Le retour à la simplicité marketing

Hyper-technologie, inflation digitale et multiplication des canaux rendent plus que jamais nécessaire une évolution des fondamentaux marketing afin d'assurer visibilité, lisibilité et cohérence de l'offre

De la croissance à la complexité

Rapide rappel sur le marketing traditionnel

Le marketing traditionnel est un processus plutôt destiné aux marchés en croissance, qui a pour objet :
  • de tirer parti d'une organisation rationnelle de l'environnement — et on s'appuiera pour cela cela sur le principe de la segmentation ;
  • de formater l'offre en agissant sur quatre de ses composantes jugées clés, c'est le marketing-mix.
Dans une optique "traditionnelle", la segmentation revient à rechercher le meilleur croisement entre un rendement industriel élevé de l'offre et la satisfaction d'un besoin de consommation, et réciproquement, selon un schéma bien rodé :
  • on consomme exactement ce qui est fabriqué ou diffusé ; on fabrique ou diffuse exactement ce qui sera consommé ;
  • et les variations de cycles, à moins d'être structurellement inhérentes à un marché, sont fort mal appréciées.
Dans ces conditions, une segmentation efficace privilégiera par construction :
  • de vastes assortiments avec des montées en gamme progressives, de façon à drainer le public le plus large ;
  • et dans le même temps un principe d'exclusivité, afin de réserver à un petit nombre de privilégiés l'accès aux offres premium — c'est typiquement le schéma appliqué par la General Motors au cours des années 1950 à 2000.
Toujours dans une optique traditionnelle, le marketing-mix, bien connu sous le vocable 4PProduct, Price, Place et Promotion — est à l'image de la plupart des marchés en croissance : puissant et efficace. Disons même, à l'extrême, que le 4P est un outil esprit industriel, utilisé par le producteur ou le distributeur pour faire en sorte que l'environnement réponde favorablement à ses ambitions conjointes d'augmentation de sa couverture du marché et d'accroissement de ses marges.

La complexification des environnements traditionnels

La complexification des environnements traditionnels a cependant poussé certains professionnels de la stratégie et du marketing à augmenter le nombre des composantes du 4P, afin de se donner davantage d'occasions de s'adapter aux évolutions structurelles de marchés passés d'un stade de croissance mécanique à celui de violemment fluctuante. La création de nouveaux P (People, Process, Permission marketing, etc.) ne saurait cependant résoudre ce qui ressemble à l'inadéquation d'un outil (le 4P) à un environnement pour lequel il n'a pas été conçu au départ :
  • la croissance est une donnée en raréfaction ;
  • et, surtout, le consommateur ou l'utilisateur est en train de modifier en profondeur sa posture face à la succession de bouleversements économiques, politiques et culturels, de révolutions technologiques, ainsi que l'émergence de mouvements moraux et éthiques de plus en plus puissants.

L'émergence d'un marketing de rupture

Les besoins de plaisir et d'harmonie

Si le marketing traditionnel considère le plus souvent un système de valeur qui classifie les besoins des plus basiques au plus évolués, le marketing de rupture va opérer de façon plus absolue et n'admettre que deux types de besoins sur lesquels il a décidé d'agir :
  • le besoin de plaisir ;
  • le besoin d'harmonie.
Revenons sur ces deux besoins :
  • le plaisir est la succession de de chocs émotionnels ressentis par le consommateur ou l'utilisateur tout au long du cycle de vie d'une offre, de la vision initiale jusqu'au moment où il s'en détourne ;
  • l'harmonie est la conjonction de trois éléments auxquels le consommateur ou l'utilisateur devient de plus en plus sensibilisé : le contexte social et managérial dans lequel l'offre a été portée, les répercussions environnementales liées à la fabrication, la vente et l'utilisation de l'offre et, enfin, avoir l'assurance que les données personnelles confiées à des tiers sont parfaitement verrouillées et que l'usage qui en est fait réponde à une déontologie stricte.

Les clés de segmentation EMRAT

Les deux besoins dont nous venons de parler peuvent s'exploiter de façon efficace grâce aux clés de segmentation EMRAT :
  • EM = EMotion ;
  • RA = RésultAt ;
  • T = rapport vitesse/Temps.
Voyons cela plus en détail :
  • la clé EM (émotion) permet de segmenter l'environnement en travaillant sur les différentes impacts émotionnels dont l'offre est en mesure de se prévaloir ;
  • la clé RA (résultat) permet de segmenter l'environnement en travaillant sur la notion de résultat (et non de performance) — nous somme ici dans la valeur d'usage ;
  • la clé T (rapport vitesse/temps) permet de segmenter l'environnement en travaillant sur les avantages temporels que permet l'offre (accroissement de la vitesse ou rétrécissement de l'espace).
La société d’ingénierie française Devialet illustre bien, à notre avis, l'utilisation des clés de segmentation EMRAT :
  • l'émotion : une façon de rendre simple et attractive la technologie d'amplification et de restitution du son et d'associer la perfection du son à la pureté formels de ses matériels ;
  • le résultat : un univers parfaitement cohérent, construit selon trois axes forts — écouter, voir et jouer ;
  • le rapport vitesse/temps : une perfection sonore immédiatement accessible — nul besoin d'être un professionnel aguerri ou de passer de longues heures à configurer les différents éléments.

Pour aller plus loin

On pourra lire l'ouvrage La chaîne de valeur de l'offre où l'ensemble des éléments ci-dessus sont détaillés et mis en perspective dans un processus global stratégie, marketing, design et communication.
On pourra également visionner une interview de l'auteur où sont abordés les concepts de marketing de rupture et de chaîne de valeur.