10/10/2000
L'e-commerce
fait basculer la logistique dans l'infogistique
Jean-Rémi
Gratadour, chargé de mission auprès de l'IREPP
(Institut de Recherche et Prospective Postale), l'entité
de recherche et de développement de la Poste vient de
publier en partenariat avec l'ACSEL (Association pour le Commerce
et les Services en Ligne) un nouveau cahier consacré
à la logistique sur Internet intitulé Infogistique.
A la suite de cette étude, Jean-Rémi Gratadour
nous présente sa
vision du marché actuel.
Propos recueillis par Alexandra
Bissé
Comment
classifiez-vous les différents acteurs logistiques
en lice sur le marché du e-commerce ?
Je ne crois pas que l'on puisse parler de concurrence à
l'heure actuelle entre les divers acteurs en place. En fait,
on note plutôt un mouvement de concentration et de rapprochement
lié aux nouveaux besoins exprimés par les marchands
en ligne. Ainsi les acteurs postaux nationaux spécialistes
de l'expédition mono-colis ont tendance à se
rapprocher des messageries express et intégrateurs
tels que DHL ou UPS. On a vu récemment la Deutsche
Post prendre 25% du capital de DHL ou La Poste collaborer
étroitement avec Fedex. Ce mouvement va même
plus loin et touche également les logisticiens traditionnels,
spécialistes du stockage et du transport.
L'objectif est de ne pas être limité dans son
offre de services et pouvoir répondre à toute
la chaîne de besoins des e-commerçants :
depuis l'entreposage jusqu'à la livraison et pouvoir
également s'engager sur des services de différenciation
retardée (délocaliser une partie de la production
chez le logisticien : ordinateurs, téléphones
mobiles...).
Quels sont les facteurs à
prendre en considération pour le choix d'une solution
logistique externalisée ou internalisée ?
Cette problématique dépend avant tout du volume
de commandes existant ou anticipé par le cyber-marchand.
Il est clair que le premier poste de coût d'un commerçant
reste le marketing, même si la logistique prend une
dimension stratégique. Ainsi, à raison de moins
de 10 commandes par jour, la solution en interne est envisageable.
Mais il faut reconnaître que pour atteindre une réelle
garantie de service, l'externalisation reste la meilleure
solution.
C'est le métier du logisticien que de gérer
les dysfonctionnements inhérents à tout process
logistique (retard, pics d'activité...etc). Si l'activité
est internalisée, les retards peuvent rapidement souffrir
d'effet domino et pénaliser lourdement le service tout
entier.
Le logisticien est capable de déployer une gestion
à géométrie variable avec une qualité
de service optimale.
Dans votre cahier, vous idendifiez
2 stratégies différentes de distribution pour les e-commerçants
: la stratégie "locale globalisée" et "globale localisée".
Pouvez-vous décrire à quel type de stratégie logistique elles
correspondent ?
Le premier modèle s'organise autour d'un stock unique
. Le service traite des commandes pouvant être internationales
à partir d'un centre de stockage ou de production local. La
limite de ce modèle réside bien entendu dans la difficulté
d'assurer de bonnes conditions de coûts et de délais pour
les ventes à l'international. Ce modèle peut donc avoir de
fâcheuses conséquences sur la profitabilité. Or, il est difficile
de concevoir qu'un dispositif de vente sur Internet s'interdise
de vendre à l'étranger.
Le second modèle, dit "global localisé" démultiplie les stocks
logistiques en fonction des zones desservies. Ce modèle est
tout naturellement réservé à des acteurs ayant déjà une certaine
taille et un certain volume de vente. En globalisant la logistique,
les acteurs localisent le service rendu à leur client. Il
est fort probable que l'âge de maturité de la logistique du
commerce sur Internet empruntera beaucoup à ce modèle.
Le cahier des charges logistique
est un document précieux dans la relation avec son prestataire.
Quels sont les points incontournables et les précautions à
prendre dans sa rédaction ?
Compte tenu de la nouveauté des demandes logistiques de vente
sur Internet, et de la difficulté à définir une offre de service
adaptée, il est important pour le marchand de composer un
cahier des charges tenant compte :
- des caractéristiques physiques des
produits (poids, volume, morphologie, fragilité, etc.) ;
- des délais de livraison souhaités ( de J+1
à un mois !) ;
- de la zone de chalandise visée (territoire national, Europe,
monde);
- des volumes de vente et des perspectives d'évolution
de ceux-ci ;
- du mode de collecte et de distribution choisi ;
- des services associés : assurance, service après
vente, colisage etc.
- et enfin de la grille tarifaire résultant de ces choix
qui aura un impact direct sur le prix de vente du produit.
Mais le cahier des charges logistique prendra tout naturellement
compte en premier lieu de la réponse apportée à la question
de l'internalisation ou de l'externalisation partielle
ou totale de la logistique dont nous parlions plus haut.
Dans le cas d'externalisation, la société de logistique aidera
le marchand à répondre concrètement à de telles exigences.
Quelle est l'évolution majeure
qui fait passer le logisticien au statut d'e-logisticien ?
C'est en fait l'intégration des systèmes d'information
par les logisticiens qui constitue l'évolution majeure
du métier
En effet, le métier de la logistique ne s'arrête
plus à la simple circulation matérielle des
produits. elle se double des flux d'information qui y sont
liés et qui deviennent aussi importants que le produit
lui-même. Les expressistes (tels que Chronopost) ont
été les précurseurs dans cette approche
avec la mise en place de dispositif de tracing élaborés.
L'autre impact du commerce électronique sur le métier
a trait à la nature même des demandes des web
marchands : des flux très faibles et l'exigence d'un
degré de qualité de service très élevé.
La concentration du secteur permettra de rationaliser ces
flux et de gérer plus efficacement l'e-logistique.
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