Juridique
Télévision par ADSL : convergence technique, divergences juridiques
 (Mardi 9 décembre 2003)
         

par Etienne Papin
Avocat
Cabinet Salans
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Free vient de dévoiler son offre de télévision par ADSL (Lire l'article du JDN du 28/11/03). Premier parmi les candidats déclarés à commercialiser ce type de services, Free inaugure ainsi ce qui était depuis longtemps anticipé mais non encore réellement effectif : la "convergence". Sous ce terme est résumé le fait qu'avec l'évolution des techniques, le type de réseau de télécommunication utilisé (téléphonique, hertzien, câblé) ne conditionne plus le type d'utilisation que l'on peut en faire (voix, données, images, son). A terme, tout type de réseau pourra acheminer tout type de contenu.

La télévision par ADSL est certainement l'exemple le plus frappant de cette convergence : le réseau téléphonique va permettre d'acheminer voix (service téléphonique traditionnel), données (Internet) et contenus audiovisuels (radio et télévision). Mais ce qui est aujourd'hui techniquement effectif est loin d'être juridiquement organisé. Des régimes juridiques spécifiques s'appliquent toujours aux opérateurs selon qu'ils sont des opérateurs de télécommunications, des câblo-opérateurs ou des fournisseurs de bouquets satellites.

Ces différences de statuts doivent disparaître à terme, à la faveur de la transposition en droit français du "paquet télécoms", ensemble de six directives adoptées en 2002 pour remettre à plat le droit des réseaux de télécommunications dans les Etats membres de l'Union européenne. Cependant, alors que les directives auraient dû être transposées avant le 25 juillet 2003, le projet de loi de transposition n'a été déposé à l'Assemblée Nationale que le 31 juillet 2003. Son adoption définitive n'interviendra vraisemblablement pas avant le second semestre 2004.

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En attendant, la situation transitoire dans laquelle nous nous trouvons pose de nombreuses difficultés aux acteurs du secteur confrontés à des différences de statuts juridiques. Aujourd'hui, les câblo-opérateurs font les plus ouvertement entendre leurs craintes face au développement de la télévision par ADSL dans un cadre réglementaire non achevé.

En effet, le régime juridique des câblo-opérateurs remonte à une époque où le câble était conçu comme le seul mode alternatif de diffusion de la télévision, à côté du réseau hertzien. Ceci explique un certain nombre de contraintes dans le statut des câblo-opérateurs.

Ainsi, les câblo-opérateurs sont soumis à un double régime d'autorisation pour l'établissement et pour l'exploitation de leur réseau. D'une part, ce sont les communes qui doivent en premier lieu autoriser l'établissement du réseau sur leur territoire et conclure ensuite une convention avec la société exploitant le réseau câblé. Ensuite, l'exploitation du réseau est autorisée par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel sur proposition des communes (art. 34 de la loi du 30 septembre 1986).

L'activité de distribution de services audiovisuels par câble est également soumise à certaines obligations qui tiennent principalement à la volonté du législateur de garantir le respect du pluralisme. Ainsi, en application de la loi du 30 septembre 1986 qui leur est applicable, les câblo-opérateur sont soumis au contrôle du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) qui a notamment pour mission de vérifier que l'offre de "chaînes" des câblo-opérateurs est conforme à l'intérêt du public au regard notamment de la variété des services proposés, de l'équilibre économique des relations contractuelles avec les éditeurs de services. Il s'agit pour le CSA d'exercer un contrôle "qualitatif" sur la composition du bouquet de chaînes distribuées par le câblo-opérateur (art. 34 de la loi du 30 septembre 1986).

Autre restriction mise à la charge des câblo-opérateurs, la limitation de leur nombre maximum d'abonnés : une même société titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un réseau câblé ne peut pas desservir plus de 8 millions de personnes (art. 41 de la loi du 30 septembre 1986). La suppression de cette contrainte est cependant en cours de discussion au Parlement.

Enfin, ces distributeurs de services audiovisuels assument une obligation dit de "must carry" signifiant qu'ils doivent distribuer sur leur réseau l'ensemble des chaînes hertziennes en clair. Cette mesure, qui a également vocation à s'appliquer à la télévision numérique terrestre (TNT), est perçue par les câblo-opérateurs comme une mesure discriminatoire. Cette obligation de "must carry", qui peut se concevoir lorsque les chaînes hertziennes sont au nombre de six, est nécessairement beaucoup plus contraignante avec la future TNT qui verra le nombre de chaînes disponibles augmenter considérablement (art. 34 de la loi du 30 septembre 1986).

Même si la loi du 30 septembre 1986 ne définit pas ce qu'est la "télévision par câble", il faut reconnaître que les textes qui régissent la distribution de services de télévision par câble n'ont pas été conçus pour s'appliquer aux réseaux de télécommunications, nouvellement appelés à délivrer un contenu audiovisuel.

A ce jour, les opérateurs ADSL qui proposent ou proposeront dans un avenir proche la télévision par ADSL, sur un réseau établi et exploité par eux, appartiennent donc uniquement à la catégorie des opérateurs de télécommunications et relèvent, à ce titre, du Code des postes et télécommunications. En conséquence, aucune des obligations précitées applicables aux câblo-opérateurs n'est applicable aux opérateurs ADSL au titre du Code des postes et télécommunications.

Les propos tenus dernièrement par le président de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) indiquent plutôt la bienveillance du régulateur pour le développement de la télévision par ADSL dans cet environnement réglementaire "allégé". En effet, l'offre de télévision par ADSL est vue comme un moyen de développer la concurrence sur le marché de la téléphonie grand public et de permettre aux opérateurs qui s'engagent dans le dégroupage de la boucle locale de France Telecom d'accélérer leur retour sur investissement.

Par le téléphone, l'hertzien numérique et analogique, le câble et le satellite, les bouquets TV frappent aux portes des particuliers. Dans un secteur où la concurrence se développe, la réglementation doit avoir pour objectif de créer les conditions de cette concurrence, non de la fausser. C'est en ayant ceci à l'esprit que législateur et régulateurs doivent piloter le lancement de la télévision sur ADSL.

[epapin@salans.com]

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[Rédaction, JDNet]
 
 
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