Les
données publiques sont les données de toute nature,
sous forme numérique ou non, collectées, produites et
mises à disposition par une personne publique (Etat,
collectivités territoriales, établissements publics)
à des tiers dans le cadre d'une mission de service public.
Le gouvernement s'est inscrit dans une politique de
numérisation croissante de ces données afin de développer
et faciliter leur diffusion. A titre d'exemple, le projet
DCS@net invite les collectivités locales à mettre en
ligne les cartes relatives aux risques naturels dans
un souci de meilleure information des administrés.
Ces
données constituent une richesse pour les entreprises
privées. De nombreux produits multimédia les incorporent,
tout particulièrement dans le marché de la géolocalisation
et de la géomatique (mariage de l'informatique et de
la géographie).
L'exploitation de ces données
publiques n'a pas fait l'objet aujourd'hui d'une réglementation
cadre spécifique. La loi n° 79-18 du 17 juillet 1978
sur l'accès aux documents administratifs dite CADA ne
concerne qu'une catégorie de données, le document administratif,
et en exclut toute possibilité d'exploitation commerciale.
Le projet de loi sur la Société de l'Information du
gouvernement Jospin comportait un volet traitant de
"l'accès aux données publiques" (article 3), mais le
gouvernement actuel n'a pas souhaité inclure de dispositions
sur ce point dans son projet de loi sur la Confiance
dans l'Economie Numérique. A ce jour, le texte principal
en France reste la circulaire du 14 février 1994 relative
à la diffusion des données publiques, quelles qu'elles
soient. Au niveau européen, la Commission a publié le
5 juin 2002 une proposition de directive concernant
"la réutilisation et l'exploitation commerciale des
documents du secteur public".
De ces différents textes se
dégage un principe général de disponibilité des données
publiques et d'accès à celles-ci. Toutefois, leur utilisation
reste subordonnée dans certains cas à l'octroi d'une
licence. Enfin, la personne publique se doit de respecter
les règles de concurrence.
1. La
disponibilité des données publiques
Le principe de disponibilité signifie que les données
de l'Etat doivent être mises à la disposition du public.
Cette mise à disposition reste cependant subordonnée
au caractère diffusable des données. Toute diffusion
nécessite que les données soient fiables, que les droits
de la personne (protection des données personnelles,
respect de la vie privée ou des règles générales protégeant
le secret) ou les droits de propriété intellectuelle
appartenant à tout tiers soient respectés. A défaut,
la personne publique concernée peut engager sa responsabilité.
2. La
nécessité d'une licence
L'existence d'un droit de propriété intellectuelle de
l'Etat (bien que cette question demeure encore controversée
par la doctrine) est évoqué par la loi CADA, ainsi que
par la circulaire de 1994. Le Conseil d'Etat a ainsi
rappelé que "les nécessités du service exigent que l'Administration
soient investie des droits de l'auteur" (Avis du Conseil
d'Etat du 21 novembre 1972). La circulaire de 1994 distingue
les "données brutes" et les "données élaborées" pour
lesquelles "la valeur ajoutée (technique, intellectuelle
et/ou documentaire) par l'administration est susceptible
d'appropriation intellectuelle".
Les "données brutes", sans
valeur ajoutée de la personne publique, sont libres
et susceptibles d'être réutilisées sans aucune autorisation.
Tel n'est pas le cas des "données élaborées" (telles
que celles de l'IGN) donnant lieu à licence. Le contenu
des contrats de licence peut varier selon que la réutilisation
est destinée directement à un utilisateur final (par
exemple un architecte) ou si elle est destinée à une
rediffusion commerciale (par exemple des bases de données
géographiques). Dans ce dernier cas, la circulaire de
1994 précise que l'Administration pourra mettre à la
charge du licencié une autorisation d'extraction et
des conditions d'exploitation conformes à l'intérêt
général. Quant aux redevances de mise à disposition
des données, différentes formules sont possibles : montant
forfaitaire annuel ou pluriannuel, pourcentage en fonction
du droit d'accès de l'utilisateur final à certaines
informations ou pourcentage du chiffre d'affaire global
réalisé par le rediffuseur sur les produits incorporant
les données publiques.
3. Le
respect des règles de concurrence
Les personnes publiques sont soumises aux règles de
l'égale concurrence avec les opérateurs privés lorsqu'elles
interviennent sur le marché et elles ne peuvent abuser
de leur position privilégiée de producteur ou détenteur
des données vis à vis des autres opérateurs.
A ce titre, tout refus de délivrer
des données peut être sanctionné (Cass. Com 6 mai 1996
: refus de France Télécom de communiquer des données
nécessaires à la confection d'annuaire). Toutefois,
ce refus peut être légitime dans deux cas :
- lorsque la diffusion des données est constitutive
d'un service public et que la fourniture des données
menace l'existence même de ce service ;
- lorsque les données sont sensibles et présentent un
impératif de sécurité (Cass. Com 12 décembre 1995 -
Aff. Météo France - Données aéronautiques).
En outre, le prix des données
publiques ne doit pas aller au-delà de la couverture
globale des coûts de mise à disposition des données
et la tarification ne doit pas procurer un avantage
particulier ou un bénéfice à la personne publique.
Une décision récente du Conseil
d'Etat a jugé que les droits de perception "ne peuvent
faire obstacle de par leur caractère excessif, à l'activité
concurrentielle d'autres opérateurs économiques lorsque
ces données constituent pour ces derniers une ressource
essentielle pour élaborer un produit ou assurer une
prestation qui diffère de ceux fournis par l'Etat. Dans
un tel cas, la perception des droits privatifs constitue
un abus de position dominante" (Conseil d'Etat, 29 juillet
2002, Cegedim ). En d'autres termes, cette décision
vient limiter la perception de droits d'auteurs par
l'Etat dans certains cas, même si cette perception est
légitime dans son principe.
Le Forum des droits sur l'Internet
vient d'émettre le 14 avril 2003 une recommandation
sur ce thème. Compte tenu de l'importance stratégique
et économique de ces données publiques, il devient nécessaire
qu'un débat soit lancé en France et en Europe sur les
données publiques.
[Marc.dHaultfoeuille@CliffordChance.com]
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