|
par
Thibault Verbiest
Avocat aux Barreaux
de Paris et de Bruxelles,
chargé d'enseignement
à l'Université Paris I (Sorbonne)
Cabinet
Ulys
|
|
La
directive "générale" sur les contrats à distance conclus
avec des consommateurs (qui est transposée en France
depuis août 2001) excluait de son champ d'application
les services financiers et d'assurances. Or, en raison
de leur nature immatérielle, les services financiers
se prêtent particulièrement à la commercialisation à
distance, notamment par la voie électronique (ce qu'on
appelle parfois le courtage en ligne). En effet, une
offre, et même une proposition de contrat, peuvent être
placées sur un site web ou échangées par courrier électronique;
elle peut être signée par signature électronique et
le paiement peut s'opérer par des moyens électroniques.
C'est la raison pour laquelle l'adoption d'une directive
européenne spécifique était nécessaire. Après des années
de tractations, la directive 2002/65 a été adoptée et
devra être transposée par les Etats Membres au plus
tard le 9 octobre 2004.
La
directive s'applique à la "commercialisation à distance"
de services financiers auprès de consommateurs (vente
par téléphone, télécopieur, et réseaux informatiques
tels que l'Internet). Elle devra être combinée à la
directive sur le commerce électronique (en cours de
transposition en France via le projet de loi sur la
confiance dans l'économie numérique), qui n'exclut pas
les services financiers.
Cette
directive est un élément essentiel de la stratégie actuellement
menée par la Commission européenne pour créer un marché
intérieur des services financiers de détail. Elle vise
à créer un environnement réglementaire encourageant
le développement du commerce électronique des services
financiers et à accroître la confiance des consommateurs.
En voici les grandes lignes.
Interdiction
de la vente par inertie
La directive interdit la "vente
par inertie", qui consiste à envoyer à un consommateur
des produits ou services financiers non demandés et
à les lui facturer.
Spam
: choix entre l'opt-in ou l'opt-out
Le démarchage non sollicité
par télécopieur est interdit. Le texte adopté propose
deux formules pour la réglementation que les États membres
doivent appliquer en matière de démarchage non sollicité
par téléphone et d'envoi par courriel de communications
commerciales non sollicitées ("spamming").
Selon la première formule,
le démarchage non sollicité par téléphone et le"spamming"
sont interdits sauf si le consommateur y consent expressément
(système de l'opt-in); la seconde formule ne prévoit
leur interdiction que si le consommateur a fait part
de son opposition en s'inscrivant sur un registre prévu
à cet effet (système de l'opt-out).
Toutefois, le considérant 26
précise que la directive est sans préjudice des garanties
offertes aux consommateurs par la législation communautaire
concernant la protection de la vie privée. Or, la directive
" vie privée et communications électroniques " adoptée
en 2002 consacre désormais l'opt-in comme règle générale.
Le projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique
entend d'ailleurs anticiper la transposition de ce régime
en droit français.
Fourniture
d'informations pré-contractuelles
Les vendeurs de services et
produits financiers seront également obligés de fournir
une information complète aux consommateurs avant qu'un
contrat ne puisse être conclu. Cette information doit
comporter l'identité et les coordonnées du fournisseur,
le prix et les modalités de paiement, les droits et
obligations découlant du contrat ainsi que des informations
sur les performances du service proposé.
Des informations sur la qualité
technique et la nature du service financier doivent
également être fournies conformément aux dispositions
des directives "verticales" sur les services de crédit,
d'assurance et d'investissement ou aux dispositions
nationales pertinentes concernant les services qui ne
font pas encore l'objet d'une réglementation communautaire.
La directive prévoit également une obligation de confirmer
ces informations au consommateur par écrit ou sur un
" support durable (par exemple une disquette ou le disque
dur du consommateur sur lequel un courrier électronique
de confirmation est stocké).
Droit
de renonciation
Le texte conférera aux consommateurs
le droit de résilier un contrat dans les quinze jours
suivant sa signature, délai porté à trente jours dans
le cas de l'assurance vie et des plans de retraite.
Ce droit ne s'appliquera cependant pas aux services
financiers qui peuvent faire l'objet d'une spéculation,
tels que les ventes de devises étrangères et de titres.
Les États membres peuvent également exclure le crédit
hypothécaire ou immobilier de ce droit de résiliation
du contrat.
Utilisation
frauduleuse de cartes de paiement
En cas d'utilisation frauduleuse
de cartes de paiement ou d'autres moyens de paiement
autres qu'en numéraire, les consommateurs pourront annuler
les transactions et auront droit au remboursement de
toute somme facturée. Cette obligation existe déjà en
droit français.
Le
réseau FIN-NET
La directive prévoit la mise
en place de procédures adéquates et efficaces de réclamation
et de recours, en particulier l'instauration de mécanismes
de règlement extrajudiciaire des différends dans chaque
Etat Membre et la coopération entre ces différents organismes.
C'est la raison pour laquelle
la Commission européenne a lancé le 1 février 2001 un
réseau pour la résolution extrajudiciaire des litiges
dans le secteur des services financiers, afin d'aider
les entreprises et les consommateurs du marché intérieur
à résoudre leurs différends de manière rapide et efficace,
en évitant, si possible, une action en justice aussi
longue que coûteuse. Ce réseau, baptisé FIN-NET, vise
notamment à faciliter la résolution extrajudiciaire
des litiges de consommation dans le cas où le prestataire
de services est établi dans un autre État membre que
celui où réside le consommateur. Il regroupe plus de
35 organes nationaux, qui chapeautent spécifiquement
certains services financiers (par exemple, les médiateurs
des secteurs bancaire et assurantiel) ou bien règlent
les litiges de consommation en général (par exemple,
les chambres de recours pour les consommateurs). Tant
les services en ligne que hors ligne sont couverts.
La difficulté d'obtenir une possibilité de recours extrajudiciaire
constitue en effet un obstacle au développement des
prestations transfrontalières, en particulier dans le
secteur des secteurs financiers, où l'essor du commerce
électronique pourrait s'en trouver entravé.
[thibault.verbiest@ulys.net]
Sommaire
de la rubrique
|