02/12/2001
Louis-Marie Guillaume, Broadvision:
"Nous croyons beaucoup au b-to-c !"
Fondée
en 1993, la star des éditeurs de suites marchandes
Broadvision
sert aujourd'hui les intérêts en ligne de près
de 1 200 clients, en majorité grands comptes,
avec l'appui d'environ 2 400 collaborateurs dans
le monde. Son chiffre d'affaires 2000, à 413 millions
de dollars, est en hausse de 358 % par rapport à
1999. Déclinée en une dizaine de solutions
bâties autour de la plate-forme one-to-one, l'offre
couvre autant les domaines du b-to-c, que du b-to-b et des
services financiers.
En Europe, la France et l'Italie présentent pour
Broadvision la plus forte croissance en terme de CA, soit
plus de 1 000 %. Entre septembre 1999 et janvier
2001, la filiale française est passée d'un
effectif de 5 à 47 personnes et d'une base
installée de 3 à 38 clients, parmi
lesquels Air France, Air Liquide, BNP-Paribas, France Télécom,
Havas, Europe 1 et Renault. Son directeur général,
Louis-Marie Guillaume, défend ici Broadvision face
aux critiques formulées par les concurrents et une
partie de la presse, et présente sa vision de l'Internet
marchand.
JDNet
Solutions : vous faites de la personnalisation votre cheval
de bataille. Pourquoi ?
Louis-Marie Guillaume : Nous essayons de nous
distinguer par rapport aux autres. Certains parlent, nous
préférons écouter et restituer ce que
nous avons compris. En général, le client
préfère se rendre chez le même commerçant
depuis 10 ans, qui le connaît, sait comment il
s'appelle et quels produits il achète. Aujourd'hui,
tout le monde parle de CRM. Or, nous ne sommes pas un éditeur
dans la gestion de la relation client mais plutôt
dans l'Internet. Le CRM est un ensemble de flux classiques
de l'entreprise vers les clients, et l'Internet a tout révolutionné
car il va du client à l'entreprise. Au lieu de recevoir
des offres de publicité et de faire remonter sa réponse
vers l'entreprise qui mesure sa satisfaction, le client
consulte le catalogue en ligne, s'informe, participe à
des forums. C'est pourquoi la personnalisation n'est pas
un gadget.
Personnalisation
implicite, explicite : quelle est votre position sur le
sujet ?
Pour nous, la personnalisation déclarative
est la capacité pour l'entreprise de restituer tout
ce qu'elle a compris de son client. Nous considérons
comme une erreur d'obliger l'internaute à remplir
des fichiers sans valeur. Si la personnalisation consiste
à saisir ces formulaires pour donner de l'information
à l'entreprise, nous sommes contre car il s'agit
encore d'une démarche de l'entreprise vers le client,
comme ce que pratiquent les call centers. Par exemple, en
b-to-e, Alfred Dupont entre son mot de passe et le portail
lui demande comment se déroule la relation avec son
client pour des véhicules destinés à
une flotte de commerciaux. A ce moment, le concessionnaire
dépose une contre-offre. Et c'est là que nous
pouvons enrichir le profil à travers l'information
écrite, de la même façon que la relation
humaine, où le temps apporte l'information au fur
et à mesure.
Il faut donc revenir aux basiques de l'entreprise. Si vous
êtes sur un site non personalisé, vous aurez
l'impression de ne pas être pris en compte. Comme
je ne suis pas une machine, si le portail ne me donne pas
de l'importance, je m'en vais. Et nous ne créons
pas des sites pour que les gens s'en aillent, mais pour
qu'ils y reviennent.
Du
coup, qu'est-ce qui est le plus important pour vous sur
un site web ?
La gestion de la relation avant, pendant,
et après la transaction. Internet doit se comporter
comme dans la vie. Au centre se situe l'internaute, intranaute
ou extranaute. Car le collaborateur a aussi envie d'être
connu, et que l'entreprise se souvienne de lui. C'est la
même chose pour une marque qui me connaît et
peut m'aider dans les trois phases. Nous sommes en train
d'ouvrir à Londres la place de marché officielle
de Accor Forte et Hilton, et c'est ainsi que nous procédons
également dans le b-to-b.
Après, la transaction n'est que le déroulement
naturel de ce qui a été engagé en amont.
Dans ce cadre, nous réalisons les transactions d'achat,
de vente et d'échange. Et enfin, nous organisons
la relation de capitalisation au cours de laquelle nous
observons comment chacun se comporte. Nous allons aussi
essayer de solutionner la mise en ligne des informations
qui apportent de la valeur au service. C'est pour cela que
les centres d'appels fonctionnent aussi bien aujourd'hui.
Les entreprises proposent les produits les plus chers avec
les salariés les moins bien payés.
Vos
produits s'adressent-ils toujours uniquement aux grands
comptes ?
Dans les faits, nous ne travaillons
qu'avec les grandes entreprises et nous ciblons le CAC-40.
Concernant les PME, nous passons à travers des offres
ASP et nous venons d'ailleurs de signer à ce sujet
avec France Télécom e-business. En dehors
de cela, nous ne pratiquons que la vente directe, et personne
d'autre que Broadvision n'a le droit de revendre du Broadvision.
Mais 100 % des projets sont réalisés
avec des partenaires. Les principaux en France sont Accenture,
PWC, Deloitte & Touche, Fi System, Valoris
et nous venons de signer avec Valtech.
Pensez-vous,
comme Intershop par exemple, accentuer votre orientation
vers le b-to-b après les déboires du b-to-c,
notamment liés à la sécurité
?
Nous croyons beaucoup au b-to-c, et
nous sommes persuadés que le marché va continuer
à exploser dans les années à venir.
