Juridique
Quel cadre juridique pour les cookies?
 (Mardi 13 janvier 2004)
         

par Etienne Wéry,
Avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles,
Cabinet Ulys
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Monnaie électronique : l'événement caché
(10/06/03)

En principe, les états membres de l'Union européenne devaient avoir transposé la directive 2002/58 du 12 juilllet 2002 dite "vie privée et communications électroniques"pour le 31 octobre 2003 au plus tard. En pratique, c'est autre chose… Le rapport intermédiaire d'évaluation rendu public par la Commission le 19 novembre 2003 signale que cinq pays seulement ont adopté en temps et à heure des mesures complètes de transposition. Des lettres de mise en demeure, qui représentent la première étape d'une procédure d'infraction, ont été envoyées en décembre 2003 par l'exécutif européen aux États membres suivants : la Belgique, l'Allemagne, la Grèce, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Finlande et la Suède.

Nous nous pencherons aujourd'hui sur l'une des dispositions de cette directive, relative aux cookies, d'une part parce que leur fréquence sur l'internet le justifie, et d'autre part parce que certains plaident pour un effet direct de cette disposition de la directive face à la carence des Etats.

Le régime applicable aux cookies est un élément du principe général de confidentialité
L'article relatif aux cookies a été exigé par le Parlement européen, qui a réussi à inclure un amendement dans l'article relatif au principe général de confidentialité. Rappelons qu'en vertu de ce principe général, les États membres doivent garantir la confidentialité des communications effectuées au moyen d'un réseau public de communications et de services de communications électroniques accessibles au public, ainsi que la confidentialité des données relatives au trafic y afférentes. En particulier, ils interdisent à toute autre personne que les utilisateurs d'écouter, d'intercepter, de stocker les communications et les données relatives au trafic y afférentes, ou de les soumettre à tout autre moyen d'interception ou de surveillance, sans le consentement des utilisateurs concernés sauf lorsque cette personne y est légalement autorisée. Ce principe n'empêche toutefois pas le stockage technique nécessaire à l'acheminement d'une communication, sans préjudice du principe de confidentialité.

Sous ce principe, le Parlement a fait ajouter que "Les États membres garantissent que l'utilisation des réseaux de communications électroniques en vue de stocker des informations ou d'accéder à des informations stockées dans l'équipement terminal d'un abonné ou d'un utilisateur ne soit permise qu'à condition que l'abonné ou l'utilisateur, soit muni, dans le respect de la directive 95/46/CE, d'une information claire et complète, entre autres sur les finalités du traitement, et que l'abonné ou l'utilisateur ait le droit de refuser un tel traitement par le responsable du traitement des données".

Quels sont les dispositifs visés ?
La règle se veut techniquement neutre : les cookies sont mentionnés, mais seulement à titre d'exemple, au même titre que les logiciels espions, les pixels invisibles (web bugs) et autres identificateurs cachés. Ce sont bel et bien tous les dispositifs en vue de stocker des informations ou d'accéder à des informations stockées dans l'équipement terminal qui sont visés.

Cela étant rappelé, il faut aussi souligner que seuls ces dispositifs sont visés : on l'oublie parfois, mais la directive précise que "cette disposition ne fait pas obstacle à un stockage ou à un accès techniques visant exclusivement à effectuer ou à faciliter la transmission d'une communication par la voie d'un réseau de communications électroniques, ou strictement nécessaires à la fourniture d'un service de la société de l'information expressément demandé par l'abonné ou l'utilisateur". Lorsque le but du dispositif est exclusivement technique, il échappe au régime légal. Bien que la formulation ne soit pas identique, on peut sans difficulté rapprocher cette matière de l'article 12 de la directive sur le commerce électronique qui instaure un régime particulier de responsabilité pour les intermédiaires techniques.

Analyse du régime légal
Deux conditions sont mises à l'utilisation des dispositifs visés : l'information de la personne protégée, et le droit pour celle-ci de s'opposer au traitement.
- L'information doit être "claire et complète", "dans le respect de la directive 95/46/CE". Certains auteurs ont justement fait remarquer que la directive 95/46 protège les personnes physiques alors que le texte de 2002 vise aussi les personnes morales, et qu'il était donc maladroit de risquer cette allusion. La seule certitude est que la nouvelle directive n'étend pas le champ d'application du texte de 1995, comme le confirme expressément le considérant 12 : "Les abonnés à un service de communications électroniques accessible au public peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales. En complétant la directive 95/46/CE, la présente directive vise à protéger les droits fondamentaux des personnes physiques et en particulier le droit au respect de leur vie privée, ainsi que les intérêts légitimes des personnes morales. La présente directive ne comporte aucune obligation pour les États membres d'étendre l'application de la directive 95/46/CE à la protection des intérêts légitimes des personnes morales, qui est garantie dans le cadre de la législation communautaire et nationale en vigueur.

- L'abonné ou l'utilisateur a le droit de refuser le traitement. Il ne faut confondre ce refus avec le droit d'opposition prévu dans la directive 95/46. Le refus se rattache au consentement et apparaît comme une opération ponctuelle (le bénéficiaire est, à un moment donné, face à une alternative : il accepte ou refuse un dispositif) ; l'opposition implique plutôt un droit qui s'inscrit dans la durée (à chaque instant, le bénéficiaire est libre d'exercer son droit pour l'avenir quitte à revenir ainsi sur un consentement passé). La directive parle bien d'un droit de refus, mais il faudra voir dans les législations nationales la formulation retenue. Il est du reste possible que le législateur européen n'ait pas perçu la différence et souhaite, en réalité, renvoyer au droit d'opposition de la directive 95/46."

La directive invite les opérateurs à soigner la présentation des informations. C'est ainsi que le considérant 25 énonce que les méthodes retenues pour communiquer des informations, offrir un droit de refus ou solliciter le consentement devraient être les plus conviviales possibles.

Il reste une dernière question importante : les opérateurs qui le souhaitent peuvent-ils conditionner l'accès à leur service à l'acceptation des dispositifs visés ? En pratique, le cas est fréquent. La réponse nous semble favorable et se base notamment sur le considérant 25 : "L'accès au contenu d'un site spécifique peut être, toutefois, subordonné au fait d'accepter, en pleine connaissance de cause, l'installation d'un témoin de connexion ou d'un dispositif analogue, si celui-ci est utilisé à des fins légitimes".

[etienne.wery@ulys.net]

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[Rédaction, JDNet]
 
 
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