Eric
Caprioli, avocat et vice-président de la
FNTC
Gérard
Weisz, consultant, Sirus System, Secrétaire
général de la FNTC. |
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Archiver des
documents électroniques correspond à l'idée de
pérennité de l'information avec la possibilité
de la restituer intègre et fidèle, c'est à dire
identique en tout point à celle de son origine.
Cette opération visant à conserver des informations
ayant une valeur probatoire ou des effets juridiques
concerne toutes les personnes juridiques sans
exception, qu'elles soient physiques, morales,
privés ou publiques. Ainsi, la conservation répond
à deux objectifs principaux :
- elle porte sur des documents servant de pièces
justificatives dans le cadre de contrôles administratifs
(ex : fiscal ou social),
- elle permet la production d'actes juridiques
valant preuve en cas de litige.
L'article 1316-1 du code civil dispose : "L'écrit
sous forme électronique est admis en preuve au
même titre que l'écrit sur support papier, sous
réserve que puisse être dûment identifiée la personne
dont il émane et qu'il soit établi et conservé
dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité."
Il ressort de ce texte que la preuve littérale
sous forme électronique est admise à une double
condition : l'identification de l'auteur à qui
l'acte est imputé et la garantie de son intégrité.
Force est de constater que si la loi vise la conservation
des documents électroniques, elle ne traite pas
des formes et des modalités d'archivage. Le législateur
a posé certains aménagements qui méritent attention
dans la mesure où ils peuvent avoir des incidences
sur l'archivage électronique.
Le texte impose à la preuve littérale sous forme
électronique que l'intégrité de l'acte, dans tout
son cycle de vie, c'est à dire de son établissement
à sa conservation, soit garantie.
Aux termes de l'article 1316-4 alinéa 2 du code
civil, "Lorsqu'elle est électronique, elle (la
signature) consiste en l'usage d'un procédé fiable
d'identification garantissant son lien avec l'acte
auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé
est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque
la signature électronique est créée, l'identité
du signataire assurée et l'intégrité de l'acte
garantie, dans des conditions fixées par décret
en Conseil d'Etat." La conservation devra préserver
les fonctions essentielles de l'acte : identification
et intégrité, c'est à dire qu'elle devra porter
à la fois sur le document signé lui-même ainsi
que sur les éléments permettant sa vérification
(certificat électronique et liste de révocation
des certificats).
Aussi, sans rentrer dans le détail de la technologie
utilisée, la loi lie la preuve des actes sous
seing privé à la fiabilité du procédé de signature
électronique utilisé. En ce sens, la "solidité"
et la durabilité du lien entre la signature électronique
et le message constitue un aspect fondamental.
Pour bénéficier de la présomption de fiabilité
ou pour la validité de certains actes juridiques
(art. 1108-1 c. civ. du projet de LCEN),
les parties devront avoir recours à la signature
électronique sécurisée.
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"L'archivage
électronique doit être considéré
comme une conservation active" |
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La conservation de chaque document variera
selon les textes applicables. Par exemple, en
matière de facture électronique, le nouveau dispositif
légal et réglementaire résultant de l'article
17 de la LFR pour 2002 qui assure la transposition
de la directive européenne du 20 décembre 2001
(décret du 18 juillet 2003 et Instruction fiscale
du 7 août 2003) prévoient des modalités spécifiques
tant pour l'établissement et la transmission que
pour la conservation des factures (ex : auto facturation,
sous-traitance de la facturation, exigences en
matière de archivage,
).
En outre, de même que pour l'intelligibilité,
il est nécessaire d'entendre l'archivage électronique
comme une conservation "active" à même de garantir
la restitution de l'identification de l'auteur
et de l'intégrité de l'écrit électronique. A défaut
d'une adaptation des moyens d'archivage électronique
aux évolutions technologiques, la sécurité et
la durabilité (au sens "détection de toute altération
ou modification ultérieure de l'acte") exigées
de la conservation électronique pour garantir
la force probante de l'écrit électronique risqueraient
d'être amoindries.
