun cas sur un plan législatif". De leur côté,
les opérateurs ont souligné que "rien ne justifiait
qu'un maire intervienne sur une réglementation déjà
établie "
Le rôle
et l'impact des antennes relais
Les antennes relais ou stations de base sont des émetteurs-récepteurs
qui assurent le fonctionnement des téléphones mobiles
eux-mêmes émetteur-récepteur utilisant les mêmes bandes
de fréquences avec une puissance sensiblement plus faible
que celle des stations de base. L'énergie radioélectrique
reçue des antennes relais, même proches, est considérablement
plus faible que celle absorbée lors de l'utilisation
d'un mobile du fait de la proximité entre son antenne
et la tête de l'utilisateur.
Plus le nombre d'utilisateurs
est élevé dans une zone géographique donnée plus le
nombre d'antennes relais nécessaire doit être important.
Or, l'augmentation quasi-exponentielle des utilisateurs
au cours de ces dernières années a entraîné une densification
des antennes relais et donc une réduction de la proximité
pouvant exister avec les utilisateurs.
Ce que
dit la réglementation
La recommandation européenne 1999/519/CE relative à
la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques
(0 Hz à 300 GHz) du 12 juillet 1999 a fixé des valeurs
limites d'exposition intégrant une large marge de sécurité.
Elle a été transposée en droit français par l'ordonnance
n°2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au
droit communautaire du code de la propriété intellectuelle
et du code des postes et télécommunications.
L'article L 32 12° du code
des postes et télécommunications précise que les valeurs
"limites" que ne doivent pas dépasser les champs électromagnétiques
émis par les équipements et installations radioélectriques
sont fixées par décret du 3 mai 2002. Les dispositions
de ce décret sont opposables à tous les exploitants
et utilisateurs de stations radioélectriques quelles
qu'elles soient, qu'il s'agisse d'antennes relais des
réseaux indépendants (hot-spots Wi-Fi, taxis, ambulances...)
ou ouverts au public, d'antennes de stations radioamateur,
ou de stations radioélectriques utilisées pour les besoins
de la Défense nationale ou de l'administration (Gendarmerie,
Police, Aviation civile, Météorologie nationale), ou
d'émetteurs de radio ou télédiffusion.
Outre les valeurs limites de
niveaux d'exposition du public, le décret prévoit un
principe de présomption de respect de celles-ci, dès
lors que ces niveaux sont inférieurs aux niveaux de
référence prévus, et un principe de conformité aux valeurs
limites lorsque les normes ou spécifications techniques
publiées relatives à l'installation et à l'exploitation
des équipements sont mises en uvre par les exploitants
des stations.
Le décret du 3 mai 2002 a également
introduit une procédure obligeant les exploitants à
établir un dossier attestant des limites d'exposition
du public notamment par le biais de résultats des mesures
effectuées sur place en utilisant un protocole de mesure
in situ défini par l'Agence Française Nationale des
Fréquences (ANF) qui est opposable à tous.
Lorsque des établissements
scolaires, crèches, établissements de soin sont situés
dans un rayon de 100 mètres de l'équipement, l'exploitant
doit fournir des éléments attestant que le champ émis
est aussi faible que possible. Cette dernière disposition
a été introduite à titre de précaution suite aux recommandations
émises par le rapport du Professeur Zmirou en 2001.
La position
de l'ART
Le 20 janvier 2003, l'Autorité de Régulation des Télécommunications
(ART) a communiqué les résultats d'une étude menée sur
la base d'un panorama actualisé de données médicales
et scientifiques sur les effets éventuels liés à l'exposition
aux champs émis par les antennes et les terminaux de
téléphonie mobile.
