Juridique
L'exploitation des données publiques
 (Mardi 6 mai 2003)
         

par Marc d'Haultfoeuille,
Avocat associé,
Clifford Chance
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Les données publiques sont les données de toute nature, sous forme numérique ou non, collectées, produites et mises à disposition par une personne publique (Etat, collectivités territoriales, établissements publics) à des tiers dans le cadre d'une mission de service public. Le gouvernement s'est inscrit dans une politique de numérisation croissante de ces données afin de développer et faciliter leur diffusion. A titre d'exemple, le projet DCS@net invite les collectivités locales à mettre en ligne les cartes relatives aux risques naturels dans un souci de meilleure information des administrés.

Ces données constituent une richesse pour les entreprises privées. De nombreux produits multimédia les incorporent, tout particulièrement dans le marché de la géolocalisation et de la géomatique (mariage de l'informatique et de la géographie).

L'exploitation de ces données publiques n'a pas fait l'objet aujourd'hui d'une réglementation cadre spécifique. La loi n° 79-18 du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs dite CADA ne concerne qu'une catégorie de données, le document administratif, et en exclut toute possibilité d'exploitation commerciale. Le projet de loi sur la Société de l'Information du gouvernement Jospin comportait un volet traitant de "l'accès aux données publiques" (article 3), mais le gouvernement actuel n'a pas souhaité inclure de dispositions sur ce point dans son projet de loi sur la Confiance dans l'Economie Numérique. A ce jour, le texte principal en France reste la circulaire du 14 février 1994 relative à la diffusion des données publiques, quelles qu'elles soient. Au niveau européen, la Commission a publié le 5 juin 2002 une proposition de directive concernant "la réutilisation et l'exploitation commerciale des documents du secteur public".

De ces différents textes se dégage un principe général de disponibilité des données publiques et d'accès à celles-ci. Toutefois, leur utilisation reste subordonnée dans certains cas à l'octroi d'une licence. Enfin, la personne publique se doit de respecter les règles de concurrence.

1. La disponibilité des données publiques
Le principe de disponibilité signifie que les données de l'Etat doivent être mises à la disposition du public. Cette mise à disposition reste cependant subordonnée au caractère diffusable des données. Toute diffusion nécessite que les données soient fiables, que les droits de la personne (protection des données personnelles, respect de la vie privée ou des règles générales protégeant le secret) ou les droits de propriété intellectuelle appartenant à tout tiers soient respectés. A défaut, la personne publique concernée peut engager sa responsabilité.

2. La nécessité d'une licence
L'existence d'un droit de propriété intellectuelle de l'Etat (bien que cette question demeure encore controversée par la doctrine) est évoqué par la loi CADA, ainsi que par la circulaire de 1994. Le Conseil d'Etat a ainsi rappelé que "les nécessités du service exigent que l'Administration soient investie des droits de l'auteur" (Avis du Conseil d'Etat du 21 novembre 1972). La circulaire de 1994 distingue les "données brutes" et les "données élaborées" pour lesquelles "la valeur ajoutée (technique, intellectuelle et/ou documentaire) par l'administration est susceptible d'appropriation intellectuelle".

Les "données brutes", sans valeur ajoutée de la personne publique, sont libres et susceptibles d'être réutilisées sans aucune autorisation. Tel n'est pas le cas des "données élaborées" (telles que celles de l'IGN) donnant lieu à licence. Le contenu des contrats de licence peut varier selon que la réutilisation est destinée directement à un utilisateur final (par exemple un architecte) ou si elle est destinée à une rediffusion commerciale (par exemple des bases de données géographiques). Dans ce dernier cas, la circulaire de 1994 précise que l'Administration pourra mettre à la charge du licencié une autorisation d'extraction et des conditions d'exploitation conformes à l'intérêt général. Quant aux redevances de mise à disposition des données, différentes formules sont possibles : montant forfaitaire annuel ou pluriannuel, pourcentage en fonction du droit d'accès de l'utilisateur final à certaines informations ou pourcentage du chiffre d'affaire global réalisé par le rediffuseur sur les produits incorporant les données publiques.

3. Le respect des règles de concurrence
Les personnes publiques sont soumises aux règles de l'égale concurrence avec les opérateurs privés lorsqu'elles interviennent sur le marché et elles ne peuvent abuser de leur position privilégiée de producteur ou détenteur des données vis à vis des autres opérateurs.

A ce titre, tout refus de délivrer des données peut être sanctionné (Cass. Com 6 mai 1996 : refus de France Télécom de communiquer des données nécessaires à la confection d'annuaire). Toutefois, ce refus peut être légitime dans deux cas :
- lorsque la diffusion des données est constitutive d'un service public et que la fourniture des données menace l'existence même de ce service ;
- lorsque les données sont sensibles et présentent un impératif de sécurité (Cass. Com 12 décembre 1995 - Aff. Météo France - Données aéronautiques).

En outre, le prix des données publiques ne doit pas aller au-delà de la couverture globale des coûts de mise à disposition des données et la tarification ne doit pas procurer un avantage particulier ou un bénéfice à la personne publique.

Une décision récente du Conseil d'Etat a jugé que les droits de perception "ne peuvent faire obstacle de par leur caractère excessif, à l'activité concurrentielle d'autres opérateurs économiques lorsque ces données constituent pour ces derniers une ressource essentielle pour élaborer un produit ou assurer une prestation qui diffère de ceux fournis par l'Etat. Dans un tel cas, la perception des droits privatifs constitue un abus de position dominante" (Conseil d'Etat, 29 juillet 2002, Cegedim ). En d'autres termes, cette décision vient limiter la perception de droits d'auteurs par l'Etat dans certains cas, même si cette perception est légitime dans son principe.

En savoir plus

Le Forum des droits sur l'Internet vient d'émettre le 14 avril 2003 une recommandation sur ce thème. Compte tenu de l'importance stratégique et économique de ces données publiques, il devient nécessaire qu'un débat soit lancé en France et en Europe sur les données publiques.

[Marc.dHaultfoeuille@CliffordChance.com]

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[Rédaction, JDNet]
 
 
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