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par
Thibault Verbiest
Avocat aux Barreaux
de Paris et de Bruxelles,
chargé d'enseignement
à l'Université Paris I (Sorbonne)
Cabinet
Ulys
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En avril
1999, suite au premier processus de consultations sur les
noms de domaine de l'Internet, l'OMPI a publié un rapport
intitulé "La gestion des noms et adresses de l'Internet :
Questions de propriété intellectuelle", qui était consacré
aux problèmes posés par le conflit entre les marques et les
noms de domaine. Les recommandations formulées dans le rapport
ont été largement appliquées par l'Internet Corporation for
Assigned Names and Numbers (Icann) et ont abouti à la mise
en uvre d'un système administratif de règlement des litiges
relatifs aux noms de domaine.
Les
litiges sont tranchés conformément aux principes directeurs
du règlement uniforme et du guide d'application, adoptés par
l'Icann respectivement les 26 août 1999 et 24 octobre 1999.
La procédure se déroule intégralement en ligne (y compris
la communication des pièces
). Elle n'empêche toutefois nullement
l'une des parties à la procédure de saisir à tout moment un
juge ou un arbitre compétent.
En
août 2003, le guide d'application a été complété ("UDRP
opinion guide"). En plus de questions de procédure, le
guide se penche sur les noms de célébrités. Il y est constaté
que les célébrités peuvent revendiquer des droits sur leur
nom soit au titre de marque enregistrée, soit au titre de
la protection que leur accorde le droit des marques en "common
law".
Marque enregistrée
ou common law
L'UDRP avance les trois
conditions suivantes pour qu'il soit possible de considérer
qu'un enregistrement d'un nom de domaine est abusif :
1. le nom de domaine doit être identique ou semblable
au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou
de services sur laquelle le requérant a des droits;
2. le détenteur de noms de domaine ne doit avoir aucun
droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime s'y
attachant;
3. le nom de domaine doit avoir été enregistré et être
utilisé de mauvaise foi.
Selon la première condition,
les principes directeurs n'exigent pas de la part du requérant
qu'il détienne des droits sur une marque enregistrée. Ils
prévoient simplement qu'il doit exister "une marque de produits
ou de services sur laquelle le requérant a des droits", sans
préciser de quelle manière ceux-ci sont acquis. De nombreuses
décisions ont ainsi considéré qu'une marque de common law
ou une marque non enregistrée suffisait à satisfaire le requérant.
Pour établir des droits de common
law dans le nom d'une personne, il est nécessaire de démontrer
le caractère distinctif ou la notoriété du nom de personne
et le fait que le nom de domaine soit "identique ou semblable
au point de prêter à confusion" à celui-ci. Ainsi, le nom
d'une personne célèbre peut être utilisé comme marque dès
le moment où il est utilisé pour identifier les services de
représentation d'une célébrité (ex : michaelcrichton.com).
Un autre facteur dont il faut
tenir compte est le lien entre ce caractère distinctif et
l'utilisation qui est faite du nom dans le commerce, relativement
à des produits ou des services, le domicile ou lieu de résidence
des parties et l'influence éventuelle de cet élément sur l'acquisition
de droits de marque non enregistrée.
La " jurisprudence
" de l'OMPI
Voici des cas où il
a été décrété que des personnes connues avaient acquis des
droits de marque sur leur nom non enregistré comme tel :
1. stephanieseymour.com (''sa réputation en tant que
mannequin et comédienne justifia une célébrité telle qu'elle
devait être protégée par le droit de marques de common law'');
2. karlalbrecht.com, auteur de livres et articles en
business et marketing;
3. stevenrattner.com, banquier d'investissement hautement
qualifié.
Par contre, le chanteur Sting
n'a pas nécessairement des droits sur Sting "comme marque
de produits ou de services" parce que le nom Sting est aussi
un mot commun en anglais aux différentes significations (sting.com).
L'affaire
Bruce Springsteen
Les actuelles hésitations
de l'OMPI sont bien retracées dans l'affaire Bruce Springsteen
(brucespringsteen.com). Une recherche " Bruce Springsteen
" sur Internet amène à un millier de résultats. L'OMPI estime
dès lors que l'internaute sait pertinemment que tous les sites
répertoriés ne sont pas tous officiels ou autorisés. L'enregistrement
d'un tel nom de domaine ne peut donc être considéré comme
apportant la confusion dans le chef des internautes.
Selon le centre, les internautes
ne s'attendent pas à ce que tous les sites qui contiennent
des noms de célébrités ou de figures historiques ou politiques
connues soient autorisés ou en relation directe avec la personne
concernée. Internet est un instrument de diffusion d'informations,
où se mêlent diverses opinions sur des sujets aussi variés.
C'est pourquoi, la cellule de
médiation de l'OMPI a décidé dans cette affaire que, bien
que le nom de domaine soit identique à la marque non enregistrée
du requérant, le revendicateur du nom de domaine avait démontré
qu'il avait des droits ou des intérêts légitimes par rapport
à celui-ci, tandis que le requérant avait échoué dans la preuve
que ce nom de domaine avait été enregistré et utilisé de mauvaise
foi.
Vers une protection
internationale des noms de personnes ?
Selon les auteurs des
commentaires du rapport intérimaire concernant le deuxième
processus de consultations de l'OMPI sur les noms de domaine
de l'Internet, il conviendrait d'élargir la protection conférée
par les principes directeurs aux noms de personne.
Ils souhaiteraient qu'il soit
possible d'invoquer une atteinte aux droits de la personnalité
pour porter plainte en vertu des principes directeurs. Il
n'existe, pour l'instant, en effet, aucune norme internationale
relative à la protection des noms patronymiques et de personnalités.
En conséquence, les systèmes juridiques nationaux prévoient
des modes de protection extrêmement variés.
[thibault.verbiest@ulys.net]
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