Journal du Net > Solutions >  Patrick Chevalier, Aska : "En France on pratique plus l'e-teaching que l'e-learning!"
Article
 
12/04/2000

Patrick Chevalier, Aska : "En France on pratique plus l'e-teaching que l'e-learning!"

  Envoyer Imprimer  

Patrick Chevalier, fondateur du cabinet Aska, spécialisé dans l'assistance à la maîtrise d'ouvrage et à la conduite de projets dans le domaine de l'e-learning nous fait partager son expérience auprès des entreprises ayant instauré des dispositifs de formation en ligne : les problématiques, leurs préoccupations. Il dresse également un état des lieux des points forts et faiblesses des solutions actuelles.

Propos recueillis le 31/11/2000 par
Alexandra Bissé

JDNet Solutions : Quelles sont les préoccupations des entreprises migrant vers un processus d'e-learning ? Comment appréhendent-elle ce passage ?
Patrick Chevalier : En fait les entreprises choisissent en général, la prudence en adoptant une phase pilote leur permettant d'expérimenter sur un échantillon d'apprenants une solution potentielle. Ces entreprises ont souvent une expérience de la formation individualisée en centre de ressources (avec CD-Rom et tutorat) et se préoccupent beaucoup de l'encadrement de l'apprenant dans ce mode d'enseignement à distance qui permet de se former en toute autonomie.
Les entreprises redoutent l'isolement et mettent souvent l'accent sur la motivation et l'organisation du tutorat en ligne. La Société Générale par exemple a misé sur un tutorat par visio-conférence pouvant intervenir à tout moment quand l'apprenant rencontre une difficulté. Ou bien plus simplement par téléphone. Les priorités se situent donc avant tout dans la validation du modèle pédagogique et la motivation du personnel.

Quels sont les oublis ?
Sans parler d'oubli à proprement parler, je dirai que certains aspects liés notamment à l'intégration du dispositif d'e-learning dans le fonctionnement de l'entreprise sont pris en compte plus tard. Ces aspects sont pourtant très importants et peuvent s'avérer complexes. Il s'agit de l'organisation temps de travail/temps de formation. Est-ce confondu ou distinct ? Comment organiser la formation depuis le domicile ? Mise en place d'un extranet, problématique de sécurité du réseau...

Comment se passe la recherche de contenu ?
Sans vouloir être péjoratif, je constate que celle-ci s'effectue souvent "au petit bonheur la chance".
En fait les entreprises vont souvent au plus simple pour démarrer en se dirigeant vers des offres largement visibles sur un plan médiatique telles que Study.com ou encore Onlineformapro.
Des prestations globales et génériques qui constituent d'ailleurs souvent de bonnes portes d'entrée. Il faut bien démarrer ! Pourtant elles se rendent compte ensuite que ces offres restent limitées et se dirigent en général plus tard vers des éditeurs afin de constituer leur propre contenu adapté à leurs besoins.

Un dilemme existe au niveau du contenu. Plusieurs éditeurs proposent une transposition directe des supports de cours en présentiel pour la diffusion en ligne tandis que certain préconisent des animations multimédias spécifiques. Qu'en pensez-vous ?
Je pense que le problème n'est pas de transposer les supports. C'est une approche très française de se dire que l'on va prendre l'existant et le numériser, un peu comme pour les premières voitures à moteur basées sur le modèle des voitures à cheval, si vous me passez l'analogie...
L'approche anglo-saxonne est intéressante dans la mesure où ceux-ci se penchent en premier lieu sur l'évaluation des stagiaires avant de penser en terme de transmission des savoirs. Ils ont une démarche très constructiviste de la formation basée sur la participation et la validation des connaissances.
En France, on a tendance à privilégier encore l'e-teaching (information essentiellement descendante), très animé, très interactif et très coloré certes, mais pas assez orienté sur l'apprenant et ses progrès concrets.
A mon sens il faut avant tout travailler sur la trame, le scénario avec des consignes précises de tâches à accomplir tout au long de l'enseignement.

Du côté des plate-formes d'e-learning présentes sur le marché, quels sont selon vous les points forts ?
L'indéniable amélioration des plates-formes réside dans l'intégration des bases de données relationnelles type SQL Server ou Oracle. Celles-ci permettent une gestion fine de l'information relative aux parcours et aux profils des apprenants.
Auparavant, on se trouvait en quelque sorte prisonnier de ce qu'avait prévu la plate-forme. Désormais il est possible d'extraire tout type d'information à partir du moment où elle a été saisie et d'éditer un état correspondant à un besoin spécifique.
L'autre point fort concerne la meilleure collaboration entre éditeurs de contenu et plate-forme notamment la compatibilité avec la norme AICC qui permet d'induire un tracking interne des performances de l'apprenant au sein d'un module de formation.
Enfin la dernière évolution intéressante concerne l'apparition de l'ASP forte utile en période de test.

A contrario les points faibles ?
Les processus de traitement et organisationnels (affectation des tuteurs, accès utilisateurs, autorisation hiérarchique...) propres à chaque plate-forme sont encore trop rigides et obligent l'entreprise à s'adapter à son schéma plutôt que l'inverse.
En second lieu, les plates-formes pêchent souvent dans les outils de travail collaboratif propres à la pédagogie dite "de projet". La communication entre stagiaire pour aboutir à une réalisation commune est encore approximative... Et c'est dommage !

Enfin que pensez-vous de l'offre française ?
Elle n'a rien à envier à ses collègues américains. Des produits comme Campus Virtuel d'Archimède sont très performants par exemple (très évolutif et très souple dans le paramétrage des processus).
L'offre française est très typée et assez segmentée tandis que les offres américaines se ressemblent souvent. Certains sont forts pour le référencement, le positionnement pédagogique tandis que d'autres sont compétents pour le téléchargement de ressources pédagogiques. En revanche, il n'existe pas en France de produit d'entrée de gamme comme on peut en trouver aux USA tel que WebCT quasiment gratuit (utilisé par l'Université Paris VI pour le FLE : français langue étrangère).


Patrick Chevalier s'est consacré depuis 1985 aux technologies éducatives. Tout d'abord, au sein du Centre de Formation de Formateurs, (C2F) du CNAM, il a créé et dirigé un service de création de produits pédagogiques multimédias puis formé de nombreux chefs de projets provenant de grandes entreprises et d'organismes de formation. Il a ensuite créé et dirigé le service enseignement à distance du CNAM pendant 4 ans. Le CNAM a alors développé une palette d'offres de télé-formation (formation à domicile ou en entreprises, formation en centres de proximité) et a mis au point plusieurs outils de télé-formation (Téléprésentation, Télésites). Après avoir assuré la direction de l'Observatoire national sur le multimédia de formation (ORAVEP) de 93 à 98. Il a créé avec Jean-Louis SCHAFF Aska : un cabinet de conseil spécialisé dans l'application des technologies à la formation.


JDN Solutions Envoyer Imprimer Haut de page

Sondage

Votre entreprise évolue-t-elle vers une informatique bimodale ?

Tous les sondages