La valeur travail est-elle (vraiment) en crise ?

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L'avènement de la société des loisirs n'est pas en cause

On pourrait être tenté d'imputer cette crise de travail à l'avènement de la société des loisirs. Mais pour Jean-Marie Bergère, ce serait se tromper de diagnostic.

 

"Il est vrai que même si, matériellement, les gens vivent bien, il existe une 'grande déprime' : ils veulent partir en pré-retraite, les DRH les déclarent moins motivés… Mais cela n'a rien à voir avec la société des loisirs. La meilleure preuve en est que dès qu'on leur propose de nouveaux défis, les gens que l'on croyait démotivés repartent à toute vitesse. J'ai par exemple vu des seniors s'investir avec enthousiasme dans leur rôle de tuteur." Au final, il faudrait donc peu de choses : un nouveau projet, des explications, un peu de sécurité… et des perspectives.

 

Résoudre la crise du travail

"Le parcours professionnel doit produire de l'estime"

Selon Jean-Marie Bergère, on fera face à cette 'grande déprime' en réorganisant le travail de façon à ce que les gens y trouvent… ce qu'ils y trouvaient auparavant.

 

Et le premier axe à repenser, c'est le parcours professionnel. "Il doit produire de l'estime, même si l'histoire professionnelle du salarié comporte des ruptures. Aujourd'hui, on doit tout le temps changer de cap et prouver qu'on sait faire de nouvelles choses." Il est très important de voir, dans le parcours du salarié, ce qui peut être réutilisé. Et par exemple, de pouvoir dire : "vous ne serez plus ouvrière textile, mais votre savoir-faire en matière de machines de précision sera très utile pour travailler sur des circuits intégrés". "Il faudrait, beaucoup mieux qu'aujourd'hui, accompagner le salarié sur toute la durée de sa vie professionnelle, précise Jean-Marie Bergère. La méthode ANPE de recrutement par l'habileté est en cela très bonne."

 

L'objectif : reconstituer les récits pour pouvoir les valoriser. "Ce qui ne se fait pas tout seul. Dans le passé, le cheminot participait à l'aventure de l'extension du réseau de chemin de fer. Aujourd'hui, la réalité du travail est difficile à comprendre, parfois insensée. Construire une histoire professionnelle demande du travail", ajoute-t-il. Mais du travail qui s'articulerait très bien avec les exigences croissantes de mobilité des employeurs.

 

"Aujourd'hui, la réalité du travail est difficile à comprendre, parfois insensée"

Il s'agit aussi de trouver des modalités de reconnaissance à la hauteur de celles qui ont disparu, comme celle de l'ébéniste ou du professeur, qui étaient reconnus pour le savoir-faire associé à leur métier. Trouver et construire une cohérence aux parcours professionnels est ainsi primordial, "car c'est l'incohérence qui détruit."

 

Enfin, il conviendrait de favoriser l'autonomie et la prise de responsabilité des salariés ainsi que d'enrichir les tâches. "A condition bien sûr de leur en donner les moyens : pas question d'associer responsabilités et stress", conclut le spécialiste.



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