De l'importance de ne rien programmer

Jeff Weiner, PDG de LinkedIn, révèle sa règle d'or destinée aux managers overboookés. Avec une solution simple comme bonjour : ne rien prévoir de temps à autre.

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Si vous jetiez un œil à mon calendrier, vous remarqueriez probablement un tas de créneaux horaires grisés, sans aucune indication. Rassurez-vous, mon Outlook et mon imprimante vont très bien.
Les sections grises indiquent des périodes "tampon", pendant lesquelles j'ai délibérément omis de prévoir des réunions.
Je me réserve généralement entre 90 minutes et 2 heures de ce temps de repos par jour (réparties en blocs de 30 à 90 minutes).
C'est un système que j'ai développé ces dernières années lorsque je me suis rendu compte que mon agenda débordait de réunions non-stop, au point qu'il ne me restait que très peu de temps pour m'occuper de ce qui se passait autour de moi, ou juste pour penser.
Au début, ces périodes tampon m'apparaissaient comme un luxe.
J'aurais pu utiliser ce temps pour rattraper les réunions que j'avais repoussées ou refusées. Mais au fil du temps, je me suis rendu compte que ces pauses étaient non seulement importantes, mais absolument nécessaires à la bonne exécution de mon travail.

Voici pourquoi

Lorsqu'une organisation se développe, le rôle de la direction doit évoluer et se développer avec elle.
J'ai vu cette évolution se produire dans au moins deux cas de figure : le passage de la résolution de problèmes à l'accompagnement des salariés, et de l'exécution tactique à la pensée stratégique.
Ces deux transitions demandent beaucoup de temps. Prévoir réunion après réunion ne vous laissera jamais le temps d'y parvenir.
Prenez l'accompagnement, par exemple.
Il est souvent plus rapide pour les cadres de résoudre les problèmes de leurs salariés à leur place car ils ont accumulé des années d'expérience à traiter les difficultés qui leur étaient présentées. Mais c'est une solution à court terme, qui s'avèrera plus coûteuse à l'avenir. Alors que l'organisation s'agrandit, les problèmes deviendront de plus en plus fréquents et une seule personne sera capable de les résoudre. A moins de pouvoir apprendre aux autres à affronter ces défis de manière directe, vous finirez rapidement par y consacrer la totalité de votre temps (ce qui impliquera encore plus de réunions). Ce n'est pas une façon appropriée de gérer une équipe ou une entreprise.
Découvrir ce qui fait avancer les gens (perspectives, peurs, motivations, dynamique de groupe) et les accompagner dans leurs démarches jusqu'à ce qu'ils puissent non seulement résoudre le problème par eux-mêmes la prochaine fois mais aussi coacher leur propre équipe prend beaucoup plus de temps que de simplement leur dire quoi faire. La seule façon de rendre cet investissement durable est de ne pas enchaîner les réunions et de trouver du temps pour accompagner ceux qui en bénéficieront le plus.
Il est également très, voire plus important, de s'accorder du temps entre ces réunions pour recharger ses batteries. Je veux faire en sorte d'être au top lorsque je coache la prochaine personne qui aura besoin de moi.

On pourra dire la même chose de la transition de l'exécution tactique à la pensée stratégique

Il existera toujours un tas de choses à faire, toujours un dernier item à rayer de votre liste de choses à faire. Toutefois, au fur et à mesure que l'entreprise s'agrandit, que vos initiatives prennent plus d'ampleur et de profondeur, et que le paysage concurrentiel et technologique ne cesse de progresser à un rythme effréné, vous aurez besoin d'encore plus de temps qu'auparavant pour pouvoir simplement penser : s'imaginer à quoi ressemblera l'entreprise dans 3 à 5 ans, réfléchir à la meilleure façon d'améliorer un produit déjà populaire ou de s'attaquer à un besoin insatisfait du consommateur, trouver une façon d'accroître la portée d'un avantage ou combler un fossé concurrentiel, etc.
Cette démarche, dans la mesure où elle est correctement effectuée, requiert une concentration ininterrompue :
développer minutieusement des suppositions et les remettre en question, synthétiser l'ensemble des données, informations et savoirs qui se présentent constamment à vous, faire le lien entre différents éléments, rebondir sur les idées de collègues de confiance et se projeter dans divers scénarios. En bref, tout cela prend du temps. Et la seule façon de réussir est d'y consacrer du temps dans votre agenda.
Réciproquement, si vous ne prenez pas le temps de réfléchir de façon proactive, vous finirez par réagir à votre environnement au lieu d'exercer une influence sur celui-ci. Cette situation demandera inévitablement beaucoup plus de temps (et par conséquent, de réunions) que si vous aviez eu recours à la pensée stratégique.
Par-dessus tout, le fait de prévoir des périodes tampon vous permettra de souffler. Si vous prévoyez des réunions qui s'enchaînent dès la minute où vous arrivez au bureau jusqu'au moment de votre départ, vous aurez très vite l'impression que votre journée ne vous appartient pas et que vous n'êtes plus maître de celle-ci. J'ai moi-même ressenti ces effets et les ai observés chez des collègues.

Cette situation n'est pas amusante, et surtout, tout sauf viable

La solution, simple comme bonjour, est de ne rien prévoir de temps à autre. Utilisez ces laps de temps pour voir les choses en grand, vous mettre au courant des dernières nouvelles du secteur, vous attaquer à cette masse de mails non lus ou simplement pour sortir vous promener. Peu importe ce que vous choisirez, assurez-vous juste que ce moment est personnel, prévu systématiquement tous les jours, et ne laissez aucun créneau horaire au hasard. La période tampon est le meilleur investissement que vous pourrez réaliser pour vous-même et le principal outil de productivité que j'utilise.
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Traduction par Joséphine Dennery, JDN

Cette chronique traduite par le JDN a été publiée via le programme Influencers de LinkedIn, où s'expriment près de 300 leaders d'opinion. Retrouvez la version originale en anglais ici.