Mais ce domaine est lié à l'équipement
informatique dans les foyers. Peut-être qu'une déception
est née de ce que pensaient tirer les entreprises
du b-to-c face au réel taux de pénétration
d'Internet dans les ménages. Une fois ce cap passé,
le b-to-c va rebondir.
Quant à la sécurité des transactions,
c'est avant tout un problème psychologique. Car il
est plus dangereux de donner son numéro de carte
bancaire au téléphone que sur Internet aujourd'hui.
Or, beaucoup de gens n'hésitent pas à effectuer
leurs transactions par téléphone. Et tous
nos clients s'engagent à sécuriser leurs sites.
L'an dernier, nos revenus ont été tirés
à 43 % du b-to-c, à 46 % du b-to-b
et à 11 % du b-to-e.
Fournissez-vous
le même noyau fonctionnel dans vos différentes
suites ?
Nous retrouvons les quatre fonctions
de base, qui sont la gestion de contenus, la gestion des
règles, la gestion de la transaction et les outils
de statistiques analytiques. Dans les contenus, nous déclarons
les profils. Les règles peuvent être :
"Acceptez-vous un numéro de client ?"
ou "Si vous êtes prospect, que fait on ?".
La règle client/prospect est la première à
intégrer dans un site. Puis viennent "à
quelle famille appartenez-vous : les fêtards, les
casaniers, etc. ?", et "en fonction de cela que
pouvons-nous vous proposer ?". Internet n'est pas une
rupture mais un outil formidable qui permet de parler aux
individus derrière leurs écrans, et ce quel
que soit le domaine visé.
Vous
avez signé l'an dernier un partenariat technologique
avec I2. Que va-t-il en résulter ?
Broadvision n'est pas sur les métiers
de la chaîne logistique. Le partenariat que nous avons
signé en septembre 2000 vise pour nous à créer
un produit conjoint avec I2, qui verra le jour en juin-juillet
avec le meilleur des deux plates-formes. Avec cela, nous
ciblerons des secteurs communs et nous nous adresserons
par exemple au marché des consultants. Les entreprises
souhaitent réduire le nombre de leurs fournisseurs.
Dans ce schéma, nous savons écouter, restituer,
proposer et vendre.
Après le b-to-b, nous nous attaquerons à l'UMTS,
et ce n'est pas pour rien qu'Ericsson a annoncé nous
avoir choisi. Mais nous ne pouvons pas encore dévoiler
ce qu'ils vont fabriquer avec nous.
D'aucuns
ont critiqué l'an dernier votre position par rapport
aux standards du web. Qu'avez-vous à leur répondre ?
Nous sommes délibérément
agnostiques en matière de technologies. Il est évident
qu'un éditeur ne doit pas imposer une technologie
maison mais doit plutôt respecter les standards. Or,
ceux-ci étaient beaucoup moins clairs il y a un an.
Mais lorsque Sun nous a récemment décerné
le prix dotcom en France, c'était grâce à
notre respect des standards J2EE. Et nous y sommes parvenus
car nous avons écouté nos clients, et aussi
nos concurrents qui sont agressifs à notre égard.
Nous pratiquons aussi l'échange de contenus en XML
grâce au rachat d'Interleaf. Dans le domaine de l'EAI,
nous avons des accords avec des sociétés comme
SeeBeyond, WebMethods, Neon, Tibco... et nous nous interfaçons
avec leurs solutions.
En fait, notre offre respecte à la fois les EJB,
Corba, Com/DCom et C++. Notre architecture multi-couches
nous a permis d'intégrer rapidement J2EE. Au niveau
de la publication dynamique, nous supportons aussi bien
XSL que l'ASP, les Java Server Pages et même Javascript
Server Pages.
Le
prix d'une licence Broadvision correspond-il toujours à
25 % du coût d'un projet ?
Nos prix commencent à environ
500 000 francs jusqu'à beaucoup plus. Les
projets, quant à eux, se situent entre 3 et 15 millions
de francs selon la volumétrie du client. Nos produits
sont peut-être chers, mais ils sont en cohérence
avec les budgets consacrés par nos clients. De plus,
si nous étions trop chers, nous ne vendrions pas
autant. Nous apportons une garantie de moyens, et nos partenaires
offrent une garantie de résultats. Et si des sociétés
comme Accenture s'avancent de cette façon, c'est
qu'elles ont bien compris qu'il existait un retour sur investissement
avec des chiffres éloquents.
Quelles
sont les prochaines orientations techniques et fonctionnelles
de votre offre ?
Nous allons accélérer
les développements sur les plans statistiques et
analytiques, afin de permettre à nos clients de mieux
affiner leurs politiques marketing, de ressources humaines
et sur le Web. A présent, nous nous concentrons sur
les 33 % de la relation qui correspondent à
l'après-transaction. Sur ce plan, nous travaillons
notamment avec Business Objects qui est aussi un client.
Louis-Marie Guillaume, 38 ans, a conduit
au poste de directeur général la filiale française
de Broadvision sur la voie du succès depuis 1999.
Diplômé d'un MBA obtenu à HEC au milieu
des années 80, il intègre l'équipe
commerciale française de Dun & Bradstreet
Software, éditeur de logiciels de comptabilité,
au sein de laquelle il assume tour à tour les rôles
de commercial, ingénieur d'affaires, etc. pendant
huit ans. En 1996, il rejoint le fournisseur de solutions
de sécurité et de voix sur IP Matranet au
poste de directeur commercial. Fondateur en 1998 d'Edensoft,
un éditeur de logiciels d'automatisation des forces
de vente, il se trouve à court d'argent et intègre
Broadvision en juillet 1999.
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