Les études ont confirmé que
"le niveau d'exposition du grand public aux champs émis
par les stations de base est faible et en tout état
de cause inférieur aux normes en vigueur" et que, pour
les expositions à proximité immédiate, "le respect de
ces normes appelle le balisage d'un périmètre de sécurité
dont l'accès doit être interdit au public". Le résultat
de ces études semble ainsi entériner l'orientation prise
par le décret du 3 mai 2002 prévoyant des valeurs limites
d'exposition du public et un périmètre de sécurité de
100 mètres autour de certaines zones sensibles.
Les
pouvoirs de contrôle de l'ANF
L'ANF dispose de pouvoirs de contrôle pour évaluer la
conformité des mesures de niveaux d'exposition du public
aux champs électromagnétiques effectuées par les exploitants
en application du protocole de mesure in situ établi
par l'ANF depuis le 28 juin 2001. L'ANF peut ainsi contrôler
à tout moment toute installation et se faire communiquer
copie des dossiers établis par les exploitants attestant
des limites d'exposition du public.
En complément de cette activité
de contrôle, l'ANF est chargée d'assurer la procédure
dite "COMSIS" impliquant un accord préalable aux implantations
et modifications d'antennes relais. Cette mission initialement
limitée à l'évaluation de l'optimisation de l'utilisation
de sites disponibles en termes de compatibilité électromagnétique,
a été complétée par la prise en compte des aspects relatifs
à la santé.
Le respect par les opérateurs
de réseaux ouverts au public de certaines règles pratiques
fixées par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
(CSTB), fait l'objet d'une déclaration volontaire dans
le cadre de la procédure d'autorisation par l'Agence
des décisions d'implantation, de transfert et de modification
des stations radioélectriques. En outre, en application
de la réglementation, les opérateurs se sont engagés
formellement, pour les antennes relais modifiées ou
installées après le 1er janvier 2002, à respecter les
normes européennes et à le déclarer auprès de l'ANF
lors de la procédure d'autorisation.
Quels
recours ?
Les derniers développements de l'actualité ont démontré
que l'action judiciaire ou administrative n'était peut
être pas, dans certains cas, la meilleure solution immédiate
pour contester ou interdire l'implantation ou la présence
d'une antenne relais à proximité de zones jugées sensibles.
Le rappel des dispositions réglementaires susvisées
relatives aux pouvoirs de l'ANF concernant le respect
les règles d'implantations des antennes relais, montre
qu'il existe des possibilités de recours préalables
contre les exploitants malveillants.
Désormais, les règles définies
et les méthodes utilisées par l'ANF tiennent compte
à la fois des recommandations européennes et des recommandations
émises, à titre de précaution supplémentaire, par le
rapport Zmirou en 2001 à la demande du secrétaire d'Etat
à la Santé. Concrètement, il est possible aujourd'hui
d'obtenir des opérateurs la certification que les zones
sensibles en cause ne sont pas soumises à des niveaux
de champs radioélectriques supérieurs à ceux fixés par
la réglementation (décret n° 2002-775 du 3 mai 2002).
Des informations sont aujourd'hui disponibles sur les
sites Web de certains opérateurs.
Il est également possible de
contacter des sociétés spécialisées capables de réaliser
des mesures de champ conformément au protocole de mesure
élaboré par l'ANF, le respect de ce protocole garantissant
l'objectivité des résultats. Le cas échéant, le non-respect
des valeurs limites réglementaires pourra alors fonder
efficacement une action judiciaire ou administrative
contre l'opérateur malveillant. Le droit des télécommunications
semble ainsi avoir intégré aujourd'hui le principe de
précaution.
Cette prise en compte ne garantit
toutefois ni le niveau d'adéquation des précautions
prises ni l'efficacité des pouvoirs de contrôle et de
sanctions de l'ANF. Le déploiement progressif de nouvelles
antennes relais pour l'UMTS et de bornes (hot-sports)
pour les réseaux Wi-Fi devrait sans nul doute relancer
la polémique sur les valeurs limites de niveaux d'exposition
du public et le principe de précaution.
[franklin.brousse@dblegal.net]
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