Ainsi, à titre d'exemple, selon les experts en
cryptographie, le risque de casser des clés de
128 bits dans les cinq à dix ans n'est pas à négliger.
En effet, si pour l'heure, le risque demeure limité
il n'est pas écarté. Cela impliquera qu'il faille
" resigner " périodiquement le document électronique
pour être sûr de son intégrité ou l'assurer par
d'autres moyens.
En conséquence, il serait souhaitable que le
service d'archivage proposé offre une conservation
active des documents électroniques permettant
de changer de support pendant la période de temps
de conservation qui peut être plus ou moins longue
selon les documents.
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"Le
respect de la norme permet de s'affranchir
des systèmes propriétaires " |
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Dans la pratique, les parties disposent d'ores et déjà
de la norme AFNOR NFZ42-013, publiée en juillet 1999
et révisée en décembre 2001. En effet celle-ci établit
"Les spécifications relatives à la conception et à l'exploitation
de systèmes informatiques en vue d'assurer la conservation
et l'intégrité des documents stockés dans ces systèmes".
Cette norme est donc intéressante à appliquer lorsque,
dans les systèmes d'archivage électronique, l'intégrité,
la fidélité, la sécurité et la pérennité sont recherchées
pour garantir les documents. Pour atteindre l'objectif
d'intégrité la norme NFZ42-013 privilégie notamment,
à défaut d'autres dispositifs ou méthodes qui serait
équivalents ou complémentaires, de stocker les documents
sur des supports non réinscriptibles de type WORM (Write
Once Read Many), gérés, du point de vue fichiers et
volumes, conformément au standards ISO 13490 ou 13346.
L'utilisation des standards de gestion de supports
cités ci-dessus sont également, couplés avec les formats
d'encodage de document précisés par la norme (UIT G4
ou G6, JPEG, SGML, etc.) sont les points d'appui permettant
de répondre au besoin de restitution pendant la durée
légale de conservation. Cependant, les technologies
évoluant, l'obsolescence des matériels est inéluctable.
Lorsqu'un système doit évoluer, les choix judicieux
guidés par les spécifications de la norme faciliteront
les opérations de migrations dont les spécifications
techniques doivent être prévues dès la mise en route
du système.
En tout état de cause, il faut également noter que
le respect des spécifications de la norme permet de
s'affranchir des systèmes propriétaires qui subordonnent
la pérennité aux aléas économiques ou stratégiques des
promoteurs de ces systèmes.
Au-delà des choix techniques, la norme NFZ42-013 adresse
des systèmes dans leur contexte quotidien d'utilisation,
c'est ainsi que les aspects concernant la documentation
technique de la solution logiciel et matériel mise en
place ainsi que la description précise de toutes les
procédures d'exploitation y sont particulièrement développés
pour assurer, autant que possible, aux exploitants des
connaissances techniques suffisantes pour gérer ou faire
évoluer leur système d'archivage.
Par ailleurs, les indicateurs de tracabilité, tant
au niveau du fonctionnement du système que des évènements
concernant les documents, exigées par la norme ont été
prévus pour fournir, lorsque nécessaire, les éléments
attestant la fiabilité du fonctionnement du système
et de conforter ainsi la valeur probante des documents
restitués.
La mise en place d'une solution d'archivage implique
une forte imbrication des dimensions juridique, technique
et organisationnelle qui doivent être menées de concert
en fonction des besoins d'archivage des documents de
l'organisation en cause (entreprise, administrations,
). C'est pourquoi, dans de nombreuses hypothèses, les
parties disposent des moyens juridiques et techniques
pour archiver leurs documents électroniques contrairement
à certaines idées reçues et répandues sur le marché.
Elles peuvent également faire appel à des tiers archiveurs.
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